Le voyage se poursuit par la mer et Luc en indique avec précision les étapes comme si chacune devait être la dernière. À Tyr, Paul et ses compagnons demeurent sept jours pour que le navire puisse décharger sa cargaison. Mais ils ne perdent pas leur temps car ils trouvent des disciples. C’est toujours une joie et un grand privilège que de rencontrer des chrétiens sur le chemin.
Il est surprenant que Paul passe outre à l’avertissement des frères de Tyr qui, par l’Esprit, lui disent de ne pas monter à Jérusalem. Mais il s’agissait d’un avertissement, non d’un ordre, sans quoi Paul aurait désobéi à l’Esprit. Nous ne pouvons comprendre la détermination de Paul. Même si elle se durcit en approchant de Jérusalem, qui sommes-nous pour juger Paul ? Après avoir conquis l’Asie et la Grèce, voulait-il faire une dernière tentative pour gagner ce peuple juif rebelle ? Pensait-il qu’en brisant le noyau dur à Jérusalem, le peuple se tournerait enfin vers Dieu ? Pour Paul, le devoir qu’il croyait être le sien passait avant les avertissements des frères et de l’Esprit. Ce qui l’animait n’avait rien d’égoïste. Sa préoccupation première n’était pas sa propre sécurité, mais le salut de ses frères juifs.
Par cet exemple, on constate que chez un chrétien les motifs peuvent être louables et le cœur sincère sans que le chemin pris soit forcément selon la volonté de Dieu.
Entre chrétiens, il ne faut pas beaucoup de temps pour créer des liens d’affection : à Tyr, une semaine suffit. Hommes, femmes, enfants les accompagnent sur le rivage avant le départ. Ils se séparent, non sans avoir prié. Les adieux sont aussi touchants qu’à Milet.
Après un nouvel arrêt d’un jour à Ptolémaïs (aujourd’hui Acre ou Acco), Paul et ses collaborateurs touchent définitivement terre à Césarée et logent chez Philippe l’évangéliste qui a quatre filles qui prophétisent. Pour se consacrer entièrement au service du Seigneur, elles sont restées vierges1 Corinthiens 7. 34. Même si Paul n’est plus tributaire de l’horaire d’un bateau, Dieu permet qu’il séjourne plusieurs jours dans la ville, comme pour laisser le temps au prophète Agabus de descendre de Jérusalem pour prophétiser. Quinze ans auparavant, ce même prophète avait annoncé une famine générale (11. 27, 28).
Bien que les filles de Philippe prophétisent, c’est à un homme qu’appartient l’exercice de ce ministère devant d’autres hommes comme Paul et ses compagnons. L’enseignement du N.T. est précis : la femme ne peut exercer une fonction d’autorité sur l’homme1 Timothée 2. 12.
Quand jadis les mots étaient insuffisants pour marquer les esprits, les prophètes en Israël illustraient leur message de façon concrèteÉsaïe 20. 3, 4 ; Jérémie 13. 1 ; 27. 2 ; Ézéchiel 4 ; 5. 1-4 ; 1 Rois 11. 29-31. Joignant le geste à la parole, Agabus prend la ceinture de Paul, s’en lie les pieds et les mains et annonce que Paul va être lié et livré aux nations. C’est un nouvel avertissement. L’Esprit prépare Paul à ce qui l’attend.
S’il le veut, il peut encore changer ses plans et ne pas monter à Jérusalem. Paul aurait pu prévoir que la prison l’empêcherait de parler aux Juifs mais il préfère poursuivre son idée. Contrairement à son Maître qui a été amené comme un agneau à la boucherieÉsaïe 53. 7, Paul veut comme forcer les circonstances, mais les mobiles qui le font agir sont, malgré tout, de ceux que Dieu peut comprendre.
Les frères de Césarée et les compagnons de Paul sont unanimes : ils le supplient de ne pas monter à Jérusalem. Ils l’aiment tant ! Paul va-t-il faiblir sous la pression de l’amour fraternel ? Son cœur est touché mais il tient ferme dans son esprit. Il est prêt à mourir pour le nom du Seigneur Jésus. Il sait que Dieu est grand et peut se servir de ce qui nous inquiète pour glorifier son nom. Devant la détermination de Paul, les frères ne peuvent plus rien ajouter sinon : “Que la volonté du Seigneur soit faite”. Paul s’est remis depuis longtemps au Seigneur, les frères font maintenant de même. Leur attitude est remarquable de dignité et de sobriété. Elle ne traduit pas un sentiment de résignation, mais est la seule attitude spirituelle que nous devons adopter quand, dans une situation apparemment inextricable, tous les arguments ont été épuisés.