Pour éviter tout malentendu, Paul précise le but qu’il poursuit dans cette lettre. Il ne veut pas faire honte aux Corinthiens, mais les avertir comme ses enfants bien-aimés. Il n’était pas leur maître, mais leur père.
Dans la Grèce antique comme à Rome1, les fils des familles aisées étaient placés, depuis l’âge de sept ans environ jusqu’à dix-sept ans, sous la surveillance permanente d’un maître ou d’un tuteur (en grec : paidagogos) ; celui-ci les accompagnait sur le chemin de l’école, les suivait dans leurs activités, afin de les orienter vers une conduite conforme à leur rang et les préserver d’influences néfastes, comme de leur propre insouciance. A la différence des “pédagogues” d’aujourd’hui, ceux-là ne dispensaient pas l’enseignement. Leur rôle était de maintenir les enfants dans la soumission. L’autorité était plus importante que l’amour. Dans le domaine spirituel également, il est plus facile de se comporter en maître qu’en père. On imposera sèchement un comportement à son frère, mais saura-t-on lui être en aide, avec patience et amour, pour contribuer à son accroissement spirituel ?
Il existait manifestement à Corinthe de tels “maîtres” qui voulaient régner sur les croyants et les tenir sous tutelle ; en revanche, on n’y trouvait pas beaucoup de “pères”, de ceux qui se réjouissaient de constater la croissance des âmes dans la grâce et la connaissance de Jésus Christ. En réalité, leur véritable père spirituel était Paul, et ceci à double titre.
Premièrement, il leur avait annoncé l’évangileActes 18. 1-11, devenant ainsi le moyen de leur conversion, de leur nouvelle naissance : il les avait “engendrés dans le christ Jésus par l’évangile” Philémon 10 ; Galates 4. 19.
Deuxièmement, il était plus avancé qu’eux dans le chemin de la foi ; dans un amour plein de sollicitude, il les avait aidés, il leur avait été un modèle à tous égards. C’est la raison pour laquelle il leur demande d’être ses imitateurs. L’exemple pratique ne constitue-t-il pas un excellent moyen d’enseignement ? Cependant, cette invitation à être ses imitateurs ne contient pas de trace d’orgueil : l’apôtre ne voulait pas attirer l’attention sur lui-même, mais sur Christ dont il était lui-même l’imitateur (11. 1).
Comme Paul ne pouvait pas ou ne souhaitait pas venir à Corinthe, dans la situation actuelle, il envoya Timothée, porteur probable de la présente lettre (16. 10). Ce compagnon de longue date connaissait l’apôtre comme nul autre et lui était dévoué par un amour filialPhilippiens 2. 20-22 ; 2 Timothée 3. 10. Paul, de son côté, estimait hautement son compagnon d’œuvre et le jugeait capable de rappeler aux Corinthiens – mais aussi à chaque assemblée – ce qu’en qualité de fidèle disciple de Christ, il leur avait communiqué auparavant.
L’extension de la doctrine à toutes les assemblées (verset 17) est remarquable. Paul marchait dans le chemin du Seigneur : ce chemin était le même pour toutes les assemblées, tout comme sa doctrine. Et pourtant, combien d’authentiques chrétiens contestent aujourd’hui cette doctrine !
Paul savait que des hommes à Corinthe exploitaient n’importe quel prétexte pour se mettre en valeur et pour saper la confiance que les Corinthiens avaient en lui. Ainsi ils soutenaient, dans leur orgueil, que Paul avait envoyé Timothée à Corinthe parce qu’il n’osait pas s’y rendre lui-même. En réalité, Paul vivait dans la dépendance de son Seigneur bien-aimé et se soumettait à sa volonté.
L’apôtre annonce alors à ceux qui se sont enflés d’orgueil la possibilité d’une sérieuse confrontation, qui établirait que la véritable puissance n’est pas dans les paroles ; elle se mesure à la qualité de la marche pratique. Plus loin, ne signalera-t-il pas (13. 1), que l’on peut parler le langage des anges et être pourtant “comme un airain qui résonne ou comme une cymbale retentissante” ? Son arrivée marquerait alors le terme de cette séduction qu’exerçaient vis-à-vis des croyants à Corinthe ceux qui s’étaient enflés d’orgueil.
Car, ajoute-t-il, “le royaume de Dieu n’est pas en parole, mais en puissance” (verset 20). Un trait essentiel du royaume de Dieu est la reconnaissance de l’autorité du Seigneur Jésus, qui se traduit par l’obéissance. Les croyants d’aujourd’hui aussi participent à ce royaume ; leur obéissance au Seigneur se constate dans leurs paroles, mais se manifeste avec plus d’évidence dans leurs actes.
La question n’était donc pas de savoir si l’apôtre viendrait, et à quel moment, mais plutôt de quelle manière. Il dépendait des Corinthiens qui pouvaient faire en sorte que l’apôtre vienne avec la verge, c’est-à-dire avec autorité, ou bien en amour et avec douceur d’esprit, comme un père en Christ. Il ne voulait pas leur faire honte, mais les servir comme un père.
Paul s’appliquait à être imitateur de Christ (11. 1) ; comme tel, il se présentait comme modèle aux Corinthiens autrefois (verset 16), comme aussi à nous maintenant.