Moïse est, dans un sens, le type de Celui qui est le serviteur de tous ; nous allons trouver dans son histoire une discipline particulière, destinée à mettre de côté son caractère naturel et à faire place en lui à l’expression de cette grâce dans le service réalisée en perfection dans le Seigneur Jésus Christ.
Né au moment où l’édit du Pharaon contre les enfants mâles d’Israël était en pleine vigueur, il n’est pas fait d’exception pour lui ; il paraît sur la terre pour trouver qu’il n’y a pas de place pour lui. Il n’y avait pas de place dans l’hôtellerie pour le Seigneur de gloire, et le roi d’Égypte ordonne que Moïse, qui en est le type, meure au moment où il naît ! Ce n’est que par la foi que ses parents le sauvent. « Ils virent que l’enfant était beau, et ils ne craignirent pas l’ordonnance du roi ». Ils connurent, par cette conviction profonde que produit le Saint Esprit, qu’ils pouvaient se confier en Dieu au sujet de cet enfant. La foi en Dieu l’introduit donc dans la vie. Par cet acte pieux de ses parents, il est confié dès le début aux soins du Seigneur et soumis à sa discipline ! Le commencement de notre course imprime sa marque sur elle ; et les premiers enseignements que nous recevons à l’école divine donnent à nos caractères la forme et le ton que les années ne peuvent altérer. Par la foi, ses parents le cachent trois mois. Ces quatre-vingt-dix jours nous parlent de la persévérance de la foi ; puis, dans un coffret de joncs, ils le confient aux eaux, car plus il grandissait, plus il devenait difficile de le mettre à l’abri de l’édit sanguinaire.
Quand nous agissons avec foi, et que nous avons assez persévéré pour établir nos âmes dans l’assurance de la foi, alors l’Esprit qui nous donne la foi, nous donne aussi la sagesse pour agir. C’est avec cette sagesse que les parents de Moïse agissent. La foi n’est pas un obstacle à leurs affections, elle soutient ces affections, qui, livrées à elles-mêmes, auraient été inquiètes et distraites : elle soutient le cœur et lui donne de persister, tranquillement et sans manquer, dans la conviction et dans le dessein qu’elle inculque.
Moïse, le « petit garçon qui pleurait », est retiré de sa dangereuse position dans le coffret de joncs, par la fille même de celui qui voulait le faire périr. Nous lisons qu’il pleurait, et ces larmes de Moïse étaient le premier effet des épreuves qu’il a si profondément senties dans sa vie. Mais l’Éternel l’entoure de ses tendres soins : non seulement c’est la fille de son ennemi qui est l’instrument de sa délivrance, mais il est confié à sa propre mère, puis installé dans le palais du Pharaon. La désolation du monde et les compassions infinies de Dieu, voici les premières leçons de la discipline imprimées sur son esprit inconscient, et elles n’en seront jamais effacées ; car Dieu enseigne de bonne heure et pour toujours.
L’intervalle qui s’écoule entre ce récit et le suivant, « quand il fut parvenu à l’âge de quarante ans », est désigné en quelques mots bien significatifs comme le temps où « il fut instruit dans toute la sagesse des Égyptiens ; et il était puissant dans ses paroles et dans ses actions ». Il apprend à connaître toutes les délices de l’Égypte, afin qu’en les abandonnant il puisse sympathiser avec le peuple de Dieu qui va être amené à abandonner lui aussi bien des choses. Le peuple trouvera dur de renoncer aux poireaux et aux oignons, Moïse pourra le comprendre, lui qui a vécu dans tout le luxe et les honneurs de la cour du roi ! La discipline et l’éducation de Dieu le préparent pour la fonction de conducteur qu’il va bientôt remplir. La grandeur de son renoncement l’autorise à demander qu’on le suive ; l’abandon de toutes les délices de l’Égypte l’autorise à prendre la direction de la sortie d’Égypte. Il choisit « plutôt d’être dans l’affliction avec le peuple de Dieu, que de jouir pour un temps des délices du péché ». Il a participé à toute leur magnificence et il y renonce. Et plus que cela, cette éducation l’a rendu familier avec tout ce qui est agréable dans la nature, et lui en a fait connaître les ressources, plus qu’à aucun de ses devanciers. Ni Abraham, ni Isaac, ni Jacob, ni même Joseph ne sont passés par là, et à juste raison, puisqu’aucun d’eux n’était destiné à la mission de Moïse ; et nous savons que les voies de Dieu envers les siens sont toujours appropriées au but qu’Il se propose, elles les y préparent. Salomon a éprouvé la vanité de tout sur la terre ; le Seigneur Jésus l’a sentie dans sa perfection morale ; Moïse en est entouré jusqu’à son âge mûr, et la refuse.
À ce moment, il lui vient au cœur de visiter ses frères. C’est un bon mouvement ; mais nous ne sommes pas toujours préparés moralement pour suivre nos impulsions, quelque bonnes qu’elles soient. Notre faiblesse n’est souvent pas capable de supporter les épreuves auxquelles une impulsion peut nous exposer. Mais si cette dernière vient de Dieu, nous pouvons être assurés qu’Il nous préparera pour la suivre, tôt ou tard. Cela peut être retardé, car il faut que nous soyons préparés ; ceci fait, le désir bon et sincère sera reconnu et récompensé.
Quand Pierre dit au Seigneur qu’il le suivra (Jean 13), le Seigneur l’avertit qu’il ne peut pas le faire à ce moment-là ; qu’au contraire, il le reniera. Mais lorsqu’il est complètement restauré, que son âme est affermie dans l’amour de Christ, le Seigneur lui fait savoir qu’il faut qu’il le suive : il peut réaliser le désir qu’il a exprimé auparavant dans son manque de discernement et son ignorance. Il en est de même pour Moïse, ici. Il a l’idée juste et le désir, mais il n’a pas appris de Dieu le bon moyen de les mettre à exécution. Il ne connaît rien des obstacles semés sur son chemin ; par conséquent il n’a rien pour y faire face quand ils se rencontrent. Sa tentative prouve simplement que ses ressources sont insuffisantes pour le travail qu’il a entrepris ; et finalement il doit l’abandonner et laisser ce que son cœur l’a poussé à faire : conséquence inévitable de notre prétention à exécuter un dessein juste par nos propres ressources. Je pense que lorsqu’un serviteur de Dieu se met au niveau de ses adversaires, il agit généralement d’après ses propres ressources ; il vise au pied au lieu de viser à la tête. Moïse tourne sa vengeance contre un Égyptien ; mais, quand il revient dans la puissance de l’Éternel, c’est au Pharaon qu’il aura à faire ; Christ, en accomplissant une délivrance éternelle pour nous, a d’abord rencontré Satan.
Moïse faillit, comme on pouvait s’y attendre ; et même sa propre vie est en péril, et il doit s’enfuir. « Moïse s’enfuit de devant le Pharaon, et habite dans le pays de Madian. Et il s’assied près d’un puits » Quels sentiments de détresse ont dû accabler ce zélé serviteur de Dieu ! Quelle angoisse pour un cœur fidèle d’être ainsi déçu dans sa tentative sincère de servir ses frères ! Tous ses sacrifices et son renoncement aux gloires de l’Égypte n’ont-ils pas dû lui sembler inutiles pour les autres et sans profit pour lui-même, quand il s’est trouvé là, voyageur et exilé, tel un arbre flétri et sans fruit dans le désert ? Mais, si telles sont les pensées de Moïse, ce ne sont pas là celles de Dieu. La mission n’est pas compromise, mais seulement retardée. Le vase n’est pas encore prêt pour le service du Maître. La nature n’est pas suffisamment dépouillée. D’un autre côté le temps fixé par Dieu pour la délivrance de son peuple, n’est pas arrivé ; il n’est pas prêt pour cela. Et, quant à Moïse, comme instrument et serviteur de Dieu, il lui faut encore quarante années de préparation, avant de pouvoir être utilisé. À ce moment déjà, assis près d’un puits dans le pays de Madian, il est sous cette discipline qui va le former pour l’important service que les desseins de Dieu lui ont réservé.
Quarante ans d’exil, voilà ce que Dieu a décrété pour Moïse ; mais suivant la manière dont celui qui est discipliné reçoit la discipline, ces années de peines et de tristesses, pourront être adoucies par des consolations et des joies. Se pliera-t-il, et acceptera-t-il la volonté de l’Éternel ? Se montrera-t-il un libérateur des affligés, aussi bien que de son propre peuple ? S’il accepte cette discipline de Dieu, son sort sera moins éprouvant et moins pénible. Dès que la soumission est effective, la discipline a atteint son but, et peut se relâcher, et si même elle se prolonge, la scène peut s’éclairer. Il en fut ainsi pour Moïse. Il agit en libérateur des femmes chassées du puits par les bergers. Quoiqu’il lui ait été refusé d’opérer une délivrance sur une plus vaste scène, il ne se dérobe pas dans cette circonstance peu importante ; il ne reste pas à méditer tristement sur ses propres difficultés, il se met à la hauteur des circonstances, et s’élève au-dessus de ses propres sentiments dans son désir de servir les autres. Tant que je ne domine pas l’épreuve, c’est elle qui me domine, et je ne suis pas libre de servir de tout mon cœur, avec un esprit joyeux. Rien ne prouve mieux l’origine divine de notre mission que l’aisance et l’empressement avec lesquels nous l’accomplissons, dans les endroits les plus reculés et inconnus comme dans les endroits publics. Quand nous nous soumettons complètement à la volonté du Seigneur, en le servant, Il rend le désert (l’endroit de la discipline) lumineux, et procure du repos et de la consolation là où nous sommes entrés avec peine et détresse de cœur.
Moïse ne reçoit tout d’abord aucune récompense pour le service rendu aux femmes madianites, comme cela avait été le cas pour Joseph et le chef des échansons ; mais cela ne peut en rester là. Rehuel, père des jeunes filles, le fait venir, lui fournit une demeure et lui donne sa fille Séphora pour femme : « Elle enfanta un fils, et il appela son nom Guershom ; car, dit-il, j’ai séjourné dans un pays étranger ».
Ce nom nous révèle la peine secrète de Moïse. Bien qu’ayant une demeure, il sent qu’il est dans un pays étranger ; aussi son fils, qui le rattache à cette scène, doit-il porter un nom qui perpétuera pour lui le souvenir de sa condition d’exilé qu’aucune bénédiction présente ne peut modifier. Cela ne peut lui faire perdre de vue le but profond et sérieux de son cœur, qui est de délivrer son peuple ; car, comme nous l’avons dit, le but était juste, divin même ; mais le vase avait encore besoin de préparation. Paul ne peut exprimer d’une manière adéquate ce qu’il a reçu et ce dont il se réjouit, que quatorze ans plus tard, et dans sa prison à Rome, où il était particulièrement préparé pour le faire.
Pendant quarante ans, Moïse s’acquitte de sa tâche journalière, rendant sa soumission à la volonté de Dieu toujours plus parfaite. Les qualités, utiles et exemplaires dans les devoirs communs de la vie, qu’il montre comme serviteur, sont une sûre indication de celles d’un conducteur en vue desquelles il est éduqué ; car personne ne peut bien commander s’il n’a pas appris à servir. Son occupation est évidemment pénible ; il doit mener paître le troupeau de son beau-père.
Il conduit un jour ce troupeau derrière le désert à la montagne de Dieu, Horeb, ne se doutant guère que les jours de son exil touchent à leur fin. Le moment est venu où Dieu peut l’employer, suivant le désir qui l’a poussé, tant d’années auparavant, à essayer de délivrer ses frères du joug de l’Égypte. Nous arrivons à la scène qui termine cette longue période de préparation, que l’Éternel, dans sa sagesse, a trouvé bon d’infliger à Son serviteur, et qu’Il va sceller par la révélation de Lui-même. « L’ange de l’Éternel lui apparut dans une flamme de feu, du milieu d’un buisson à épines ; et il regarda, et voici, le buisson était tout ardent de feu, et le buisson n’était pas consumé ». L’attention de Moïse est arrêtée par ce spectacle. Ses devoirs naturels dans ses occupations, ne l’empêchent pas de reconnaître la manifestation de l’Éternel. Et il ne faut pas qu’ils l’en empêchent. Quand on les accomplit justement, ils sont une garantie d’assiduité dans des devoirs plus élevés. Des bergers gardant leurs troupeaux durant les veilles de la nuit ont été les témoins choisis par Dieu pour raconter une des manifestations les plus merveilleuses qui aient jamais eu lieu sur la terre. C’est une des plus grandes preuves de soumission à Dieu, que de remplir notre tâche journalière patiemment et parfaitement, et d’avoir l’œil toujours ouvert pour observer les voies de Dieu ; je crois que c’est là la force de cette exhortation liée à la prière : « veillant avec toute persévérance ». C’est ce qui résulte du fait d’avoir un œil simple, qui n’a en vue, simplement et entièrement, que la gloire du Seigneur.
« Et Moïse dit : Je me détournerai, et je verrai cette grande vision… Et l’Éternel vit qu’il se détournait pour voir ». Quand il a manifesté le désir de connaître la signification des voies de Dieu : « Dieu l’appela du milieu du buisson, et dit : Moïse ! Moïse ! Et il dit : Me voici ». L’Éternel se révèle ici en grâce : une flamme de feu, mais qui ne consume pas ; la gloire de Dieu s’approche de l’homme, et l’homme n’y trouve que grâce et amour. C’est cependant un terrain saint ; seuls des adorateurs déchaussés peuvent s’en approcher. En outre, c’est Dieu s’approchant de l’homme et non l’homme s’approchant de Dieu. Cela dévoile le fait que du côté de Dieu rien ne maintient la distance qui existe entre l’homme et lui. Grande et précieuse leçon, leçon nécessaire à Moïse. Il apprend par sa propre expérience ce que Dieu, dans son amour, est pour son peuple, et aussi comment un homme peut être approché de Lui.
Ainsi l’Éternel se présente lui-même dans une flamme de feu dans le buisson, et révèle ses sentiments de tendresse et son intérêt pour Israël. Combien ces communications ont dû être accueillies avec reconnaissance par Moïse ! Après le long et sombre intervalle pendant lequel il semble que Dieu a oublié son peuple, Moïse apprend l’amour infini et l’intérêt avec lequel Dieu les a suivis pendant tout ce temps, et son dessein miséricordieux de les délivrer. Et maintenant Moïse est conscient de sa propre incapacité pour un tel service. Il voit qu’il n’a pas à agir d’après ses propres sentiments, mais d’après les pensées de Dieu, de Celui qui, bien que dans une flamme de feu, ne consume rien, et dont l’immensité de l’amour éternel et de la grâce est en contraste avec l’impétuosité trompeuse avec laquelle Moïse s’est conduit quarante ans auparavant. Il est maintenant bien convaincu de son incapacité et dit : « Qui suis-je, moi, pour que j’aille vers le Pharaon, et pour que je fasse sortir hors d’Égypte les fils d’Israël ? » Dieu veut le rassurer, l’instruire, le préparer, et les versets suivants nous montrent comment Il le fait. D’abord il communique à son serviteur son intention et son but. Cela doit le rassurer ; il y trouve, en effet, une preuve de confiance ; mais, en outre, l’âme entrant dans la pensée de Dieu, est mieux préparée et plus désireuse d’entreprendre une action quand elle voit l’issue devant elle. Plus que cela encore (car l’enseignement de Dieu est parfait), Moïse apprend à sentir en lui-même la puissance de Dieu : c’est la grâce et la vie. Il faut que le lien soit établi entre son âme et Dieu, avant qu’il puisse entrer pleinement dans la relation entre Dieu et le peuple. Il apprend cette leçon de trois manières différentes. D’abord, il faut qu’il sente qu’il possède une puissance supérieure à celle devant laquelle la nature succomberait. Son bâton étant devenu un serpent, forme symbolique de Satan, Moïse fuit devant lui ; mais l’Éternel le lui fait saisir et il redevient en sa main le bâton de la puissance. Ensuite il apprend que Dieu peut faire redevenir saine une main lépreuse ; troisièmement que l’eau du fleuve (la grande source de bénédiction) répandue sur le sec deviendrait du sang, montrant ainsi que Dieu a la puissance de la vie. Il est instruit dans ces trois choses, afin d’être qualifié pour la mission qui lui est confiée et pour qu’il se sente capable de la remplir. Mais il hésite encore. Il est fortifié dans son âme, mais il n’est pas éloquent ; toutefois Dieu est plein de grâce en préparant ses serviteurs pour le travail dans les petites choses comme dans les grandes. Et il les aide dans ce qui les embarrasse. Ainsi Aaron sera son porte-parole, et, tout étant réglé, il « prit sa femme et ses fils, et les fit monter sur un âne, et retourna au pays d’Égypte. Et Moïse prit le bâton de Dieu dans sa main ». Quelle différence d’avec le temps où il quittait ce pays. Au lieu d’une fuite honteuse, avec la crainte pour sa vie, résultat de sa confiance en lui-même, agissant pour Dieu mais dans l’indépendance de Dieu, le voici qui revient, petit et faible à ses propres yeux, mais investi de puissance par Dieu, dans la calme dignité de quelqu’un qui réalise que sa seule force est dans la dépendance de l’Éternel pour le travail qui lui est confié.
Mais il y a encore une question qui doit être réglée entre le Seigneur et Moïse. Elle nous donne un exemple remarquable de la justesse de la discipline de Dieu. Moïse avait négligé de circoncire son fils ; et sans réparer son erreur, (qui était grande, car sa femme étant une étrangère, il était d’autant plus important de montrer que son fils appartenait au peuple de Dieu) il prétend entrer au service de l’Éternel, en restant indifférent à l’ordonnance de Dieu. Non, il faut qu’il apprenne que rien ne sera toléré dans une personne appelée à un poste si élevé. Ses responsabilités doivent correspondre à son appel. L’Éternel cherche à le tuer : si inflexible est sa sainteté, et si stricte l’obéissance due à ses lois qu’il l’exige encore plus d’un serviteur que de tout autre. Sa femme répare son inconséquence et d’une manière qui met le blâme sur lui. Puis Moïse poursuit sa route en compagnie d’Aaron.
Quelle leçon sur la scène même de ce service qu’il avait tant désiré ! Le service le plus éminent, la connaissance la plus étendue des choses profondes de Dieu, n’excuseront jamais l’oubli d’un seul des commandements de Dieu. Beaucoup lui avait été confié, il faut qu’il sente que beaucoup lui sera redemandé. La vie et les voies des serviteurs les plus éminents et les mieux instruits doivent être marqués par une obéissance implicite à la Parole. Avec cette dernière leçon, sévèrement enseignée, il arrive dans le champ de son travail. Émergeant des solitudes de Madian, il va être le témoin de Dieu devant le Pharaon. Préparé à une école particulière, il va montrer dans un vaste domaine, le résultat de son éducation.
Nous n’allons pas nous arrêter au détail de son service, cela dépasserait les limites de notre sujet, mais examiner maintenant les divers exercices par lesquels Moïse a dû passer dans l’accomplissement de son service. Nous avons vu ceux qui l’ont qualifié pour le service ; mais le serviteur de Dieu a continuellement besoin de la discipline pour le maintenir sans interruption dans la dépendance de Dieu. Ce fut le cas pour Moïse dès son entrée dans le chemin du service.
Accompagné par Aaron, il se présente au Pharaon et lui fait part de l’ordre de Dieu de laisser aller le peuple. Le Pharaon, non seulement refuse d’obéir, mais encore aggrave les corvées du peuple : début décourageant pour un serviteur novice, conscient que son message provient de Dieu ! Ce qui semble en résulter est une méconnaissance ouverte des droits de Dieu, et une augmentation de la misère du peuple. Et ce n’est pas tout. Le peuple lui-même reproche à Moïse d’être la cause de cette aggravation de leurs charges ; c’est pour lui d’autant plus triste et pénible que cette critique provient de ceux même qu’il avait désiré servir. Que peut-il faire dans une telle difficulté ? Il retourne devant l’Éternel, et dans l’amertume de son esprit, place devant Lui ses difficultés et son découragement ; il apprend alors quelque chose de nouveau. C’est un moment important dans la vie d’un serviteur, que celui où la discipline, atteignant son but, le rend capable de continuer son service sans s’occuper des résultats. La tendance générale est de juger que le service est efficace dans la mesure où les résultats obtenus sont satisfaisants ; mais le vrai serviteur ne dépend que de la parole de son maître et il s’en remet à lui pour le résultat. Notre Seigneur, quand Il voit que sa parole et ses œuvres sont vains, au point qu’il doit adresser des reproches aux villes où il avait accompli ses plus grands miracles, se tourne vers son Père et dit : « Père, je te rends grâces, parce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et que tu les as révélées aux petits enfants ».
Moïse doit apprendre cette leçon. Les instructions que l’Éternel lui donne à cet égard, sont détaillées en Exode 6. Il est introduit dans une plus grande connaissance de Dieu, comme préliminaire à tout autre enseignement. Plus nous connaissons Dieu, plus il est aisé de dépendre de Lui. Plus nous aurons saisi cela, plus grande, calme et tranquille sera notre dépendance.
Dieu se révèle ici à Moïse comme l’Éternel, le Dieu de l’alliance, révélation qui n’avait pas été faite à Abraham, Isaac ou Jacob, car aucun d’eux n’avait été appelé à servir de pareille manière, ou à entrer en conflit avec des puissances adverses. Dieu avait établi son alliance avec eux pour donner à Israël le pays de Canaan ; cette alliance, il l’annonce, tout en donnant en plus une nouvelle révélation de Lui-même, afin d’affermir l’âme de Moïse, et de le rendre capable de supporter des revers éventuels, avec l’assurance que le résultat serait satisfaisant, parce qu’il était fondé sur la parole et l’alliance de Dieu.
Moïse, rassuré en quelque mesure, se présente aux enfants d’Israël, mais à cause de leur angoisse d’esprit et de leur dure servitude, ceux-ci ne l’écoutent pas ; et lui, qui ne s’est pas encore élevé à la hauteur de son service, répond, quand l’Éternel lui dit d’aller de nouveau vers le Pharaon : « Voici, les fils d’Israël ne m’ont point écouté ; et comment le Pharaon m’écoutera-t-il, moi qui suis incirconcis de lèvres ? » Il avait tant souffert de ses propres tentatives de délivrer son peuple avec l’énergie de sa nature quarante ans auparavant, qu’il est maintenant plus porté à la dépendance, et plus il entre dans le service, plus il en découvre les difficultés en même temps que sa propre incapacité pour ce service. Dans la mesure où il sent son insuffisance, Dieu lui donne ce qui lui est nécessaire pour y remédier.
Pour mettre fin à toute hésitation et à son sentiment d’incapacité, Moïse est investi de puissance. « Vois », lui dit l’Éternel, « je t’ai fait Dieu pour le Pharaon ». Plus encore, il reçoit l’ordre de reproduire devant le Pharaon, le miracle qui avait rassuré son âme devant le buisson ardent, la transformation de son bâton en serpent. Là cependant il avait dû prendre le serpent dans sa main afin que sa foi soit établie ; ici le but est de montrer au Pharaon que Moïse est investi de la puissance de Dieu, de sorte que la seconde partie du miracle n’est pas répétée.
Cette leçon pleine de grâce de la part de l’Éternel donne tout son effet à la formation nécessaire à l’âme de Moïse. Il peut ainsi entrer dans son service d’une manière si complète et si assurée que plus rien ne l’en détournera ou ne le fera douter du résultat de Dieu ; après cela il accomplit fidèlement et sans relâche ce qui lui est confié, fort de la puissance de Dieu devant le Pharaon, et sans reproche de la part de ses frères, jusqu’à ce qu’il atteigne le grand résultat de cette première période de son service, la délivrance du peuple. Dans l’intervalle qui sépare ce moment où son âme a été réellement établie dans le service, et la nuit de la Pâque où, avec le peuple, il est sorti du pays de leur captivité, Moïse devint « très grand dans le pays d’Égypte aux yeux des serviteurs du Pharaon et aux yeux du peuple » (Exode 11. 3). Mais nous ne nous y arrêtons pas, car il agit là sans interruption comme instrument de Dieu, effet de la formation dont nous avons parlé, mais sans qu’on y trouve de nouvelle période d’exercice individuel.
Enfin les Israélites, ayant quitté l’Égypte à main levée, campent entre Migdol et la mer : mais quelle épreuve les attend là ! Quelle position critique pour Moïse, au moment où prennent fin si heureusement tout son travail et toute sa peine ! Le succès semble lui échapper devant les obstacles en apparence insurmontables qui se présentent : le Pharaon et son armée d’un côté, la mer et ses eaux tumultueuses de l’autre ; et une fois de plus la multitude incrédule l’accuse ; elle lui reproche de les avoir amenés là pour mourir comme s’il « n’y avait pas de sépulcres en Égypte » ! Mais la foi de Moïse reste calme et forte dans ce moment critique. Qu’il est différent du Moïse timoré que nous avons vu auparavant ! « Ne craignez pas », dit-il, « tenez-vous là, et voyez la délivrance de l’Éternel ». C’est précisément ce qu’il a appris lui-même pendant ses quarante ans dans le désert. La nature doit « demeurer tranquille », et la foi attendre la délivrance de Dieu. D’abord il calme le peuple, puis il crie à l’Éternel. Cette scène décrit un des exercices les plus importants auxquels ait été soumis un conducteur fidèle du peuple de Dieu : il s’agit de maintenir une confiance inébranlable dans le secours de Dieu aux moments des difficultés, et, en même temps, de recevoir de Dieu la puissance pour que ce secours puisse avoir son effet. C’est ce que fait Moïse ; il apaise le peuple, et honore l’Éternel en exprimant sa complète confiance en Lui ; puis, regardant à Lui pour fortifier sa foi, il apprend de Lui comment le secours lui parviendra. La direction lui est donnée clairement. « Parle aux fils d’Israël, et qu’ils marchent. Et toi, lève ton bâton, et étends la main sur la mer ». Quelle force cela a dû donner à Moïse ! et combien cela a dû, dans cette extrémité, lui apprendre à nouveau à connaître les ressources de la sagesse et de la grandeur de Dieu ! mais aussi quel résultat ! Nous lisons : « Ils crurent à l’Éternel, et à Moïse son serviteur ».
Au chapitre 15. 23-26, nous voyons Moïse passer par un exercice d’un ordre différent. À peine les derniers échos du chant de triomphe s’étaient-ils éteints, que le peuple murmure contre Moïse, disant : « Que boirons-nous ? ». Le serviteur de Dieu doit être préparé à toutes les formes de l’épreuve et de l’ingratitude. Quels que soient les services qu’il a pu rendre, il ne doit pas s’attendre à les voir appréciés par la congrégation ; il lui faut être prêt à agir sans cela, et à regarder à l’Éternel seul. Moïse a dû le sentir profondément, alors que le cantique de louanges venait à peine de sortir de leurs bouches. Il crie à l’Éternel, et de nouveau reçoit des instructions conformes à la grandeur et à la perfection des ressources de Dieu envers l’homme dans ses besoins les plus variés. Quelle grâce d’être le canal par lequel coulent toutes ces bénédictions ! L’exercice et l’épreuve peuvent être très grands, momentanément. Cela peut être Mara ; cela peut être « semer avec larmes », mais c’est pour récolter avec chants de joie. Si le serviteur éprouve qu’il n’a pas un instant de repos dans son service pour les besoins du peuple de Dieu, il apprend d’autre part quelles sont les ressources de Dieu, et qu’il est le canal pour les répandre. Il en est ainsi de Moïse ici ; il reçoit l’ordre de jeter le bois dans les eaux et elles sont rendues douces.
Nous trouvons, au chapitre 16, un autre genre de service que ce serviteur tant éprouvé doit apprendre à exercer. Les épreuves du peuple deviennent une école où il apprend comment répondre aux besoins de ceux qu’il conduit, tandis que sa propre âme avance dans la connaissance de la sagesse dont il est l’administrateur. Il est intéressant et important pour nous de voir que, pour chaque besoin et dans chaque épreuve, Moïse reçoit une leçon spéciale et appropriée, qui rend plus étroite sa communion avec Dieu pendant que son service apporte au peuple le secours dont il a besoin.
Mais le peuple éprouve la stérilité du désert d’une manière intense (rappelons-nous que c’était le second mois après leur départ d’Égypte), et il murmure contre Moïse et contre Aaron, disant : « Ah ! que ne sommes-nous morts par la main de l’Éternel dans le pays d’Égypte… quand nous mangions du pain à satiété ! » C’était Moïse qui, sous la direction de Dieu, les avait amenés là ; ne devait-il pas sentir combien la situation était critique ? Certes ; et il n’y avait aucune ressource humaine. Mais son âme peut être alors d’autant plus dépendante de Dieu, qui l’avait ainsi exercée, pour être rejetée sur Lui et sur ses ressources. De nouveau l’Éternel lui communique les instructions qui conviennent pour ce cas. « Voici, je vais vous faire pleuvoir des cieux du pain ». C’est la révélation qui est faite à Moïse. Mais la manière dont il annonce cette bonne nouvelle nous est aussi rapportée, et elle est digne d’intérêt, en rapport avec notre sujet, car elle nous montre sa proximité de Dieu, et l’humilité de cœur qui en est la conséquence, avec la connaissance de la miséricorde divine. Il désire que le peuple s’approche de Dieu qui a entendu leurs murmures. Il a connu l’effet d’une telle proximité pour lui-même, et, comme un sage conducteur, il veut y amener ses frères, bien que par un chemin différent. La gloire de l’Éternel et ses ressources l’ont déjà instruit ; il voudrait maintenant que le peuple reçoive la même instruction et soit béni, malgré le mécontentement et les murmures. « Ils se tournèrent vers le désert ; et voici, la gloire de l’Éternel parut dans la nuée ». Puis ils apprennent quelle est la réponse miséricordieuse à leurs besoins.
Remarquons que la discipline du serviteur doit toujours précéder le service qui est exigé de lui. Il ne peut pas conduire au-delà du point où il a été amené lui-même. Mais, quand la profondeur et la réalité de la vérité ont été établies dans son âme, il en devient le canal de différentes manières ; parfois par une révélation inattendue ; parfois par une réponse à sa propre prière ; parfois, comme nous le verrons dans d’autres cas, par la manifestation d’un don. Le chapitre 17 nous montre ces deux derniers exemples.
À Rephidim il a de nouveau à souffrir de la part de la congrégation qui est sur le point de le lapider ; mais l’Éternel, dont le secours est toujours prêt pour le jour de la difficulté, l’investit d’un pouvoir spécial pour apporter de l’aide au peuple rebelle. Puisqu’il a été attaqué personnellement, il faut qu’il soit personnellement honoré, par ceux même qui l’ont menacé. Les anciens d’Israël vont voir l’eau jaillir du rocher que Moïse frappe. L’Éternel donne son approbation à son serviteur devant les chefs du peuple : et le serviteur apprend à mieux comprendre et apprécier la puissance que Dieu lui a donnée pour le service.
C’est aussi à Rephidim que les enfants d’Israël livrent pour la première fois un combat contre les représentants des nations. Amalek s’avance contre eux ; et Moïse se trouve de nouveau devant des difficultés toutes nouvelles ; il décide que c’est Josué qui doit se rencontrer avec l’homme, mais pour lui, en esprit, il doit être engagé avec Dieu. Il monte sur le sommet de la colline, le bâton de Dieu dans sa main.
Quel temps de bénédiction pour lui, séparé ainsi pour Dieu, instrument de sa puissance et de sa miséricorde envers son peuple ! Mais à ce moment même il sent d’une manière plus vive que jamais sa propre faiblesse. Quand il lève la main (signe de dépendance de Dieu), la victoire est assurée à Israël ; quand il la laisse retomber, Amalek a le dessus. C’est là un service éminent, sans doute. Mais combien c’était humiliant pour Moïse de savoir et d’éprouver que sa nature était trop faible pour accomplir ce que son esprit désirait faire. Ses mains étaient pesantes et seraient retombées sans l’aide et l’intervention d’autres hommes. Cela nous apprend, comme on l’a souvent remarqué, que la sacrificature est nécessaire pour soutenir le service, quelque dévoué qu’il soit ; mais dans un autre sens, et en considérant cette scène dans sa relation avec Moïse, nous sommes enseignés que dans la lutte contre l’homme, plus notre service est éminent, plus l’insuffisance de notre nature devient apparente. Il n’est donc pas étonnant que Moïse ait bâti là un autel et l’ait appelé « Jéhovah-Nissi » (l’Éternel mon enseigne).
L’histoire de Moïse nous le montre ensuite à un autre point de vue, moins élevé. Il est influencé et dans une certaine mesure circonvenu par l’homme. Il a montré une vraie grandeur dans le service ; il vient d’ériger un autel en témoignage de ce que Dieu a été pour lui dans son conflit avec l’hostilité de l’homme ; maintenant il va rencontrer la voix de l’homme qui suit ses propres pensées, dans l’avis bien intentionné mais pernicieux de son beau-père. En le suivant, il s’abaisse moralement. Dans sa conversation avec Jéthro, il semble oublier la leçon qui vient de lui être enseignée par le combat contre Amalek ; il abandonne, au moins en partie, le service auquel il a été appelé, sans avoir pris conseil de Dieu et sans avoir sa sanction. L’assistance qu’il cherche ici auprès des chefs du peuple est d’un ordre bien différent de celle qu’il a acceptée à juste titre d’Aaron et de Hur pendant le combat contre Amalek. Cette dernière était une aide personnelle pour lui ; tandis que la première consiste à transférer à d’autres les devoirs que l’Éternel lui a imposés à lui-même. Jéthro sait tout ce que l’Éternel a fait pour Moïse et pour Israël ; et il vient pour ramener à Moïse sa femme et ses enfants, que celui-ci avait, semble-t-il, renvoyés. Jéthro représente moralement ici, je pense, l’association avec les hommes, dans laquelle ses relations peuvent entraîner un serviteur de Dieu ; tout en reconnaissant l’œuvre de l’Éternel, il assume une importance qu’il n’a pas. C’était une présomption de la part d’un incirconcis que de s’arroger une influence dans la direction du peuple de Dieu, en induisant Moïse, Aaron et les anciens d’Israël à se joindre à son holocauste. Quand l’âme prend une position qui n’est pas nette devant Dieu, il est plus facile de la détourner de ses responsabilités sous prétexte d’incapacité. Moïse est induit à se considérer comme insuffisant là où Dieu ne le considère pas comme tel. Quoique Dieu permette cet arrangement, c’est une perte pour Moïse. Il est maintenant à la montagne de Dieu, réalisant l’accomplissement des promesses que Dieu lui a faites au buisson, et après avoir suivi un chemin étrange et merveilleux. Arrivé au bout, après tout ce que l’Éternel a fait pour lui et tout ce qu’Il lui a communiqué, il nous apparaît sensible à l’influence de sa nature, comme n’importe quel autre homme, preuve du peu de cas que l’on peut faire de l’homme dans quelque position qu’il soit placé.
Moïse, à la montagne de Dieu, va revêtir un nouvel office, et remplir une mission différente. Jusque-là il a été un libérateur et un chef ; maintenant il va être législateur et prophète – celui qui, en révélant au peuple la pensée de Dieu, est, dans un sens, un médiateur entre Dieu et lui. Moïse, serviteur hautement honoré, doit être instruit dans ce précieux service. Dieu a vu les Israélites, son peuple, dans le besoin et les a délivrés ; mais, alors ceux-ci, comme cela arrive à beaucoup de ceux qui sont délivrés, n’ont pas saisi la nature de Dieu. La menace a disparu, mais ils n’ont pas encore appris à connaître Dieu, ni l’état de ruine dans lequel ils sont à ses yeux, et Moïse instruit par Dieu, doit maintenant les instruire à son tour.
C’est pourquoi il est appelé sur la montagne, amené dans la présence de l’Éternel, pour recevoir une révélation de Dieu différente de celle qu’il a eue dans le buisson ardent. Là tout était grâce. C’était une « terre sainte », mais l’aspect de l’Éternel était plein de grâce et de compassion ; ici c’est la terrible majesté de Dieu, les exigences d’un Dieu saint à l’égard de l’homme, l’immense distance qui Le sépare de l’homme. Ces deux leçons sont nécessaires à Moïse afin de le rendre propre pour la place qui lui est assignée vis-à-vis du peuple de Dieu : c’est toujours ainsi que Dieu fait passer ses serviteurs par sa formation et qu’Il leur apprend d’une manière complète et réelle la vérité particulière dont il veut qu’ils soient le canal.
Instruit divinement de ce que sont la nature et la pensée de Dieu, Moïse est qualifié pour révéler Dieu au peuple. Il le voit dans sa justice et dans ce qu’il exige de l’homme sur la terre.
Ayant communiqué la loi, et fait aspersion, en type et en figure, du sang de purification, il est appelé (Exode 24) à recevoir, non seulement la loi gravée sur la pierre, mais aussi une révélation beaucoup plus complète de l’intérêt que Dieu porte à son peuple : la provision de grâce basée sur la préconnaissance que l’Éternel a de leur incapacité à garder la loi. Ce qui nous occupe ici, ce ne sont pas ces scènes si intéressantes, mais la manière dont Moïse est préparé et qualifié pour l’accomplissement de la tâche qui lui est confiée. Il est appelé sur la montagne sur laquelle repose la gloire de Dieu. Pendant six jours la nuée couvre la montagne ; le septième, Dieu appelle Moïse du milieu de cette gloire, qui, aux yeux des fils d’Israël, est comme un feu dévorant ; Moïse reste sur la montagne quarante jours et quarante nuits.
C’est là une préparation parfaitement convenable pour celui qui va être chargé d’établir sur la terre une représentation des choses qu’il voit. Entièrement détaché de la terre, enveloppé de la nuée qui entoure la gloire de Dieu, il est instruit de façon merveilleuse. L’Éternel lui dit : « Ils feront pour moi un sanctuaire, et j’habiterai au milieu d’eux ». Nous pouvons pénétrer ainsi un peu dans la manière dont Dieu éduque son serviteur pour accomplir ses propos ; et il nous faut ici noter deux choses : d’abord que Moïse est dans la proximité de Dieu pendant qu’il apprend la vérité, et qu’il en ressent en lui-même l’effet ; deuxièmement que c’est de Dieu même qu’il l’apprend ; non seulement il est près de lui en l’apprenant, mais encore il sait qu’il la reçoit de Lui-même. Si nous ne sommes pas près de Dieu pour apprendre, notre connaissance sera sans profit ; et, si ce n’est pas de lui que nous l’apprenons, nous pouvons nous réjouir dans la vérité un moment, mais il faudra bien souvent qu’elle soit rappelée à notre mémoire.
Cependant, avant que la nouvelle mission de Moïse ait commencé, le peuple d’Israël fait le veau d’or, et Moïse est appelé à quitter sa haute position sur la montagne pour être témoin de l’apostasie du peuple ; il exprime ici des sentiments qui nous prouvent combien profondément il a à cœur la gloire de Dieu (Exode 32. 11-13). Les quarante jours et quarante nuits qu’il vient de passer sur la montagne l’ont rendu capable d’apprécier cette gloire, et chaque pas qu’il fait dans ce moment difficile montre qu’il est pleinement entré dans la pensée de Dieu.
Il brise les tables de la loi, car elles ont déjà été pratiquement brisées du côté de l’homme, et ce n’est pas le moment de publier cette loi. Il prend l’idole qu’ils ont faite, la brûle au feu, la moud en poudre qu’il répand sur de l’eau et qu’il fait boire au peuple. Il faut non seulement que leur péché soit ôté, mais encore qu’ils en goûtent toute la réalité en eux-mêmes. Il insiste alors sur la séparation du mal, et demande à tous ceux qui sont pour l’Éternel de tuer les méchants. Dans un jour de chute générale, les témoins de la repentance qui reviennent à la fidélité doivent manifester aussi fortement que possible leur séparation d’avec ceux auxquels ils étaient associés antérieurement, en supprimant toute trace de cette association, même par la mort, et Moïse, instrument bien préparé, les conduit lui-même.
Puis il retourne vers Dieu, afin de faire propitiation pour le peuple. L’Éternel les fait se dépouiller de leurs ornements, « et », dit-il, « je saurai ce que je te ferai ». Dans ce moment solennel, pendant que le peuple attend sous la main de Dieu, Moïse, instruit dans la sainteté de la pensée de Dieu, sait ce qu’il faut faire pour le peuple et comment rétablir la relation avec l’Éternel.
Il prend la tente et la tend loin du camp coupable, afin que tous ceux qui, humiliés dans la conscience de leur péché, désirent chercher l’Éternel, puissent le chercher là, loin de la souillure. Cet acte correspond à la pensée de l’Éternel, et ramène sa présence en Israël ; la colonne de nuée descend et se tient à l’entrée de la tente ; et l’Éternel parle à Moïse face à face, comme un homme parle avec son ami ; non seulement Il promet sa présence avec lui, mais Il accède à sa requête de reprendre sa place au milieu d’Israël. Quelle bénédiction pour Moïse et combien il est au large dans la pensée de Dieu ! Les difficultés les plus grandes ne font que déployer davantage devant lui les ressources de Dieu ; mais il n’atteint ces ressources qu’en répondant d’abord à la sainteté de Dieu.
Dans cette circonstance il apprend à connaître et Dieu et l’homme : ce dernier comme un être en lequel on ne peut avoir aucune confiance, et Dieu comme la ressource de son cœur et sa portion pour toujours. Aussi quand Dieu a accédé à tous ses désirs, le supplie-t-il : « Fais-moi voir, je te prie, ta gloire ». Il en a vu assez de l’humanité, cela lui suffit, et il connaît assez le Dieu bienheureux pour désirer le voir encore dans la plénitude de sa gloire. Ce désir reçoit une réponse partielle ici ; et une plus complète lorsque, sur la montagne de la transfiguration, il se trouve avec Élie, et que tous deux parlent avec le Seigneur de sa mort qu’il va accomplir pour, et à cause de ce peuple de cou raide, aussi bien que pour tous les rachetés.
Nous avons maintenant suivi Moïse dans son ascension au point le plus élevé qu’il ait jamais été accordé à l’homme d’atteindre. À l’apôtre Paul, un homme en Christ, des gloires plus grandes, plus brillantes ont été révélées, mais « il ne s’est plus levé en Israël de prophète tel que Moïse, que l’Éternel ait connu face à face ». Paul, ravi jusqu’au troisième ciel, a dû avoir une écharde dans la chair de peur qu’il ne s’enorgueillisse. Nous ne sommes donc pas étonnés qu’il n’ait pas fallu longtemps à Moïse pour montrer qu’il n’était pas capable, dans le sentiment de sa propre infirmité, de maintenir la haute position qui lui était assignée.
Lui qui avait vu tout de la puissance de Christ, l’oublie et l’ignore, quand il se trouve pressé par le mal et l’incrédulité du peuple (Nombres 11) ; il s’écrie alors : « Je ne puis, moi seul, porter tout ce peuple, car il est trop pesant pour moi ». L’homme ne peut pas se maintenir dans la haute position où Dieu l’appelle, s’il ne sent pas sa propre faiblesse.
Le voici donc humilié devant les soixante-dix anciens d’Israël, devant lesquels il avait été auparavant exalté, et l’esprit qui reposait sur lui leur est donné. Nous avons vu qu’à la suggestion de son beau-père, il avait déjà laissé, quoique d’une manière moins nette, ce levain pénétrer la pâte, et maintenant celui-ci se développe, comme c’est toujours le cas quand on cède quelque chose. C’est un temps d’humiliation pour Moïse, non moins intéressant pour nous, certes, que le temps de son élévation, car il illustre le caractère de l’école divine à laquelle il est soumis. Il est très instructif de voir sa soumission sous la main de l’Éternel, et de constater que son intérêt pour l’œuvre n’est en rien diminué par le fait qu’il est, en partie au moins, remplacé par d’autres. Il reprend Josué d’avoir été jaloux pour lui. Mais, bien que l’Éternel ait agi contre l’incrédulité de son serviteur, il ne permet à personne de le mésestimer encore moins de le mépriser. Même si Aaron et Marie avaient une bonne raison de lui faire un reproche, car il avait épousé un femme éthiopienne, cela ne les justifie pas, et l’Éternel le venge d’une manière éclatante et terrible, de telle sorte que c’est lui, Moïse, qui devient l’intercesseur pour les coupables. L’Éternel peut lui-même le reprendre, mais il ne permet pas à l’homme de le faire ; la manière dont Moïse supporte tout cela montre à quel point il avait été instruit dans ce qui était les intérêts de Dieu, et combien il était humble d’esprit. Nous avons vu éclater sa juste colère quand la gloire de Dieu était en cause ; mais, quand il est attaqué personnellement, il se tait.
Nous trouvons encore un autre exemple de cette humilité dans le cas de Coré (Nombres 16). Au lieu de se défendre lui-même, Moïse remet la décision à l’Éternel, qui prononce un jugement terrible contre ceux qui l’offensaient ; puis, instruit dans la pensée de Dieu, il sait ce qui arrêtera la plaie parmi le peuple, et intercède pour le peuple, comme précédemment dans l’affaire du veau d’or ou celle des espions. Il agit en médiateur devant Dieu.
Nous en arrivons maintenant à la dernière scène que nous examinerons dans l’histoire de Moïse ; c’est la perte de son droit d’entrer en Canaan, parce qu’il n’a pas sanctifié l’Éternel aux yeux du peuple. Le fait se produit la trente-neuvième année de leur voyage, alors qu’il allait voir l’heureuse fin de tous ses travaux et l’accomplissement des promesses de Dieu. Moïse semble avoir manqué précisément là où il s’était auparavant montré si éminent. Il parle « légèrement de ses lèvres », et ne sanctifie pas l’Éternel aux yeux du peuple (et pourtant la gloire de l’Éternel était si chère à son cœur) ; il se disqualifie lui-même pour introduire le peuple dans le pays de son héritage, alors qu’il est à ses frontières mêmes. Quand la congrégation murmure pour avoir de l’eau, Dieu lui dit : « Prends le bâton, et réunis l’assemblée, toi et Aaron, ton frère, et vous parlerez devant leurs yeux au rocher, et il donnera ses eaux ». Au lieu de cela, Moïse, emporté par sa colère, reprend le peuple, et dit : « Vous ferons-nous sortir de l’eau de ce rocher ? » Il lève sa main, et frappe le rocher deux fois. L’Éternel agissait ici en grâce envers le peuple. Le rocher ne devait pas être frappé à nouveau. À ce moment Moïse n’est pas en communion avec la pensée et les voies de l’Éternel, – il a manqué à sa mission et il doit abandonner sa place de conducteur. Telle est la discipline de Dieu ! Un serviteur fidèle ne peut pas adoucir ou détourner le châtiment qu’attire sur lui le fait d’avoir pris dans son service une place qui ne convenait pas. Paul, malgré l’avertissement de l’Esprit, veut monter à Jérusalem, et c’est une prison qu’il trouve pour plusieurs années !
Dieu peut, et veut sans doute, employer ses serviteurs même à la place où les a conduits leur propre manquement : c’est le cas de Paul qui a été employé à un service nouveau et spécial ; ce que les épîtres ont été par lui, le Deutéronome l’a été par Moïse ; mais Dieu doit vaincre la propre volonté dans leur nature, qui les a fait agir indépendamment de lui. Moïse a commencé sa carrière en essayant de faire une œuvre juste par sa propre force, et, à cause de cela, il dut subir un long exil ; maintenant il termine sa course sur le Pisga, après avoir contemplé le pays glorieux d’où il est exclu parce que, tout en agissant pour l’Éternel, dont il était le serviteur, reconnu par Dieu comme tel (Nombres 12. 7), il a agi indépendamment de Lui. La première faute de Moïse a une grande analogie avec la dernière. Mais, bien que châtié relativement à son service et à sa mission, il ne perd rien de sa proximité personnelle avec l’Éternel, et on peut même dire qu’il y gagne, car c’est l’Éternel lui-même qui lui montre le pays. Il en a été de même avec Paul ; subissant en prison les conséquences de son manquement, il trouve plus que jamais que Christ est tout pour lui, plus même que le service ; Moïse a dû sentir sur le Pisga que Dieu était plus grand pour lui que le pays promis, ou que son rôle de conducteur pour y introduire le peuple. En tout cas, sa soumission à la volonté de l’Éternel est extrêmement belle, comme aussi la manière dont il transfère à Josué sa propre dignité et son office.
C’est là un châtiment pour Moïse comme serviteur, mais il contemple l’héritage. Son corps sera encore l’objet d’une vaine contestation de la part de Satan. Michel le sauve de sa main, car l’Éternel réclame tout de lui. Le corps est au Seigneur, à qui sont honneur et gloire aux siècles des siècles.