Genèse 4. 2-10 ; Hébreux 11. 4 ; 1 Jean 3. 12
Abel est le premier homme de foi à subir par sa naissance les conséquences du péché ; son histoire nous présente un aperçu de la discipline nécessaire dans une vie de foi.
Si nous maintenons certains aspects de la vérité, si nous connaissons la valeur de la grâce, notre nature ne cherchera pas moins à se manifester. Au contraire, plus la nature pécheresse est amenée à éprouver sa déchéance, plus elle s’affirme ; et il est bon de le comprendre. Elle est entièrement mauvaise, la chute n’aurait pas pu la dégrader davantage, ses aspirations et ses prétentions à échapper aux effets de la chute ne pourraient pas être plus violentes. L’homme a été créé à l’image et selon la ressemblance de Dieu, et cela donne à la nature l’occasion de prétendre à ce qu’elle a perdu ; et plus elle est poussée à reconnaître la grandeur de sa déchéance, plus elle lutte pour qu’on lui reconnaisse de l’importance. C’est pourquoi tous ceux qui sont vraiment désireux de ne pas laisser agir la vieille nature rencontrent son opposition à chaque pas ; ils apprennent ainsi de façon concrète que seule la croix de Christ libère de la puissance et de l’esclavage de la chair et du monde ; c’est cette grande vérité morale que Dieu dans sa grâce veut nous enseigner. Il veut nous apprendre que nous sommes morts par la mort de Christ, et que nous sommes devant Dieu en Lui, affranchis, libérés de tout ce qui a été jugé dans cette mort. La discipline du Père a donc pour but de nous amener à tirer les conséquences pratiques de cette position, qui est la nôtre en Christ ; car il ne s’agit pas seulement de savoir que nous sommes morts avec Lui, mais il s’agit de nous tenir nous-mêmes pour morts (Romains 6. 11). L’apôtre Paul pouvait dire qu’il mourrait tous les jours, portant partout avec lui la mort de Jésus, afin que la vie aussi de Jésus soit manifestée dans son corps. Si nous sommes vraiment délivrés de notre état naturel, ne devrions-nous pas en présenter les effets de façon évidente ? N’est-ce pas la seule façon de reconnaître dignement notre position élevée ? Pouvons-nous continuer à laisser agir la vieille nature et nous réjouir en même temps d’en être délivré ?
Abel est le premier témoin du fait que la mort est nécessaire pour satisfaire la justice de Dieu et permettre ainsi de s’approcher de lui. Nous verrons aussi qu’il fut le premier témoin qui, pourtant agréé par Dieu, fut privé de sa vie naturelle ; mais bien qu’ « étant mort, il parle encore ». Tous les saints doivent apprendre ce qu’est la mort ; cela peut avoir lieu dans un lent dépouillement par de petites épreuves continuelles, par une calamité écrasante, ou peut-être par une maladie fatale : mais d’une manière ou d’une autre il faut connaître la mort afin de savoir ce qu’est la délivrance de la mort. Sans cela il ne peut y avoir de témoignage.
Si je sais que Dieu m’a reçu, je dois reconnaître que la mort est ma portion ici-bas ; cela me rendra plus précieuse la vérité de mon acceptation et en donnera le témoignage à d’autres. C’est en ceci que résident tout l’intérêt de l’histoire d’Abel et l’enseignement qu’elle nous donne.
Son point de départ dans la vie ne semble pas conforme à la règle et aux directives données à Adam, qui étaient de labourer le sol d’où il avait été pris. Abel, au contraire, est un berger ; cela indique qu’il n’a aucune intention d’améliorer la scène qui l’entoure, ni de produire par ses propres efforts, quelque chose qui puisse l’aider à s’approcher de Dieu. La mort et le jugement sont devant son âme ; il désire en être délivré, cela seul peut le satisfaire. Comme berger, il prend soin de son troupeau, allant d’un pâturage à l’autre selon les besoins de ses brebis. N’attendant aucun produit du sol, il n’a aucune demeure permanente sur la terre. Travailleur, errant, souffrant de la malédiction qui pèse sur tout ce qui l’entoure, et sachant que la mort marque toute cette scène, il prend soin d’un troupeau vivant, qui l’associe avec la vie. Par la foi il prend donc des premiers-nés de son troupeau, qui en représentent la force, et les offre à Dieu. Ce sacrifice répond à son propre sentiment de ce qu’est la mort ; mais quelque chose de plus est nécessaire : pour se tenir devant Dieu, il faut être aussi agréé. C’est ce dont nous parle la présentation de la graisse, qui est la meilleure partie de l’animal et ne s’obtient que par la mort.
Abel comprend la pensée de Dieu concernant son propre état devant Lui, et ainsi il reçoit le témoignage d’être juste (Matthieu 23. 35), non seulement dans ce qu’il fait, mais dans la façon dont il se tient devant Dieu. Heureux de pouvoir ainsi se tenir devant Dieu, il doit apprendre quelle est la place de celui qui est béni ici-bas. S’il est agréé par Dieu, il doit rester séparé de ce qui est marqué par la malédiction de Dieu. Puisqu’il est délivré de la sentence de mort, la mort ne peut être un châtiment pour lui. Mais il doit s’attendre à la trouver dans un monde où tout est contraire à la vie qu’il connaît désormais. En conséquence il est appelé à prouver sans équivoque que l’acceptation devant Dieu et la délivrance du jugement sont des bénédictions si réelles que la mort même ne peut les lui ravir, au contraire. Tel est son témoignage.
Étienne est le premier martyr de la résurrection, comme Abel le premier martyr de l’acceptation. Étienne montre, avec plus d’évidence encore dans sa mort que dans sa vie, la valeur de la résurrection de Christ, et il pénètre davantage dans ces réalités au moment de sa mort qu’il ne l’a pu durant sa vie. Son dernier témoignage est le plus brillant. Tandis que les agents de la méchanceté du monde lapident Étienne, lui ne répond à leurs coups qu’en remettant son esprit à Celui qu’ils renient et méconnaissent ; cela prouve qu’il est parfaitement assuré d’être gardé par Christ. Ainsi il peut s’agenouiller et utiliser en leur faveur toute la force que leur méchanceté lui laisse encore.
Le témoin de l’acceptation et le témoin de la résurrection n’ont rien dans ce monde mauvais. Tout est mort pour un tel témoin. Il apprend cela afin de mieux percevoir la grandeur du don de Dieu, qui est la vie éternelle en dehors et au-delà de la mort. Sortant du « feu de branches sèches » la vipère rappellera à Paul que la mort règne. Sur cette terre, on est toujours entre deux tombeaux. Hier, dans un naufrage, aujourd’hui, mordu par une vipère ! Nous avons tous besoin d’une telle école. Quand nous croyons pouvoir aller de l’avant comme les autres hommes, tout en jouissant de la portion nouvelle et bénie que nous avons reçue, nous nous trompons. Il est bon de le comprendre, le Père veut que nous appréciions ce que nous avons dans Son Fils, en contraste avec tout ce qui est ici-bas. Nous essayons en vain de combiner les deux, si bien qu’il nous faut beaucoup de temps pour apprendre qu’il n’y a rien sur la terre qui réponde aux exigences des affections du nouvel homme. Dieu permet que les siens errent dans le désert sans trouver de ville pour y habiter, afin que Ses enfants comprennent que leurs désirs ne peuvent être satisfaits que par Lui. Il faut que nous apprenions que nous n’appartenons pas au monde et que nous ne pouvons lui faire confiance. Christ ne pouvait se fier à l’homme. Caïn « parle » avec Abel, et ils sont « aux champs » apparemment en bonne intelligence, et c’est à ce moment même que Caïn se lève contre Abel et le tue.
Nous en avons fini avec la terre, et l’école de Dieu nous amènera toujours à en tirer les conséquences pratiques si nous sommes fidèles. Nous pouvons rendre témoignage quand nous sommes éprouvés ; mais combien il vaut mieux être, comme Étienne, éprouvés à cause de notre témoignage. Certainement, nous devrions avoir à cœur de savoir dans quelle mesure la discipline provient de ce que nous nous cramponnons au monde sous une forme ou une autre, au lieu d’être due à notre témoignage contre lui.
Nous pouvons facilement comprendre qu’Abel demeure en compagnie de son frère Caïn et lui donne cette occasion. En effet la haine de l’homme contre la justice de Dieu n’a pas encore été manifestée. Abel maintient ses rapports familiers, libres, avec son frère, ce qui donne à Caïn une occasion plus favorable d’effectuer son dessein meurtrier.
Mais s’il est facile et naturel de rendre compte ainsi des liens d’Abel avec Caïn, sur quel principe pouvons-nous excuser des saints qui restent dans l’intimité du monde au lieu de rendre témoignage contre lui ? Ce moment de compagnie est fatal pour Abel, ignorant qu’il est de la méchanceté de l’homme et ne soupçonnant aucun mal. Un tel moment de compagnie aujourd’hui est souvent encore plus fatal, car il l’est moralement, pour ceux qui devraient savoir que les chefs de ce siècle ont crucifié le Seigneur de gloire, que l’amitié du monde est inimitié contre Dieu. Ne devraient-ils pas abandonner tout ce pour quoi Christ fut jugé ? S’ils ne l’abandonnent pas par conscience de la grâce qui les a mis à part, Dieu notre Père doit, à cause de Son amour, détacher Ses enfants, d’une manière ou d’une autre, de ce monde duquel ils sont moralement retirés par la mort de Son Fils. Il est juste et convenable qu’il en soit ainsi. Acceptons donc notre vraie place en dehors du monde, et s’il nous faut souffrir, que ce soit pour la justice, dans un chemin de fidélité.