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Formés à l'école de Dieu
J.B. Stoney

« Vous avez entendu parler de la patience de Job, et vous avez vu la fin du Seigneur, savoir que le Seigneur est plein de compassion et miséricordieux ». Cette mention de Job, faite en Jacques 5. 11 souligne l’intérêt spirituel d’une histoire qui nous est rapportée avec tant de détails.

Job nous est tout d’abord présenté comme un homme modèle, heureux dans son foyer et dans ses circonstances, fidèle et juste dans ses relations avec Dieu. Nous voyons en lui un homme jusque-là protégé du mal et de la souffrance, exemple remarquable de la façon dont Dieu peut distinguer du reste des hommes quelqu’un qui marche devant Lui dans l’intégrité. Il est parfait et droit, craignant Dieu et se retirant du mal ; ses possessions terrestres sont si abondantes qu’il est « plus grand que tous les fils de l’Orient ».

Job marche sur la terre d’une manière agréable à Dieu, et reconnue par Lui comme telle, lorsque Satan met sa fidélité en doute et lui attribue le motif indigne contenu dans cette question : « Est-ce pour rien que Job craint Dieu ? ». Ceci nous aide à comprendre la nature des épreuves auxquelles il est soumis. Ce n’est pas la punition d’un manquement personnel, comme l’ont ensuite insinué ses amis, mais plutôt la démonstration par Dieu vis-à-vis de Satan de la fidélité désintéressée de son serviteur. Les épreuves que celui-ci supporte, sont infligées par Satan, et cela dans l’intention de prouver ce dont il l’a calomnié. Mais Dieu s’en sert pour produire en Job un jugement complet de lui-même. En mettant sa foi en lumière, Dieu confirme l’estimation que, dans sa bonté, il a faite de son serviteur. Il est merveilleux de suivre la façon dont Dieu confond Satan, justifie son propre jugement, et éduque son serviteur jusqu’à ce que celui-ci ait une pleine intelligence de Lui-même. L’ayant amené là, Dieu déjoue les desseins de Satan en accordant à Job deux fois ce qu’il avait auparavant.

Représentons-nous ce que ce fut pour notre patriarche, d’être en si peu de temps placé dans de semblables extrêmes. Nous le voyons, l’instant d’avant, comblé des bontés de Dieu et gardant en même temps une conscience scrupuleuse devant Lui ; se levant de bonne heure le matin, après les jours de festin de ses fils, pour offrir des holocaustes selon leur nombre à tous ; car Job disait : « Peut-être mes fils ont-ils péché et ont-ils maudit Dieu dans leurs cœurs. Job faisait toujours ainsi » (1. 5). Avec une conscience aussi délicate, on pourrait s’attendre – et sans doute Job y compte-t-il – à ce qu’aucun nuage ne vienne troubler son ciel serein. Job ne sait rien de l’esprit malin qui le diffame devant Dieu. Mais de telles accusations ne font qu’amener Dieu à le livrer entre les mains de Satan, afin de prouver sans équivoque son intégrité et sa fidélité, et en même temps le former pour son bien.

Tout arrive à un moment où Job ne peut guère s’attendre à un tel choc. Sans doute a-t-il eu souvent des appréhensions, car il déclare : « J’ai eu une crainte, et elle est venue sur moi » (3. 25) ; et il en est ainsi lorsque l’âme n’a d’autre assurance de l’amour que la présence de ses dons. Ces derniers peuvent nous être en piège, et l’accusation de Satan contre nous est souvent justifiée dans une certaine mesure ; la base de notre tranquillité d’esprit devant Dieu étant plutôt ses grâces envers nous que simplement la connaissance de son amour. Ceci est bien mis en évidence par le désespoir dans lequel peuvent tomber beaucoup d’enfants de Dieu, lorsqu’ils sont tout à coup privés de telle ou telle faveur divine. Ils se sont reposés sur le don plus que sur Dieu. Satan connaît bien cette tendance de l’homme et c’est pourquoi il n’hésite pas à en accuser Job, affirmant que celui-ci n’a aucun lien personnel avec Dieu, ni de crainte de Lui, si ce n’est à cause de Ses nombreuses faveurs envers lui. Dieu, dans sa grâce, a pris Satan à témoin à l’égard de son serviteur, qu’il n’y a aucun homme comme lui sur toute la terre. Satan réplique en attribuant à Job un vil motif intéressé, et affirme que s’il est privé de tout ce qui maintenant l’attache à Dieu, il le maudira en face. Alors l’Éternel, pour justifier sa propre estimation de Job, et en même temps le rendre digne de cette estimation, permet à Satan de le priver de tout ce qu’il possède.

En un seul jour, dans une succession rapide, Job perd ses biens, ses enfants, tout. Jamais catastrophe ne fut si subite et si complète. « Et Job se leva, et déchira sa robe, et rasa sa tête, et se jeta à terre et se prosterna » (1. 20). Il supporte ces premières grandes vagues de l’adversité d’une manière exemplaire et déclare : « Nu je suis sorti du sein de ma mère, et nu j’y retournerai ; l’Éternel a donné, et l’Éternel a pris ; que le nom de l’Éternel soit béni » (1. 21).

Il faut remarquer qu’une grande accumulation d’afflictions est souvent mieux supportée au début que par la suite. La confiance en Dieu est la seule ressource lorsque le choc est soudain et effrayant. Dans la rapidité avec laquelle Satan se servit de sa puissance, il me semble qu’il s’est dupé lui-même, car les souffrances espacées les unes des autres sont plus éprouvantes. Satan espère que le choc sera si brutal que Job ne pourra qu’accuser Dieu de cette calamité. Mais le patriarche supporte tellement bien ses peines que le Dieu de grâce, peut encore appeler Satan à témoin de l’attitude irréprochable de son serviteur. Satan réplique : « Peau pour peau, et tout ce qu’un homme a, il le donnera pour sa vie ; mais étends ta main et touche à ses os et à sa chair ; tu verras s’il ne te maudit pas en face ». Quand un homme se trouve dépouillé de tout ce à quoi le cœur s’attache, la souffrance corporelle et la maladie constituent la façon la plus amère de lui rappeler sa désolation complète. Dieu permet à Satan d’affliger Job par la pire souffrance corporelle ; il est frappé d’un ulcère malin, depuis la plante de ses pieds jusqu’au sommet de sa tête. Que sa misère est complète ! Sa femme est accablée, et, dans sa détresse, elle tombe dans le piège de Satan en conseillant à son mari de maudire Dieu et d’en finir avec la vie. Ainsi tout est contre Job. Quelle détresse indescriptible ! Mais chaque exercice, bien que celui qui souffre en comprenne encore peu de chose, affermit l’âme en Dieu. Plus profonde est la détresse, plus profond est le sentiment de la grâce qui y pourvoit ; l’une ne fait que servir à établir l’autre.

Job se comporte au début d’une façon remarquable. Il reprend sa femme : « Nous avons reçu le bien aussi de la part de Dieu, et nous ne recevrions pas le mal ? » (2. 10). Mais il est mis à l’épreuve plus profondément encore. Ses amis viennent le plaindre et le consoler. Si je traverse de la part de Dieu une discipline que mes parents et amis les plus intimes ne comprennent pas, leurs offres de secours et d’encouragement me troublent et me font du mal plutôt que du bien. Job dut rencontrer cela d’abord avec sa femme puis avec ses trois amis. Quelle scène impressionnante ! « Ils levèrent les yeux de loin, et ils ne le reconnurent pas ; et ils élevèrent leur voix et pleurèrent, et ils déchirèrent chacun sa robe et répandirent de la poussière sur leurs têtes en la jetant vers les cieux. Et ils s’assirent avec lui à terre sept jours et sept nuits, et nul ne lui dit une parole, car ils voyaient que sa douleur était très grande » (2. 12, 13).

« Après cela, Job ouvrit sa bouche et maudit son jour » (3. 1). L’expérience montre que, sous le poids d’un coup terrible, on est si étranger à tout ce qui nous entoure que souvent on n’essaie pas de se plaindre ni de s’exprimer. C’est d’autant plus le cas si l’âme a confiance en Dieu ; celui qui souffre est incapable de s’intéresser aux choses d’ici-bas. La discipline est dispensée afin de mettre de côté le moi, et d’introduire le cœur dans sa vraie relation avec Dieu, en dehors du moi. L’effet de la discipline est de mettre à nu les sentiments et les agissements secrets du moi, qui sans cela n’auraient pas été décelés, ni jugés, ni abandonnés. Job éprouve maintenant qu’il est un malheureux, entouré de misère, ayant perdu tout ce qui faisait sa joie sur la terre, et il maudit son jour. Pour quoi a-t-il vécu, et pour quoi doit-il vivre ? Il connaît peu la place qu’il occupe devant Dieu, et comment Dieu le prépare, par de terribles souffrances, à justifier l’estimation qu’Il a faite de lui devant Satan.

Nous devons maintenant observer comment Dieu réalise son propos de bénédiction, en examinant la voie suivie par une âme sous la discipline de Dieu pour arriver à se reposer en Lui dans une vraie dépendance.

La première pensée, et la plus amère, quand on s’est éveillé au sentiment profond de sa misère, est de maudire son jour ; impression terrible, c’est celle qui peut mener au suicide. Mais quand Dieu est vraiment connu, comme dans le cas de Job, c’est le commencement d’une action salutaire. En faisant l’expérience de la misère totale de l’homme sur la terre, je ne devrais pas me laisser aller à des sentiments de révolte ni en blâmer Dieu, mais j’ai besoin de réaliser que c’est la vraie place de l’homme. À cause d’une telle misère présente, on préfère la mort. Il n’y a aucun attrait pour le cœur à vivre plus longtemps sur la terre. C’est ce qu’éprouve Job. Il ignore que Dieu cherche à faire de lui un témoin contre Satan. La discipline peut avoir pour effet de nous faire éprouver que la mort est préférable à la vie terrestre, mais elle accomplit le dessein de Dieu.

Chapitres 4 à 7 : Job trouve un obstacle à cette expérience dans la réponse d’Éliphaz le Thémanite. Nous pouvons considérer ces trois amis comme représentant pour nous les divers exercices que rencontre notre conscience quand nous subissons cette sorte de discipline. Éliphaz suggère à Job qu’il méritait ces afflictions : « Selon ce que j’ai vu, ceux qui labourent l’iniquité et qui sèment la misère, la moissonnent » (4. 8). Il insinue même que Job devait être spécialement coupable puisque, en règle générale, c’est Dieu qui fait la plaie et qui la bande, et que cette fois Dieu n’avait pas bandé la plaie. Suite à ces réflexions, Job (chapitres 6 et 7), va maintenant moins s’occuper de sa misère que de son droit à se plaindre, tout en essayant de repousser les suggestions de son ami. Quelles pénibles leçons doivent être apprises avant d’en arriver à renoncer à soi-même ! Pour que l’âme soit amenée là, quelle discipline il va lui falloir traverser ! Le fait qu’elle se laisse troubler par ces insinuations est le signe que le moi réagit. C’est la possibilité qu’une accusation soit vraie qui la rend pénible et irritante.

Chapitres 8 à 10 : Bildad répond à son tour. C’est une autre mise à l’épreuve pour Job.

Il est bon que nous soit donné dans la parole de Dieu un exemple des exercices inexplicables que nous traversons parfois. Ils peuvent être l’occasion, par des suggestions soi-disant amies, qui nous affligent encore plus douloureusement, d’apprendre ce qu’est le néant de l’homme. Bildad ici reprend Job durement en prétendant que les paroles de sa bouche sont comme un vent impétueux, et que s’il était pur et droit, Dieu se réveillerait en sa faveur. Il le rejette ainsi encore plus sur lui-même, en laissant supposer que ses épreuves sont le juste résultat de son péché. Maintenant Job est moins accablé par sa misère, qu’occupé à se justifier aux yeux de ses amis. C’est un travail pénible et cruel pour l’esprit que de repousser des accusations quand elles sont faites par des amis. Job sait qu’il n’a rien fait pour les mériter ; mais ce qu’il doit apprendre, c’est qu’il n’a droit à rien, et ses amis ne le savent pas plus que lui ; ils se trouvent tous sur un terrain de propre justice.

Job reconnaît maintenant la grandeur de Dieu. Il est tourné vers Lui : cependant, tout en reconnaissant la souveraineté de Dieu et sa puissance, il n’en parle que pour montrer la distance qu’il y a entre lui et Dieu ; savoir qu’ils ne peuvent se rencontrer sur un même terrain, car alors il ne craindrait rien. Il est évident que son âme a un lien avec Dieu, mais ses amis l’ont occupé de Dieu comme juge, affirmant que la privation des grâces temporelles est un châtiment pour le péché. Dans ce nouvel exercice, Job reconnaît la grandeur de Dieu mais ne voit pas les soins de Dieu envers lui. Il ne trouve aucune explication à ce que Dieu vient de faire, considère la chose comme arbitraire, et laisse entendre que s’il avait un arbitre qui les mettait sur un même terrain, il pourrait faire valoir sa cause ; mais le fait est qu’il n’a pas d’espoir de ce côté. « J’aurais expiré », s’écrie-t-il, « et aucun œil ne m’aurait vu » (10. 18).

Chapitres 11 à 14 : Tsophar intervient alors, cherchant à convaincre son ami, insistant sur le fait que « Dieu laisse dans l’oubli beaucoup de son iniquité » (11. 6). De toute manière s’il n’y avait pas d’iniquité, il y aurait des faveurs temporelles. « Alors tu lèveras ta face sans tache, tu seras ferme… et tu dormiras en sûreté » (versets 15 et 18). Tsophar fait des actes de l’homme la mesure des voies de Dieu. Il ne voit pas le mal de l’homme en lui-même, ni la distance de Dieu qui en résulte, le privant de tout droit à la moindre bénédiction. Job lui répond. Combien une âme fait peu de chemin quand elle est occupée à se justifier elle-même ! Ses amis l’ont accablé de reproches, ont attribué ses afflictions à son péché. Job, inconscient d’un mal précis qui serait la cause d’un tel châtiment, se contente de le nier. Les opprobres que le Seigneur Jésus pour sa part a supportés sans répondre, bien qu’accumulés injustement, Job les repousse parce qu’il ne s’est pas vu comme il est devant Dieu. Il se juge seulement par rapport aux normes humaines et comme peuvent le faire ses amis, eux qui, en réalité, ne sont pas sur un terrain plus élevé que lui. La souveraineté arbitraire de Dieu est la seule explication qu’il donne. Il ne voit aucun dessein de grâce dans la manière d’agir de Dieu envers lui, pourtant il est évident que son âme gagne du terrain car il s’écrie : « Voici, qu’il me tue, j’espérerai en lui » (13. 15). Et un rayon d’espoir jaillit sur son sentier car il ajoute, « Appelle, et moi je répondrai » (13. 22) ; « Ton désir serait tourné vers l’œuvre de tes mains » (14. 15). Quelle période sombre, quand il faut traverser tout cet exercice et cette angoisse pour sortir enfin de soi-même et se reposer seulement en Dieu ! Cependant la voie de Dieu est parfaite, ainsi que la fin le prouve toujours.

Chapitre 15 : Éliphaz répond de nouveau. Il gagne en sévérité et dépasse toute mesure. Il s’efforce de convaincre Job que Dieu agit envers les hommes selon leurs mérites, le juste est toujours récompensé tandis que le méchant travaille avec peine tous ses jours, et ajoute-t-il, « la voix des choses effrayantes est dans ses oreilles ; au milieu de la prospérité, le dévastateur arrive sur lui » (15. 21).

À moins d’avoir fait nous-mêmes cette expérience, nous pouvons difficilement apprécier la douleur que ces censures injustes doivent avoir causée à Job. Elles le poussent du mauvais côté : elles l’occupent de lui-même. Il ne pouvait pas nier qu’il était affligé : il ne pensait pas, en se comparant aux autres hommes, avoir accompli aucun acte susceptible d’amener sur lui une si grande affliction. Or ses amis le tourmentent, dirigeant sa pensée sur ce point que, puisqu’il souffrait tant, il avait dû être particulièrement méchant. Job résiste (chapitre 16), accuse ses amis d’être « des consolateurs fâcheux » ; et c’est bien ce qu’ils étaient. Si je parle – s’écrie-t-il – ma douleur n’est pas allégée ; et si je me tais, s’éloignera-t-elle de moi ? Il a maintenant l’amer sentiment que Dieu l’a livré aux impies. Il goûte aux souffrances mêmes qu’a connues notre Seigneur comme homme. Qui peut comprendre l’amertume qui maintenant consume l’âme de Job ? « Mes amis se moquent de moi… vers Dieu pleurent mes yeux » (16. 20). À travers le sentiment écrasant de son affliction et de sa souffrance, se manifeste de temps à autre ce lien qui attache une âme régénérée à Dieu. Il ne s’est pas encore vu en présence de Dieu ; et c’est pourquoi il insiste sur sa justice. « Quoiqu’il n’y ait pas de violence dans mes mains, et que ma prière soit pure » (16. 17) ; et il cherche donc à avoir un arbitre pour lui auprès de Dieu. Il a bien un certain sentiment de la grandeur de Dieu ; mais il n’a pas celui de Sa sainteté et cela parce qu’il ne s’est jamais trouvé assez près de Dieu. C’est en effet la proximité de Dieu qui produit la conscience de sa sainteté. C’est pourquoi il conclut que, s’il avait un arbitre auprès de Dieu, il serait nécessairement acquitté. Combien le moi de Job occupe sa pensée ! Il éprouve qu’il est un « proverbe des peuples ». « Les hommes droits en seront étonnés, et l’innocent s’élèvera contre l’impie » (17. 6, 8). La mort seule est considérée comme un soulagement quand se présentent de telles pensées. « Si j’espère, le shéol est ma maison, j’étends mon lit dans les ténèbres » (17. 13).

Chapitres 18 et 19 : Bildad répond en termes de réprobation et de colère, et décrit de façon péremptoire la voie du méchant ; il est d’abord pris dans un piège parce que « son propre conseil le renversera… » (18. 7), jusqu’à ce qu’il n’ait « pas d’enfants ni de postérité parmi son peuple » (verset 19). « Certainement, telles sont les demeures de l’inique, et tel est le lieu de celui qui ne connaît pas Dieu » (verset 21). Job, aiguillonné par cette insinuation qu’il ne connaissait pas Dieu, pouvait bien rétorquer : « Jusques à quand affligerez-vous mon âme, et m’accablerez-vous de paroles ? » (19. 1). Quel temps d’épreuve pour l’âme quand, tout en ayant conscience et foi en Dieu, elle cherche à se justifier, au milieu de toute l’affliction et la souffrance qui sont le lot commun de tous, et plus encore lorsque celles-ci font partie de la discipline. Job repousse l’accusation d’avoir été pris à son propre piège : « Sachez donc que c’est Dieu qui me renverse et qui m’entoure de son filet » (19. 6). Il attribue à Dieu ce qui lui est arrivé mais n’y trouve aucune raison. Mais si sa blessure est d’autant plus douloureuse qu’il a le sentiment croissant d’être indûment affligé par Dieu, son esprit se fortifie néanmoins dans l’espérance. Nous pouvons le découvrir dans ses paroles : « Moi, je sais que mon rédempteur est vivant, et que, le dernier, il sera debout sur la terre. Et après ma peau, ceci sera détruit, et de ma chair je verrai Dieu » (19. 26).

Chapitres 20 et 21 : Tsophar, de la manière la plus emphatique, présente maintenant à Job la ruine écrasante et complète du méchant. Il le dénonce sans pitié. « Les cieux révéleront son iniquité, et la terre s’élèvera contre lui ». Job répond en donnant des preuves de la prospérité du méchant pour montrer que Tsophar doit être dans l’erreur. En ce qui le concerne, il sait que les reproches de ses amis sont sans fondement. Job n’a pas une idée claire de la volonté de Dieu ; ne connaissant rien d’autre que sa toute-puissance et sa souveraineté, il n’est pas capable de voir que Dieu a toujours un but défini devant lui pour chacune de ses voies. « Et comment », réplique-t-il, « me consolez-vous avec de vaines consolations ? Vos réponses restent perfides » (21. 34).

Chapitre 22 : Éliphaz s’adresse maintenant à Job pour la dernière fois, et essaie de l’impressionner par la gravité de ses accusations. « Ta méchanceté n’est-elle pas grande, et tes iniquités ne sont-elles pas sans fin ? » (22. 5).

Chapitres 23 et 24 : Deux points viennent en évidence : le premier, c’est que Job a conscience de son éloignement de Dieu, et il désire être approché. C’est le signe authentique de la vie dans une âme, même si elle tâtonne dans les ténèbres, pour ainsi dire, à la recherche de ce qu’elle désire. « Voici – dit-il – je vais en avant, mais il n’y est pas ; et en arrière, mais je ne l’aperçois pas » (23. 8). Il a en même temps le sentiment que le dessein de Dieu est immuable. « Il a une pensée, et qui l’en fera revenir ? » (verset 13). Et cependant la vraie crainte, effet solennel de sa présence, n’est pas connue, car il dit : « Je suis terrifié devant sa face ; je considère, et je suis effrayé devant lui » (verset 15).

Le second point, c’est que Job tourne ses yeux vers les hommes ; il n’a pas trouvé du côté de Dieu l’explication qu’il cherchait et maintenant il regarde aux hommes. Il voit que le méchant prospère dans le monde ; ils ont pourtant leurs troubles secrets, et la mort met fin à leur carrière. À ce stade de son expérience, Job cherche la proximité de Dieu tout en craignant sa présence et en ne jouissant pas du repos ni de l’acceptation. Ils sont variés en effet les exercices que doit traverser une âme tant qu’elle refuse de voir la totalité de sa ruine aux yeux de Dieu.

Chapitre 25 et 26 : Bildad termine ses critiques en réaffirmant la grandeur de Dieu et l’impureté de l’homme comme s’il n’y avait aucun remède. Paroles amères pour un affligé qui cherche à se tenir devant Dieu, que dans son esprit il connaît et en qui il croit. Job commence à comprendre que les voies de Dieu sont beaucoup plus profondes que l’œil de l’homme ne peut le voir (26. 14).

Chapitre 27 à 31 : Job résume maintenant sa situation, ce qui le concerne et aussi ce qu’il a compris au sujet de Dieu. La grandeur de Dieu dans la création s’est présentée à ses yeux, mais cela ne suffit jamais à donner conscience à l’âme du caractère de son éloignement de Dieu. Aussi, au chapitre 27, trouvons-nous Job qui affirme son intégrité comme pour dire : Si je ne suis pas dans la lumière, j’affirmerai au moins mon intégrité, à moins d’avoir transgressé quelque loi, accompli quelque péché manifeste. Job cherche donc ici à se justifier du reproche d’être frappé par Dieu. Au chapitre 28, où il donne une belle description de la sagesse, il est intéressant de remarquer comment, sous le poids de l’épreuve, son âme progresse dans la vraie lumière. Ainsi la discipline porte des fruits. Sous le poids de l’épreuve, plus je verrais la sagesse de Dieu et ses voies, plus je serai déprimé, si je ne puis être en rapport avec Dieu d’une manière convenable. Le risque alors est que je me penche sur ma propre histoire et que je m’occupe de moi-même. Ainsi, au chapitre 29, Job s’étend sur son passé heureux, preuve évidente que son âme n’est pas en rapport avec Dieu, car si elle marchait avec Lui, elle aurait de plus grandes choses à dire à Son sujet. On peut évoquer les bienfaits de Dieu, rappeler ses dons et sa bonté. Mais quand il s’y ajoute, comme chez le jeune homme riche, le sentiment de s’être toujours honorablement conduit, un tel bilan satisfait le cœur et l’absorbe. Job vivait avant que le pays de Canaan ait été donné à Israël, avant la loi, et il apprend à connaître le mal qui est en lui, non par la loi, mais dans la présence de Dieu. Ayant vécu en toute bonne conscience, il fait la constatation qu’il n’est pas facile de tout estimer comme des ordures et comme une perte. Cette expérience nous est rapportée pour nous montrer comment notre propre justice peut nous occuper et nous entraver. En même temps, nous constatons combien vaine était l’attitude des amis de Job pour l’aider à avoir une juste estimation de lui-même. Ainsi, toujours occupé de lui-même, Job, au chapitre 29, s’étend avec complaisance sur sa prospérité passée, tandis qu’au chapitre 31 il s’attarde à raconter tout le bien qu’il a fait pour arriver à conclure : « Que le Tout-Puissant me réponde ! » (31. 35). Telles sont les pensées secrètes de quelqu’un qui, sans avoir rien fait qui choque la conscience naturelle, ne s’est pas vu à la lumière de la présence de Dieu et ne sait donc rien de la corruption de sa nature. Si la conscience naturelle avait pu trouver un péché évident à mettre en lumière, son action aurait été facile et rapide ; mais lorsque le sens moral n’est pas blessé, il faut que l’âme suive un chemin beaucoup plus long jusqu’à ce qu’elle parvienne à un sentiment spirituel, c’est-à-dire une estimation d’elle-même formée à la lumière de la présence de Dieu.

Nous abordons maintenant une autre période de cette histoire intéressante. Nous avons suivi brièvement le pénible chemin par lequel Dieu conduit quelqu’un à découvrir sa ruine totale à Ses yeux. Le comportement de Job est tel que personne ne peut porter aucune accusation contre lui. Pour autant qu’il s’agisse d’œuvres, Dieu lui-même peut prendre Satan à témoin pour affirmer que Job n’a pas son semblable sur toute la terre : un homme droit et se retirant du mal. Mais, tandis qu’aux yeux de l’homme ou aux yeux de Satan, il n’y a effectivement rien à blâmer ni à reprendre en Job, Dieu veut que celui-ci sache qu’à Ses yeux il est tout à fait corrompu et perdu. Apprendre cela est un travail douloureux pour la nature humaine. Il faut que la chair dans l’homme soit placée dans la mort. Job, du fond de sa misère commence par éprouver que la mort serait préférable à la vie. Tout en étant torturé par les reproches et les soupçons injustes de ses amis quant à sa prétendue culpabilité secrète, il connaît assez Dieu pour repousser la doctrine qu’ils soutiennent selon laquelle le gouvernement de Dieu ici-bas est le seul principe de son action : autrement dit Dieu n’est pas simplement celui qui récompense le juste et punit le méchant ; les faits contredisent cette vue simpliste. Mais alors faut-il considérer Dieu comme n’ayant aucun but, ressemblant à un souverain ordinaire qui statue selon le hasard des circonstances ? Par tout cet exercice, Job est affermi sur deux points qui ne font d’ailleurs qu’accroître sa perplexité. Il est convaincu de la souveraineté de Dieu et de sa toute-puissance, et d’autre part, ses amis n’ayant pu toucher sa conscience, il s’enhardit en se justifiant lui-même.

Chapitre 32 et 33 : C’est alors qu’Élihu intervient. Ce serviteur de Dieu vient d’auprès de Dieu, et apporte maintenant à Job l’enseignement dont il avait tant besoin. Nous ignorons souvent le travail intérieur par lequel nous devons passer avant d’être préparés à entendre parler de Dieu à Son point de vue. Il arrive que nous ayons à nous fatiguer dans les ténèbres avant d’être prêts à entendre la parole de lumière ; car la lumière vient de Dieu seul : Christ est la « lumière qui, venant dans le monde, éclaire tout homme » (Jean 1. 9). Tout raisonnement du côté de l’homme – les amis de Job viennent de le démontrer – ne l’occupait que davantage de lui-même, et provoquait sa propre justification, tout en le rendant nécessairement plus sensible à la distance qui le séparait de Dieu. C’est d’ailleurs pourquoi le besoin de Dieu s’approfondissait dans son âme.

Élihu montre maintenant que ce que Job avait affirmé n’est pas vrai : savoir que Dieu agit arbitrairement, qu’ « il trouve des occasions d’inimitié contre moi » (33. 10). Son premier argument est que Dieu est plus fort que l’homme. « Pourquoi contestes-tu avec lui ? Car d’aucune de ses actions, il ne rend compte » (verset 13). La première chose importante pour une âme est en effet de s’humilier sous la puissante main de Dieu. C’est ce que Job n’avait pas encore fait. Mais de plus, ajoute Élihu, Dieu s’occupe de l’homme à travers des songes pour le détourner de ce qu’il fait. Quelle grâce ! Lorsque tout est dans le calme du sommeil, Dieu montre que son intérêt est en éveil pour l’homme et l’avertit par des songes ! Dieu est plein de miséricorde, comme cela nous est rappelé (33. 23-30). Dès qu’il y a confession de notre part, il y a miséricorde et salut de la part de Dieu. Il faut maintenant que Job reconnaisse ceci : il avait permis à son propre esprit de juger Dieu, au lieu de se soumettre à Lui et d’attendre d’être instruit par Lui.

Chapitre 34 : Le second point pour Élihu, c’est que Dieu est nécessairement juste. Job avait dit qu’il était lui-même juste et que Dieu avait écarté son droit. Cela revenait à déclarer Dieu injuste. Et si Dieu n’était pas juste, Lui la source de la justice, comment pourrait-Il gouverner ? « Celui qui hait la justice gouvernera-t-il donc ? » (verset 17). « Certainement Dieu n’agit pas injustement, et le Tout-Puissant ne pervertit pas le droit. Qui a confié la terre à Ses soins ? » (verset 12, 13). Élihu exhorte Job à accepter le fait que Dieu est juste, et que dans sa justice il peut agir comme il lui plaît. « Il ne pense pas longtemps à un homme pour le faire venir devant Dieu en jugement » (verset 23). Puisqu’il en est ainsi, la vraie place de Job était celle de la confession. « Car a-t-il jamais dit à Dieu : je porte ma peine, je ne ferai plus de mal… ? » (verset 31). Bien que ces leçons variées, ces étapes progressives dans l’histoire d’une âme, nous soient présentées comme une seule histoire ininterrompue, il faut nous souvenir qu’il y a souvent de longs et douloureux intervalles de temps entre chacune d’elles lorsqu’on les apprend. C’est l’ordre de leur succession qui nous est présenté ici plutôt que la souffrance de l’âme qui les apprend.

Chapitre 35 : Élihu aborde un nouveau point, savoir que Dieu est infiniment au-dessus de l’homme, que les œuvres de celui-ci ne peuvent rien lui apporter. Il faut que Job apprenne encore cette leçon. « Si tu es juste, que lui donnes-tu, ou que reçoit-il de ta main ? » (verset 7). Chacun devrait avoir le discernement de la bonté qui vient de Dieu ; or quand tout est ténèbres à l’entour, « on ne dit pas : Où est Dieu, mon créateur, qui donne des chants de joie dans la nuit… ? » (verset 10). Job s’est longuement arrêté sur ce qu’il est pour Dieu, et non sur ce que Dieu est pour lui.

Chapitre 36 : Un autre point est placé devant Job, c’est que s’il envisage les choses du côté de Dieu, il faut qu’il reconnaisse Sa justice. Job devait comprendre qu’ « il ne retire pas ses yeux de dessus le juste » (verset 7) – « Et il ouvre leurs oreilles à la discipline… Il délivre le malheureux dans son malheur » (versets 7, 10, 15). C’est ici que Job avait manqué ; il avait été occupé à se justifier au lieu d’avoir son oreille ouverte à la discipline. « Voici, Dieu est grand » (verset 26). Il y a un progrès immense dans l’âme quand elle en arrive là et considère les choses positivement du côté de Dieu. Un vrai sentiment de ce qu’Il est doit m’amener à m’humilier sous sa puissante main et à m’attendre à Lui.

Chapitre 37 : Élihu amène Job à contempler davantage ce qu’est Dieu dans sa grandeur et dans ses œuvres ; tout comme le Seigneur disait : « Croyez-moi à cause des œuvres elles-mêmes » (Jean 14. 11). Et c’est en quelque sorte l’introduction à ce que nous trouverons au chapitre suivant, où Dieu lui-même s’adresse à Job indépendamment de tout instrument connu, l’instruisant de sa propre grandeur. Job a écouté Élihu et, maintenant qu’il est préparé à entendre la voix de Dieu, c’est Dieu lui-même qui dans sa miséricorde va s’occuper directement de son âme. Quel profond et solennel exercice quand l’âme, seule avec Dieu, apprend de lui à connaître sa majesté et sa bonté ! Quelle grâce de sa part !

Chapitre 38 : L’Éternel répond à Job du milieu du tourbillon et lui pose quelques questions. « Où étais-tu quand j’ai fondé la terre ? » (verset 4). « Par la foi, nous comprenons que les mondes ont été formés par la parole de Dieu » (Hébreux 11. 3). C’est le commencement de la foi, de même qu’il faut que celui qui s’approche de Dieu croie que Dieu est. Job croit évidemment à l’existence de Dieu, mais sa foi n’est pas simple et ferme en la puissance de Dieu ni en sa grandeur. Il est maintenant invité à se demander s’il était capable d’expliquer ou de connaître l’origine d’aucune des œuvres de Dieu. Dieu le prend à témoin : « Qui a mis la sagesse dans les reins, ou qui donna l’intelligence à l’esprit ? » (verset 36). Dans le monde matériel, Dieu montre à Job son ignorance de l’origine de toutes ses œuvres et maintenant, au chapitre 39, il lui fait mesurer son incapacité de gouverner le monde animal. Que ce soit le buffle, le cheval ou l’aigle, tous sont supérieurs en force à Job. Combien plus Celui qui les a créés et leur a donné leurs qualités, devrait-il être l’objet du respect de Job. « Celui qui conteste avec le Tout-Puissant l’instruira-t-il ? » (verset 35). C’est maintenant que Job éprouve la puissance de la parole divine. Alors il répond à l’Éternel : « Voici, je suis une créature de rien, que te répliquerai-je ? Je mettrai ma main sur ma bouche. J’ai parlé une fois, et je ne répondrai plus ; et deux fois, et je n’ajouterai rien » (39. 37-38).

Le voilà amené au sentiment qu’il est une créature de rien ; mais seulement pour déclarer qu’il se taira ; car il ne sait vraiment que répondre. Il se sent condamné, mais n’est pas encore parvenu à la simple mise de côté de lui-même. On peut avoir le sentiment d’être une créature de rien, avoir la bouche fermée et avec cela espérer encore faire des progrès par soi-même.

Chapitres 40 à 42 : C’est pourquoi la voix de Dieu s’adresse une seconde fois à Job et il est à nouveau pris à témoin par Lui. Il est frappant de voir que Dieu, qui a supporté bien des paroles outrées de la part de Job, le reprend ici sévèrement et déclare « me démontreras-tu inique afin de te justifier ? » (verset 3). Dieu ne tient-il pas compte de la confession de Job qu’il est une créature de rien ? Il sait bien, et nous l’enseigne, que l’homme peut reconnaître sa petitesse, son néant, sans juger au fond son état moral. C’est à cela qu’il veut amener Job pour le bénir, et pour atteindre ce but, Dieu n’emploie ici pas autre chose que l’évidence de la sagesse de ses voies dans des êtres créés. Cette fois Dieu lui parle du béhémoth et du léviathan, créatures plus fortes que lui ; « il n’a pas son semblable sur la terre : il a été fait pour être sans peur » (41. 24). Ainsi la variété et l’ordre des voies de Dieu à l’égard de ces êtres étranges et puissants est présentée à l’âme de Job, qui se sent dans la présence de Dieu et il est confondu. C’est maintenant qu’il arrive à ce que Dieu désire produire dans toute la discipline à laquelle il l’a soumis. En voyant Dieu, Job forme une juste estimation de lui-même et se repent dans la poussière et dans la cendre. L’homme irréprochable, bon selon la nature, et droit comme homme, a horreur de lui quand il est amené en présence de Dieu. Comme homme, il a de quoi se glorifier ; il peut se justifier devant ses compagnons, mais pas devant Dieu. Dans la présence de Dieu, il ne peut rien revendiquer ; il réalise qu’il n’a droit à rien. Devant les yeux saints de Dieu, la seule pensée qu’il a de lui-même consiste à avoir horreur de lui et se repentir dans la poussière et dans la cendre.

Job en a maintenant fini avec lui-même. Heureux fruit et couronnement de toute discipline ! Et il est si complètement libéré de lui-même, qu’avant même d’être soulagé de l’épreuve qui avait été la cause immédiate de toute sa misère, il peut prier pour ses amis. Supérieur à ses propres souffrances, il pense à ses amis devant Dieu. Et c’est alors que le Seigneur le rétablit dans son ancien état, démontrant (et combien nous pouvons prendre la chose à cœur !) que le but « la fin du Seigneur », ce qui apparaît de Lui quand l’épreuve est terminée, c’est qu’Il « est plein de compassion et miséricordieux » (Jacques 5. 11).