Ce chapitre rapporte la dernière rencontre entre David et Saül. L’apaisement de ce dernier (24. 17-23) aura été de courte durée et sa haine meurtrière contre David réapparaît bien vite.
Il semble que la disparition de Samuel, dont l’autorité morale inspirait la crainte, favorisa plusieurs tristes événements : la colère de David contre Nabal (chapitre 25), la récidive des Ziphiens et la réapparition de l’animosité de Saül (chapitre 26) et enfin, la nouvelle défaillance de David qui retournera en Philistie (chapitre 27).
Les Ziphiens récidivent : une fois de plus, ils avertissent Saül de la présence de David chez eux (23. 19). Leur rapport, comme un souffle sur des braises, n’a pas de mal à ranimer chez Saül une haine qui couvait encore. Ils prennent le parti d’un roi réprouvé contre l’homme de leur tribu que Dieu avait choisi.
Notre monde christianisé n’est pas différent : officiellement, il reconnaît Christ, mais en pratique il est “ennemi de la croix de Christ” Philippiens 3. 18. Plusieurs se satisfont d’une apparence de piété, mais leur cœur et leurs pensées, éloignés de Dieu, se concentrent sur les choses de la terre.
Quant à nous, chrétiens, évitons soigneusement de ranimer des querelles en rapportant des faits – vrais ou faux – qui seront de nature à semer la discorde entre frères. C’est l’une des sept choses que l’Éternel haitProverbes 6. 19.
Conscient des desseins de Dieu, Saül continue néanmoins, par ses efforts personnels, à poursuivre son but : conserver le royaume pour lui et pour sa descendance. Il se lance donc à la poursuite de David avec une forte troupe (13. 2 ; 24. 3 ; verset 2).
Cette scène n’est pas sans ressemblance avec celle du chapitre 24. Cependant, dans le premier cas, David s’était trouvé involontairement en présence de Saül. Ici, au contraire, il prend l’initiative de s’exposer personnellement. Renseigné par ses espions (verset 4), il s’avance de nuit vers le camp de Saül. Comme autrefois un autre héros de la foiHébreux 11. 32, Gédéon, David est sans peur dans le camp ennemi. Est-ce un geste de témérité inconsciente ou bien un acte de foi ? Il semble qu’il ait voulu prouver une nouvelle fois à Saül ses intentions bienveillantes.
Un seul homme accompagne David ; Abishaï, l’un des trois fils de Tseruia, sœur de David1 Chroniques 2. 15, 16, répond à l’appel de son chef. Christ cherche de notre part un engagement spontané à le suivre.
Bien involontairement, Abishaï impose à David une épreuve supplémentaire. Animé d’une loyauté sincère, il l’incite à se venger. Les circonstances étaient favorables : le sommeil général1, la lance disponible. Il se propose même de tuer Saül à la place de David si celui-ci répugne à le faire. Ne serait-ce pas une juste rétribution que Saül soit percé par sa propre lance avec laquelle il avait à plusieurs reprises essayé de frapper David, et même Jonathan ? La Parole semblait même pouvoir justifier une telle action, car il est écrit que Dieu fait tomber dans la fosse ceux qui l’ont creuséeProverbes 28. 10. Mais David discerne le piège que lui tend Satan, et dont Abishaï s’était fait involontairement l’instrument. En tuant Saül, il aurait perdu l’honneur de celui qui fait grâce et se serait souillé du sang de l’oint de l’Éternel. Alors David reste ferme et se confie en Dieu. Plus droit encore qu’à En-Guédi, il ne fait rien qu’il puisse plus tard regretter un tant soit peu (24. 6).
Quelle puissante exhortation pour nous, si prompts à partir en guerre dès la première agression et si souvent attachés à défendre nos droits !
Les deux hommes enlèvent à Saül sa lance (l’arme offensive) et sa cruche (la source de rafraîchissement) : matériellement et spirituellement, le roi est privé de ces deux ressources. Quiconque persévère dans un chemin de désobéissance perdra aussi la puissance et le réconfort de la parole de Dieu.
David, prudent et sage, attend d’être loin pour interpeller Saül et Abner. Alors, il reproche à ce dernier sa défaillance à assurer la protection du roi (versets 14-16). On peut noter que David s’intéresse à la sécurité de Saül. Cette sollicitude est aussi celle du croyant spirituel pour les hommes du monde qui courent à la perdition ; elle est bien plus authentique que l’entraide uniquement matérielle des incrédules.
Puis David interpelle la conscience de Saül (versets 18-20). Plus solennellement encore qu’au chapitre 24, il le met en garde contre la gravité de sa conduite2. Combien grande est la responsabilité de ceux qui persécutent le peuple de Dieu, par les moqueries, les injures ou la violence. Si c’est la volonté de l’Éternel, David ne refuse pas de mourir (verset 20), mais il désire que la mort ne le sépare pas de son Dieu. Enfin, David constate que sa faible escorte est hors de proportion avec le déploiement de force de Saül. Ne pensons-nous pas à toute la troupe armée venue à Gethsémané chercher le Seigneur, lui qui n’était entouré que de quelques disciplesMatthieu 27. 27 ?
Les belles paroles de Saül ne trompent pas David. Le roi n’avait-il pas déjà confessé plusieurs fois son iniquité sans l’abandonner (15. 24, 30 ; 19. 6 ; 24. 18) ? L’homme de foi ne peut plus faire confiance aux promesses humaines, mais il se confie en Dieu et ne veut dépendre que de lui. David peut rendre à Saül sa lance qui n’a aucun pouvoir contre lui : “Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ?” Romains 8. 31
“L’Éternel rendra à chacun sa justice3 et sa fidélité” (verset 23) : il s’agit d’un principe général et immuable ; Dieu seul peut peser les motifs du cœur et agir envers chacun selon ce qu’il discerne parfaitementGenèse 18. 25, même si la rétribution est parfois différée.
La bénédiction de Saül a bien peu de valeur (verset 25) ; peu auparavant, il avait béni les traîtres de Ziph (23. 21). Mais il est obligé de reconnaître la grandeur de son ennemi. Un jour viendra où même les êtres infernaux se prosterneront devant le SeigneurPhilippiens 2. 10, 11.
C’était la dernière rencontre de David et de Saül.
David s’en va “son chemin”, le chemin qui va le conduire finalement à la gloire.
Saül, lui, retourne “en son lieu”, vers un abîme effrayant.