Le temps a maintenant passé, et Samuel arrive à la fin de sa vie. Alors, il établit ses fils comme juges sur Israël, non pour préparer sa succession, mais vraisemblablement pour se faire seconder dans la partie sud du pays la plus éloignée, à Beër-Shéba. Pourtant, en agissant ainsi, Samuel commet une erreur, puisqu’il prend ces dispositions de son propre chef sans consulter Dieu. Et cette situation va fournir aux anciens un des arguments pour demander un roi.
Samuel ignorait probablement la triste conduite de ses fils ; il n’était pas un homme à les honorer plus que Dieu, comme Éli. Contrairement à ce dernier, l’Éternel ne fait aucun reproche à Samuel sur ce sujet. La foi et la piété sont personnelles ; aussi ne jetons pas la pierre à des parents fidèles dont les enfants ne suivent pas leurs traces.
Représenté par ses anciens, le peuple, ingrat et oublieux, n’a pas assez de foi pour marcher avec Dieu sans conducteur visible.
Le propos de Dieu était bien qu’un jour, il y ait un roi sur Israël. Mais Dieu avait en vue pour cette fonction son Fils unique et bien-aimé, qu’il établirait même prince des rois de la terre. Il l’avait annoncé à AbrahamGenèse 17. 16, à JacobGenèse 35. 11 et à tout le peuple par Moïse : “Tu établiras sur toi le roi que l’Éternel ton Dieu choisira” Deutéronome 17. 14-20.
Samuel ressent tout de suite l’iniquité d’une telle demande. Le voilà presque rejeté, lui qui avait acquis progressivement et depuis longtemps une autorité morale incontestée (3. 20), lui qui n’avait jamais voulu prendre le pouvoir comme il en aurait eu l’occasion, lors de la triple disparition d’Éli et de ses fils. Quelle déception et quelle tristesse pour lui ! Les anciens n’ont ni égard ni délicatesse pour l’homme âgé :
Mais Samuel pense plus à l’Éternel qu’à son propre rejet. Car le peuple demande un roi “comme toutes les nations”. Or l’Éternel était lui-même roi en Israël, comme il avait été dit : “L’Éternel son Dieu est avec lui et un chant de triomphe royal est au milieu de lui” Nombres 23. 21 ; Osée 8. 4. Il est difficile d’être différent des autres par fidélité à Dieu.
L’attitude de Samuel en face des anciens est pleine de noblesse : il les écoute silencieusement, puis, à son habitude, il se tourne vers son Dieu en prière pour lui exposer la situation. C’est un exemple pour nous : lorsque des reproches qui nous semblent injustes, nous sont adressés, recherchons la présence et la pensée de Dieu par la prière.
Samuel n’accuse pas ici le peuple, comme le fera plus tard Élie le Thishbite. Son attitude constante est plutôt de prendre sa défense, comme Moïse autrefois. Mais Samuel ne peut approuver cette demande. Dieu, qui connaît le cœur des hommes et leurs vrais mobiles, lui en donne la raison profonde : “C’est moi qu’ils ont rejeté”. On peut donner au moins trois raisons à ce rejet :
Tel a toujours été le cœur de l’homme depuis Éden : il ne cesse de montrer ingratitude, méconnaissance de ses privilèges, esprit d’indépendance. L’homme veut rompre tout lien avec Dieu, même si ces liens sont des “liens d’amour” Osée 11. 4. Il préfère se confier en ses propres ressources qu’en DieuExode 32. 1.
La réponse de l’Éternel apaise Samuel : Dieu l’associe à lui dans le même opprobre. Préférons, comme le prophète, être rejeté avec Dieu plutôt que populaire sans lui.
Samuel sait maintenant ce qu’il doit faire. S’il avait de son propre chef refusé la demande du peuple, il aurait été accusé de vouloir garder le pouvoir. S’il avait accepté d’emblée sa voix, il se serait incliné devant ceux qui voulaient rejeter Dieu, comme PilateLuc 23. 23-25.
Dieu laisse donc le peuple tenter l’expérience. Plus tard, Dieu ôtera ce dictateur : “Je t’ai donné un roi dans ma colère et je l’ai ôté dans ma fureur” Osée 13. 11.
Les Israélites auront un roi selon leur cœur, c’est à dire charnel. Leur roi les traitera selon les mœurs des souverains de l’époque. Six fois il est dit : “il prendra”. L’homme croit se rendre plus libre en rejetant l’autorité de Dieu, mais en réalité, il devient esclave de sa nature charnelle. Les conséquences de cet asservissement sont multiples et sont suggérées par les divers droits du roi : l’absence de vie familiale (verset 11), les conflits (verset 12), la poursuite du plaisir (verset 13), les exactions (verset 14), la pénurie matérielle (versets 15, 17), la détresse morale (verset 18).
N’est-ce pas ce que nous constatons souvent, tant sur le plan personnel que sur l’ensemble de la société ?
Le peuple s’obstine, malgré ces sérieux avertissements, plein d’illusion sur le prestige que lui donnerait un souverain. Dieu enjoint pour la troisième fois à Samuel de les écouter (versets 7, 9, 22). Celui-ci dissout donc l’assemblée sans un mot de reproche. Désirons, pour notre part, rester uniquement sous le joug aisé de notre Seigneur !