Trente ans environ se sont écoulés entre les récits des chapitres 2 et 41. De quelle patience use notre Dieu ! Mais les fils d’Éli ne se sont pas repentisEcclésiaste 8. 11.
Samuel a vraisemblablement une trentaine d’années à cette époque. Comme tout lévite, son rôle était d’enseigner le peupleDeutéronome 33. 10 ; 2 Chroniques 17. 9 ; 30. 22. De plus, il était prophète, allant de lieu en lieu pour encourager et exhorter chacun. Israël apprit ainsi à reconnaître son autorité (3. 20 ; 7. 15-17).
Depuis vingt années déjà, les Philistins dominaient sur IsraëlJuges 13. 1 ; 14. 4 ; 15. 11 en dépit de leur destruction massive à la mort de SamsonJuges 16. 30. Pour essayer de secouer ce joug, les Israélites engagent la bataille. Croient-ils jouir de la faveur de l’Éternel qui se révélait désormais par sa parole (3. 21) ? Toujours est-il que, bien présomptueusement et sans consulter Samuel, détenteur de la parole de Dieu, ils décident l’attaque. Ils méconnaissent leur état réel et suivent leurs propres désirs : aussi l’échec est inéluctable. Ils auraient dû se souvenir de la défaite d’AïJosué 7 et aussi de la destruction de BenjaminJuges 20.
Ils se rassemblent à Ében-Ézer2, dont le nom est donné ici par anticipation. Là, par grâce, sera placé le témoignage à la fidélité de Dieu (7. 12). Mais pour l’heure, il ne faut pas compter sur le secours de l’Éternel, qui n’a pas été consultéPsaume 81. 14, 15.
Les Philistins, de leur camp situé à Aphek, ville de l’ouest d’Éphraïm, vont remporter une première victoire. Contrairement aux Égyptiens et aux Assyriens, ils ont leur territoire en Canaan. Ils sont pour nous une image de l’ennemi intérieur, c’est-à-dire de la chair qui agit dans le chrétien et dans la chrétienté. Son influence redoutable ne peut être vaincue par notre propre forceExode 13. 17 ; Romains 7. La victoire sur la chair ne s’obtient que par le Saint Esprit.
Les anciens d’Israël reconnaissent spontanément le doigt de l’Éternel dans cette défaite. Mais ce “pourquoi” (verset 3) est-il interrogateur ou accusateurProverbes 19. 3 ? Y a-t-il une recherche sérieuse, en soi-même, de la cause de cet échec ? Aucune humiliation ne se manifeste, contrairement à l’affaire d’Acan et à la lutte contre les BenjaminitesJosué 7. 6 ; Juges 20. 26.
Les Israélites font alors appel à l’arche. Quelle folie de compter sur elle sans compter sur le Dieu de l’arche ! Et quelle superstition de s’attendre au symbole matériel de la présence de Dieu quand le cœur n’est pas en règle avec lui ! Au demeurant, n’est-il pas étrange, après avoir reconnu que la défaite était de la part de l’Éternel, de désirer sa présence au moyen de l’arche pour un deuxième combat ? Pensent-ils, avec nostalgie, à l’efficacité de l’arche dans le Jourdain ou devant les murs de Jéricho ? Dans le désert, l’arche prenait elle-même l’initiative de ses déplacements pour conduire le peuple et Moïse disait : “Lève-toi, Éternel ! et que tes ennemis soient dispersés !” Nombres 10. 35 Maintenant le peuple était dans le pays et l’arche devait demeurer au lieu que l’Éternel avait choisiDeutéronome 12. 5, 11, 14, 18.
Plus tard, Jérémie dénoncera la prétention à se glorifier de la présence de Dieu : “Ne mettez pas votre confiance en des paroles de mensonge en disant : c’est ici le temple de l’Éternel, le temple de l’Éternel” Jérémie 7. 4. De toute façon, on ne peut pas faire venir Dieu à soi, on doit aller vers lui. C’est un principe pratique permanentJacques 4. 8.
Les fils d’Éli même sont avec l’arche. Quelle inconscience et quelle inconséquence ! Les cris qui accueillent l’arche à son entrée dans le camp sont plus des cris d’excitation collective que des cris de victoire (17. 20) Josué 6. 10, 20 ; Juges 7. 18, 20. On prétendrait se servir du nom de Dieu sans s’être jugé. La terre tremble à ces cris mais le ciel reste insensible. L’arche est appelée ici avec emphase : “l’arche de l’alliance de l’Éternel des armées, qui siège entre les chérubins” (verset 4) 3.
De nos jours, chez certains qui se disent chrétiens, il y a beaucoup d’apparat (représenté ici par l’arche, les vêtements sacerdotaux), beaucoup de bruit dans les réunions. Mais si on ne s’est pas jugé auparavant, les plus beaux cantiques ne seront qu’un bruit insupportable pour DieuAmos 5. 23.
La peur des Philistins est bien compréhensible. Pour ces gens habitués aux images taillées, l’arche de l’Éternel équivaut à l’Éternel lui-même. La sortie d’Égypte par la puissance de l’Éternel est dans toutes les mémoiresJosué 2. 10, et comme pour tous ceux qui ne connaissent pas le seul vrai Dieu, les ressources sont en eux-mêmes : “Philistins, fortifiez-vous !” (verset 9) Nous savons que maudit est l’homme qui se confie en l’homme, mais que béni est celui qui se confie en l’ÉternelJérémie 17. 5 ; Philippiens 4. 13 ; 2 Timothée 2. 1.
La description du désastre d’Israël est brève et dramatique. Asaph mettra en poème ce souvenir terrible : “Il livra à la captivité sa force, et sa magnificence en la main de l’ennemi ; et il livra son peuple à l’épée… Leurs sacrificateurs tombèrent par l’épée, et leurs veuves ne se lamentèrent pas” Psaume 78. 61, 62, 64. Cette terrible scène confirme que la faveur et la présence de Dieu ne peuvent être revendiquées en dehors du jugement du mal. “Je ne serai plus avec vous si vous ne détruisez l’anathème du milieu de vous” Josué 7. 12. Les promesses de victoire même en cas d’infériorité numériqueLévitique 26. 8 ; Deutéronome 32. 30 ; Josué 23. 10 ne peuvent se réaliser.
Anne avait chanté la gloire future du roi. Mais pour l’heure, cette gloire s’en est allée. La demeure de Silo est abandonnéePsaume 78. 60. L’arche est prise par les Philistins et ne reviendra plus à Silo, ni même en ÉphraïmJérémie 7. 12-14.
Pendant ce temps, Éli tremble d’angoisse pour l’arche. Le tumulte de la confusion (verset 14) qui succède aux cris de la présomption (verset 5) accroît son inquiétude. Le messager mentionne la prise de l’arche en dernier lieu, comme un fait peut-être accessoire. Or, pour Éli, c’était l’essentiel. Il meurt de tristesse, non pas en apprenant la mort de ses fils, mais en entendant que l’arche est prise. Quelle remarquable preuve d’attachement à son Dieu ! S’il lui a manqué pendant sa vie l’énergie de la fidélité, sa piété personnelle brille magnifiquement à la fin de sa vie. Au fond de lui, il aimait l’Éternel plus que ses fils.
Le témoignage de la femme de Phinées est aussi clair. Sa plus grande douleur est la perte de l’arche. Rien ne peut la consoler, pas même la naissance d’un fils. Le nom donné à l’enfant gardera le souvenir solennel du jugement de Dieu sur son peuple. Ainsi, en contraste avec le peuple qui se sert de l’arche à ses propres fins, Éli et sa belle-fille montrent dans leur mort leur réel attachement à l’Éternel.
Ce contraste se retrouve aujourd’hui : combien de personnes bafouent le Seigneur, prétendant « l’emmener » avec eux, se réclamant de lui et se glorifiant de sa présence, tout en méconnaissant ou en méprisant sa personne. Ne nous glorifions donc pas de nos privilèges, en oubliant la responsabilité qui en découle ; et ne soyons pas satisfaits d’une position ecclésiastique qui ne correspondrait pas à notre condition morale. En particulier, n’ayons pas de prétentions déplacées sur la vertu de la présence du Seigneur, sans en réaliser la solennité ; mais attachons toujours nos cœurs à lui.