David est maintenant définitivement proscrit. Il fuit, déjà accompagné d’une troupe dont il est le chef. Il se dirige instinctivement vers le sacrificateur, gardien du sanctuaire, sans doute pour consulter l’Éternel (22. 10, 15).
Akhimélec, le sacrificateur, est le fils d’Akhitub (22. 11), donc le petit-fils de Phinées et l’arrière-petit-fils d’Éli (14. 3). Il officiait à Nob, où se trouvait le tabernacle. Alors qu’au début du livre, le tabernacle et l’arche étaient ensemble à Silo, maintenant cette dernière est à Kiriath-Jéarim (7. 1).
Tout au long du récit, David use de subterfuges. Déjà, il avait incité Jonathan à mentir à son père. Maintenant, il s’enfonce dans la tromperie pour chercher à sauver sa vie. Son mensonge est d’autant plus grave qu’il s’adresse au représentant de Dieu. En doutant des dispositions favorables du sacrificateur à son égard, il se défie en fait de Dieu lui-même. Sa foi est bien vacillante. Ne nous arrive-t-il pas aussi de douter de Dieu et d’inventer mille subterfuges pour nous tirer d’embarras ? Or Dieu hait le mensongeProverbes 6. 17, 19 et nous exhorte à nous en dépouillerÉphésiens 4. 25.
Dans les évangiles, le Seigneur se réfère à ce récit dans un sens positifMatthieu 12. 1-8 ; Marc 2. 23-28 ; Luc 6. 1-5. Sans cautionner aucunement l’acte répréhensible de David, il donne un enseignement qui va bien au-delà de cette circonstance. Puisque, même sous la loi, David avait pu bénéficier d’une exception en mangeant des pains de proposition auxquels il n’avait pas droit1, à combien plus forte raison Jésus, le Fils de David, avait-il le droit d’exercer la miséricorde en un jour de sabbat ! En faisant passer la charité avant la loi, Akhimélec est ainsi approuvé du Seigneur. Le Fils de l’homme est plus grand que le temple et les ordonnances devenues caduques. La loi a été réhabilitée par le second homme. Elle n’a pas besoin d’un autre honneur. Incapable de justifier le pécheur, elle est désormais mise de côté pour être remplacée par la grâce souveraine de Dieu. Gardons-nous donc de tout état d’esprit légaliste, qui est une entrave à l’exercice de la miséricordeJacques 2. 13.
Après avoir été nourri, David sent le besoin d’être armé. Une arme unique, incomparable, avait une place d’honneur dans le sanctuaire : l’épée de Goliath. David s’en empare. Pour le croyant, la parole de Dieu est à la fois sa nourriture et son armeÉphésiens 6. 17. Cette épée rappelait la victoire sur l’homme fort mis à mort par sa propre arme. Le Seigneur a vaincu par la mort le diable dont l’arme était la mort. Un frère a écrit à ce sujet : « Il n’y a pas d’arme comme la mort… lorsqu’elle est dans les mains de la puissance de vie ». La présence d’un Christ vivant devant Dieu dans les lieux saints est le témoignage de sa mort sanglante, accomplie et achevéeHébreux 9. 12. Désormais, le croyant peut entrer dans le sanctuaire céleste sans crainte, car il y trouve ce témoignage de la victoire sur la mort dont il a été délivréHébreux 2. 14, 15. Les ennemis de Christ, eux, auront raison d’être effrayés, car il est terrible de tomber entre les mains du Dieu vivantHébreux 10. 31.
Comment expliquer que David, nourri et armé dans le sanctuaire, soit si vite terrorisé au point de chercher refuge, dans un geste désespéré, chez les Philistins ? Au mensonge, il ajoute maintenant la trahison. Il compte sur les ennemis du peuple de Dieu, dont il accepte d’être le débiteur, plus que sur l’Éternel son Dieu. S’il a eu peur de son ennemi intérieur, Saül, il a maintenant “très peur” de cet ennemi extérieur, Akish. Voilà le tableau de ce que, par nature, nous sommes capables de faire et de ressentir. David pensait-il ne pas être reconnu, ou, au contraire, être reconnu et accueilli avec faveur ? En fait, non seulement il est reconnu – peut-être par l’épée qu’il a dans la main – mais son passé glorieux est rappelé et se retourne contre lui. Quelle erreur humiliante !
Abraham aussi, à deux reprises, s’en était allé à tort en Égypte et cela à son détriment. Le disciple Pierre, lui, se chauffait avec les huissiers dans le sanhédrin. Il ne pensait pas qu’il serait reconnu et qu’une grande humiliation l’attendrait là. Prenons donc garde !
David a agi sans consulter l’Éternel qui, pour l’instant, l’abandonne à lui-même. Contraint à une stratégie honteuse, il abdique toute dignité et simule la folie. Quelle déchéance ! Mais, dans sa miséricorde, Dieu ne le laisse pas au fond de l’abîme. Il incline le cœur du roi AkishProverbes 21. 1 qui chasse David de la Philistie. Puis, comme le montrent les psaumes 56 et 34, écrits à cette période, la grâce divine le fait passer par tous les stades du relèvement : la honte de son péché, la constatation de sa faiblesse, l’abandon de toute confiance en la chair, une plus grande humilité, une plus grande dépendance de Dieu, une louange à la gloire de sa miséricorde, un élan d’amour pour ses frères. La leçon a été dure, mais elle a été bien apprise.