La mort de Samuel marque le début de la dernière période de la triste vie de Saül. L’homme choisi par Dieu pour oindre le roi selon la chair (Saül) puis le roi selon la grâce (David), disparaît. Le peuple est unanime pour se lamenter. C’est bien souvent après leur mort qu’on se rend compte du privilège qu’on avait connu de vivre avec de tels hommes de Dieu.
Un grand prophète se tait et avec lui un intercesseur que Jérémie mettra au même rang que MoïseJérémie 15. 1. Voilà le peuple livré à lui-même, comme un navire sans boussole ni gouvernail. On est certes toujours disposé à construire de beaux sépulcres ou à ériger des mémoriaux, mais se souviendra-t-on des avertissements qui ont été prodigués ?
David est maintenant à Paran, un grand désert situé au sud du pays, près de la mer Rouge. Là, il va connaître des circonstances d’où Saül est absent, mais qui seront pour lui une expérience profitable.
Pour introduire la scène qui va suivre, l’Esprit commence par en décrire les acteurs. Nabal présente une triste personnalité (versets 3, 10, 11). Il a un trait commun avec son ancêtre Caleb : l’énergie. Mais Caleb avait mis cette faculté au service de sa foi ; il avait livré ses “membres à Dieu comme instrument de justice”, alors que Nabal les livrait “au péché comme instrument d’iniquité” Romains 6. 13. Cet exemple montre que la foi n’est pas héréditaire.
Si Nabal signifie « fou, impie », Abigaïl signifie “joie de son père”. Elle était belle et intelligente, en complet contraste avec son mari. Dieu se servira de sa sagesse pour se glorifier en elle.
Ce couple habitait à Maon dont la signification, « lieu de séjour », suggère la confiance dans les richesses de la terre. Les affaires, pour l’heure, le retenaient à Carmel1, nom qui signifie « jardin fertile ».
Nabal présente des traits communs avec l’homme riche de la parabole du SeigneurLuc 12. 16-21. Disposant tous deux de grands biens dans lesquels ils se confient, ils sont occupés à faire bonne chère. Mais ils sont l’un et l’autre insensés et seront retirés sans délai de ce monde.
Ce récit fait apparaître un double contraste : d’une part entre Nabal et sa femme, d’autre part entre Nabal et David. Abigaïl est une belle image de l’église au commencement de son histoire et Nabal un type de l’apostasie chrétienne qui s’empare de l’héritage de la foi tout en rejetant l’héritier, le Fils de David, Jésus Christ.
L’occupation de Nabal était de tondre ses moutons. David, lui, était berger. Or il est remarquable que, dans les Écritures, la tonte des moutons soit toujours en relation avec un grave péché moral2. Cet acte suggère symboliquement un mauvais usage du troupeau, qu’un berger infidèle détourne à son profit. Une bénédiction ne peut être donnée que s’il y a eu sacrifice. Beaucoup de personnes recherchent le secours des bénédictions divines sans réaliser qu’elles ne peuvent être accordées que comme résultat de la mort de Christ.
David a le sentiment d’avoir droit à une part de l’abondance de Nabal. Il saisit l’occasion des festivités liées à la tonte pour lui envoyer des messagers de paix. En effet, ses hommes armés avaient spontanément surveillé les troupeaux de Nabal (versets 15, 21). Aux dires du jeune homme de Nabal, ce travail n’était pas de tout repos, comme Jacob l’avait fait autrefois remarquer à LabanGenèse 31. 40. De telles habitudes de solidarité étaient courantes en OrientExode 2. 17. Aussi, l’humble requête de David était-elle naturelle. Il ne demandait à Nabal que de partager son superflu (verset 8), ne désirant de lui qu’un don librement consenti.
Quelle belle occasion pour Nabal de lui manifester sa reconnaissance ! Et même quel privilège d’aider pendant son rejet celui qui régnera sur tout Israël ! Ainsi, s’il avait été “libéral, prompt à donner”, il se serait amassé “comme trésor un bon fondement pour l’avenir” 1 Timothée 6. 18, 19. Hélas, son attitude est tout autre. Égoïste et méprisant, il ne reconnaît à David aucun droit. Au contraire, il prend le parti de Saül en l’accusant de n’être qu’un serviteur en fuite, infidèle à son roi. Pourtant Nabal ne pouvait ignorer les mérites de David, si souvent victorieux, ni le motif de sa fuite. Il ne se rend pas compte de la perte qu’il fait, ni du jugement qui l’attend.
L’application est claire et solennelle : les hommes du monde (symbolisés par Nabal) se confient dans leurs richesses comme si leur vie était dans leurs biensLuc 12. 15. Ils ne savent pas qu’ils ont un protecteur invisible et providentiel, “donnant du ciel des saisons fertiles, remplissant leurs cœurs de nourriture et de joie” Actes 14. 17. En rejetant l’évangile (représenté par les dix messagers), ils rejettent Christ, la seule source des biens meilleurs et permanentsHébreux 10. 34.
David n’aurait-il pas eu ici une nouvelle occasion de montrer sa magnanimité ? Même si sa réaction est humainement compréhensible, elle montre un changement complet d’état d’esprit chez lui. Se peut-il que le doux psalmiste d’Israël, jusque-là patient, débonnaire et respectueux de son ennemi, soit maintenant dominé par une colère passionnée et meurtrière ? Si Nabal était orgueilleux et insolent, il n’était toutefois pas agressif ; il était bien moins dangereux que Saül et il semblait d’autant plus facile de l’épargner.
Il est significatif que cette réaction charnelle de David suive immédiatement la mort de Samuel. Maintenant que l’homme de Dieu n’est plus là, on oublie ses avertissements et la crainte de l’Éternel s’affaiblit.
David cesse d’être le type du Seigneur abaissé et rejeté. L’heure de la vengeance n’a pas encore sonné. Aussi, David et ses hommes ont-ils eu grand tort de ceindre leur épée (verset 13). Dans un jour futur, Christ ceindra son épée contre ses ennemisPsaume 45. 4, mais aujourd’hui il use encore de grâce.
Ainsi, les leçons du passé qui paraissent les mieux apprises (chapitre 24) peuvent être vite oubliées. La chair du croyant n’est pas meilleure que celle de tout homme. Nous sommes bien souvent enclins à défendre jalousement nos droits au lieu de montrer patience et renoncement. Or “la colère de l’homme n’accomplit pas la justice de Dieu” Jacques 1. 20.