Saül est maintenant pleinement établi dans son rôle de roi. Il commence par prendre des dispositions concernant son armée : il estime avoir trop de soldats et en sélectionne trois mille. Voilà une initiative peut-être sage et prudente, mais prise sans que l’Éternel soit consulté. Il “se” choisit trois mille hommes :
Jonathan, lui, passe à l’offensive et viole ainsi une sorte de trêve qui durait depuis la victoire d’Ében-Ézer (7. 13). Cette œuvre de foi qui eut lieu à Guéba1 secoue le joug de l’adversaire.
Saül s’attribue le geste de son fils (verset 3) et rassemble à Guilgal le peuple qu’il venait de renvoyer dans ses foyers (10. 8). Les Philistins se préparent ; mais dans ce moment difficile, nous ne voyons pas Saül en prière. Il est d’ailleurs étonnant qu’il appelle son peuple “les Hébreux” (verset 4), nom dont se servaient les étrangers pour parler des Israélites (4. 6 ; 13. 19 ; 14. 11) ; il montre par là qu’il ne tient pas compte des relations exclusives qui existaient entre l’Éternel et son peuple.
Tous rassemblés autour de ce centre défaillant qu’est Saül, ils sont tout désemparés. Après avoir douté de Dieu, ils doutent de leur roi, qui montre lui-même bien peu de foi en Dieu. Ils tremblent, se cachent, se dispersent et même fuient à l’étranger. Dieu ne peut se servir d’une telle armée. “Quiconque est peureux ou tremble, qu’il s’en retourne”, avait crié Gédéon au peuple dans une circonstance antérieureJuges 7. 3. Lorsqu’on s’appuie sur les seules forces de notre vieille nature, on est bien vite défaillant et sans force. L’homme de foi, au contraire, dit : “Quand une armée camperait contre moi, mon cœur ne craindrait pas” Psaume 27. 3.
L’impatience est un trait important de la nature humaine. La consigne de Samuel était claire : “Tu attendras sept jours jusqu’à ce que je vienne” (10. 8). Or, “C’est une chose bonne qu’on attende, et dans le silence, le salut de l’Éternel” Lamentations de Jérémie 3. 26 : Dieu permet des cas extrêmes, où tout espoir de secours humain est perdu. Il veut par là que la foi s’éveille et se fortifie : elle compte sur l’invisible et s’appuie sur la Parole seule.
Saül patiente au début. Il attend jusqu’au septième jour, mais ne persévère pas jusqu’au bout. La nature déchue peut avoir une apparence de piété et imiter la foi jusqu’à un certain point, mais elle recule devant les conséquences de son inactivitéExode 14. 13.
Le roi brûle l’offrande qui parle de l’obéissance de Christ jusqu’à la mort. Mais, hélas, ce n’était de sa part qu’une forme vaine de piété. Ainsi, on s’attache au geste rituel plutôt qu’à la volonté de Dieu. Soyons en garde contre une religion de pure forme !
Pour Dieu, la démonstration est suffisante. Il n’y a pas lieu de continuer “avec l’homme” Ésaïe 2. 22 ; Daniel 5. 26. “Qu’as-tu fait ?” demande Samuel. Quelle solennelle question, déjà posée par Dieu à Ève, puis à Caïn ! Saül ne manifeste ni confession ni contrition. Il se justifie par trois arguments en accusant les autres : la dispersion du peuple, le retard apparent de Samuel, la frayeur des ennemis.
La sentence est prononcée là, à Guilgal, au lieu même où il avait reçu la couronne. Samuel annonce à Saül qu’il y aurait un changement de lignée dynastique, ce dont Saül se souviendra (24. 21). Dieu, dans sa miséricorde, lui laisse un délai : le moindre sentiment de repentance ne lui aurait pas échappé1 Rois 21. 29. Mais Saül n’en montrera pointEcclésiaste 8. 11.
Lors de la désobéissance d’Adam, Dieu avait en vue un autre Adam, le second homme (la semence de la femme qui vaincrait l’ennemi) Genèse 3. 15. De même ici, Dieu garde en réserve un homme selon son cœur. Ces deux cas nous parlent de la même personne : l’homme Christ Jésus qui, mieux que le roi David, pourra dire : “C’est mes délices, ô mon Dieu, de faire ce qui est ton bon plaisir” Psaume 40. 9.
Samuel quitte Guilgal, le lieu où la chair aurait dû être jugée et où, au contraire, elle venait de se manifester. Il part pour Guibha, là où il restait un peu de foi, dans les mille hommes groupés autour de Jonathan (verset 2).
Saül ne tient pas grand compte des remontrances de Samuel et dénombre ses troupes. Mais les Israélites, qui auraient dû dépendre de leur Dieu, dépendent en fait de l’ennemi pour leurs armes et leurs outils de travail quotidien. Ainsi, le but de l’ennemi est toujours d’affaiblir et d’appauvrir le peuple de Dieu2 Rois 24. 14, 16.
Il y a pour nous un enseignement spirituel très utile. La parole de Dieu est notre arme offensive par excellenceÉphésiens 6. 17. Si c’est le monde qui nous la présente – c’est-à-dire pour essayer de justifier ses propres principes – le tranchant de la Parole est émoussé. Non ! Que Dieu suscite des “forgerons”, c’est-à-dire des hommes fidèles, capables d’instruire les autres, exposant justement la vérité2 Timothée 2. 2, 15.
Saül a été mis à l’épreuve. Toute son attitude a démontré qu’il n’était conduit que par la chair, la nature déchue d’Adam. Ballotté par les circonstances, lent et indécis quand il faut agir vite, il se “fait violence” quand il faut attendre. Manque de jugement, hésitations, erreur, indépendance de Dieu et finalement désobéissance : voilà ce que nous montrons par nature, même si les apparences peuvent être trompeuses. Que cet exemple nous fasse perdre nos illusions sur la capacité de la chair à faire le bien, en particulier dans le domaine spirituel.