Quelle différence entre Saül et son fils, tant sur le plan spirituel que sur le plan du caractère ! Jonathan n’est ni jaloux, ni orgueilleux, ni ambitieux. Il attribue à Dieu ses victoires (13. 3 ; 14. 12). Il admire sans réserve David, pour lequel il abandonne tous ses honneurs (18. 4). Sa foi, preuve de la vie divine, le détache de son père et de la conduite charnelle de celui-ci. Une première brèche s’était déjà créée entre eux, lorsque la rigueur légaliste de Saül avait injustement condamné son fils (14. 44). Pourtant Jonathan respectait son père, lui obéissait et se gardait de toute rébellion ouverte. David aussi reconnaissait en Saül l’oint de l’Éternel et n’a jamais levé une arme contre lui.
Maintenant, la rupture définitive est consacrée entre David et Saül et l’heure de vérité sonne pour Jonathan : qui choisira-t-il ? son père ou son ami ? Hélas, son cœur le détachait bien de son père, mais sa conduite n’a pas confirmé ses pensées. En vérité, il montrera un engagement sans équivoque à l’égard de David. Au fur et à mesure que croît la malignité de Saül, son courage grandit et son dévouement augmente. Mais il ne remportera pas la dernière victoire qui l’aurait identifié à David dans son opprobre. N’ayant donc pas suivi David jusqu’au bout, il tombera avec son père Saül.
David quitte Samuel pour aller trouver Jonathan. Pour lui, ce sont les deux seuls cœurs dans lesquels il peut trouver compréhension, sympathie et réconfort. David est l’image imparfaite de notre Seigneur, rejeté de tous, qui put dire, plus que tout autre : “Il n’y a eu personne… et des consolateurs, je n’en ai pas trouvé” Psaume 69. 21.
David s’étonne de la vindicte de Saül et demande quelle faute il a bien pu commettre pour mériter une telle inimitié (verset 1). Or, à plusieurs reprises, Jonathan proclame devant son père l’innocence de son ami (19. 4 ; 20. 33). Certes, David n’était pas infaillible : plus tard, repris dans son cœur, il confessera son péché lors du dénombrement : “J’ai grandement péché… mais ces brebis, qu’ont-elles fait ?” 2 Samuel 24. 10, 17 Qui peut en effet imiter complètement le modèle parfait, l’homme Christ Jésus, de qui seul il a été dit : “Celui-ci n’a rien fait qui ne se dût faire” Luc 23. 41.
Jonathan semble se raccrocher à une lueur d’espoir (verset 2) et il évoque le temps où l’Éternel était avec Saül (verset 13). Mais Dieu s’était retiré de lui (16. 14). Jonathan manque ici de clairvoyance, car il est encore trop lié à son père qui ne lui cache rien. Souvenons-nous qu’un chrétien qui reste uni au monde manque toujours de la sagesse d’en haut.
Angoissé par toute cette scène, David n’est pas convaincu (verset 3), et prononce avec serment des paroles pathétiques. La mort lui apparaît toute proche et il soupçonne Saül de comploter sa mort en secret. Quant au Seigneur, dès le début de son ministère, les Pharisiens et les Hérodiens “tinrent conseil contre lui pour le faire périr” Marc 3. 6.
La très belle réponse de Jonathan (verset 4), prouve son dévouement et son engagement inconditionnels. Fort de ce témoignage, David lui demande d’éprouver Saül lors du repas officiel de la nouvelle lune. Ce jour-là, des sacrifices étaient offertsNombres 10. 10 ; 28. 11-15. Cette fête, célébrée au commencement d’une nouvelle période, symbolisait une phase de bénédictions spéciales pour Israël. Ici, plus que jamais, c’est une fête de circonstance : la gloire de Saül va laisser place à celle du roi selon le cœur de Dieu.
L’angoisse de David lui est mauvaise conseillère :
Jonathan cherche à le rassurer (verset 9) et l’entraîne, par prudence, dans les champs (verset 11).
Jonathan amène donc David dans la solitude, loin des oreilles et des bruits de la ville. Là, il s’engage solennellement et avec serment devant l’Éternel à ne rien cacher à David. Puis, à son tour, il formule une requête : “Tu useras de bonté envers moi”. Il sait que Dieu ôtera son père du trône royal pour y mettre David. Mais il veut prévenir l’élimination, par le nouveau souverain, de la famille de son prédécesseur, une pratique courante parmi les nations. Enfin, il a, semble-t-il, le terrible pressentiment que la fin de son père entraînera sa propre fin (verset 14).
Une deuxième alliance est alors conclue. Plus étendue que la première (18. 3), elle ne comprend pas seulement Jonathan et David, mais aussi leurs familles (versets 15, 16, 42).
Considérons la foi de Jonathan. Au moment où David se voit dans la mort, il discerne, par delà la situation tragiquement précaire de l’oint de l’Éternel, un David glorifié, dont tous les ennemis sont retranchés. Lui, Jonathan, le fils du roi, possédait tous les droits. Il les abandonne et se fait serviteur de celui qui n’avait rien et demande, par avance, grâce et protection à ce fugitif.
David n’oubliera jamais ce serment. Même lorsque Ish-Bosheth (le fils de Saül qui tentera de s’emparer du trône d’Israël) sera assassiné, il redemandera son sang de la main de ses meurtriers2 Samuel 4. 5-12. Et de quelle bonté usera-t-il envers Mephibosheth, le fils de Jonathan2 Samuel 9 !
Jonathan et David doivent redoubler de prudence. Ils décident donc de masquer derrière une banale séance de tir à l’arc2 Samuel 1. 22 le signe de la réaction de Saül.