L’état spirituel et moral d’Israël était déplorable à l’époque : tant les dirigeants que les hommes du peuple faisaient ce qui était bon à leurs yeuxJuges 21. 25, plutôt que de s’attendre à Dieu qui régnait alors directement sur Israël (8. 7).
L’état actuel de l’Église présente aujourd’hui quelque analogie avec la situation que connaissait Israël : chacun pense être capable de décider de tous les sujets au lieu de se référer à la seule parole de Dieu. Malgré tout, le temps de la grâce dure encore et le Saint Esprit travaille sur la terre. De la même manière, au temps de Samuel, Dieu n’avait pas encore abandonné ses relations avec son peuple. On n’en était pas encore au moment où “il n’y eut plus de remède” 2 Chroniques 36. 16.
Vivant parmi la tribu d’Éphraïm, Elkana était lévite, de la famille des Kéhathites1 Chroniques 6. 18, 19. Un de ses ancêtres était Coré, qui s’était rebellé contre Moïse et Aaron et qui avait été englouti vivant dans le shéol avec sa famille directe et tout son bienNombres 16. 32. Mais par une grâce divine souveraine, dont Elkana avait peut-être conscience, “les fils de Coré ne moururent pas” Nombres 26. 11.
Si Elkana montait chaque année à Silo1 où était l’arche de l’allianceJosué 18. 1 (4. 3), ce n’était pas une simple pratique religieuse formelle, mais un acte d’obéissance aux instructions de la loi de MoïseExode 34. 23 ; Deutéronome 16. 16 ; Luc 2. 41.
Malheureusement, la famille d’Elkana était divisée. Une de ses deux épouses, Peninna, avait des enfants, mais, loin d’être reconnaissante de les avoir reçusPsaume 127. 3, elle se montrait ingrate envers Dieu et orgueilleuse et méchante envers Anne qui, elle, était stérile. Celle-ci pouvait entretenir un sentiment de culpabilité. N’était-elle pas châtiée par Dieu ? Sa tristesse et son amertume étaient exacerbées par l’aigreur et la moquerie de Peninna, qualifiée ici d’ennemie.
En figure, Anne représente un croyant contraint de reconnaître qu’il ne peut produire aucun fruit par lui-même. Le chrétien est aussi victime de la jalousie, du mépris et de la haine de l’incroyant (représenté par Peninna).
Elkana ne peut consoler Anne, même avec une double portion du sacrifice de prospérités qu’il venait d’offrirLévitique 7. 15. Ses paroles (verset 8) sont sans effet et manifestent plutôt un manque de compréhension de la douleur de sa femmeGenèse 30. 1. Maris, ne nous arrive-t-il pas aussi de montrer bien peu de cœur et d’intelligence devant les peines de nos épouses ? Au lieu de nous croire égoïstement suffisants pour tous leurs besoins, comme Elkana ici, essayons de comprendre nos femmes et apportons ensemble au Seigneur leurs difficultés : notre couple en sortira fortifié.
Anne est triste, car elle est frustrée dans ses aspirations maternelles et elle se sent inutile. Elle n’a pas le cœur de manger et de se réjouir. Dans un sens, elle a raison de ne pas manger du sacrifice, car, selon l’ordre divin, celui-ci ne devait pas s’accompagner de larmes mais de joie : “Tu te réjouiras devant l’Éternel ton Dieu… tu ne seras que joyeux” Deutéronome 16. 11, 14, 15. Le seul sacrifice qu’elle apportera à Silo sera les larmes d’un cœur brisé et humiliéPsaume 51. 19.
On peut penser (verset 7) que l’épreuve d’Anne durait depuis plusieurs années. Mais une autre épreuve l’attend : l’incompréhension de la part du sacrificateur, la plus haute autorité religieuse.
Anne se présente donc devant Dieu. Si elle porte seule sa peine, incomprise de tous, le “Dieu de toute consolation” 2 Corinthiens 1. 3, lui, va entendre sa plainte. “Elle répand son âme devant lui”, comme le fera David dans les PsaumesPsaume 62. 9 ; 142. 3.
Quel encouragement pour ceux qui passent par la souffrance physique ou morale ! Quand notre cœur est oppressé par une douleur amère, ne cultivons pas cette amertume, mais exposons-la devant Dieu. Il ne tient jamais rigueur des paroles de l’affligéJob 42. 7.
Anne ne se limite pas à ses besoins personnels ; sa piété la pousse à désirer un enfant mâle qui puisse être utile à Dieu et à son peuple. Elle prend solennellement l’engagement de rendre à l’Éternel celui qu’il lui donnera. Il lui sera entièrement consacré par un vœu de nazaréat perpétuel.
Quel contraste entre Anne et Éli ! Lui, le représentant de l’autorité spirituelle et morale, manque de discernement, et sur le moment, n’apporte aucune sympathie à Anne. Comment va-t-elle réagir ? Qu’aurions-nous dit à sa place ? Il lui aurait été aisé d’évoquer l’inconduite des fils d’Éli, appelés “fils de Bélial” (2. 12). Un homme incapable de “conduire sa maison” 1 Timothée 3. 5 était-il qualifié pour juger cette femme ? Mais Anne répond avec calme, douceur et respect. Elle-même n’était pas une fille de Bélial (verset 16). Sans aucune aigreur, elle déclare simplement ce qu’elle a sur le cœur. Éli est rapidement convaincu de son erreur, autant par le ton que par le contenu de la réponse d’Anne. Il regrette ses paroles, et lui donne un bel encouragement. Dans son humilité, celle-ci reçoit cette parole du chef de son peuple, comme de la part de l’Éternel, avec considération et gratitude. Dès lors, son comportement va changer, reflet d’un changement intérieurPsaume 34. 6. L’anxiété a fait place à la paix de Dieu : c’est déjà un premier exaucementPhilippiens 4. 6, 7. Elle peut prendre part avec joie au souper.
Dieu accorde à Anne sa demande : elle conçoit et enfante un fils. Sa foi est enfin récompensée. Elle éprouve alors pleinement la signification de son propre nom : “grâce de Dieu”. Et le nom qu’elle donne à ce fils rappellera cette réponse divine : Samuel, “demandé à Dieu” 2.
Elkana montre alors sa crainte de Dieu (verset 23) et partage avec sa femme la responsabilité de son engagement. “Que l’Éternel accomplisse sa parole !” : il déclare que la promesse faite par l’Éternel dépasse la naissance de leur fils, pour s’étendre à la délivrance du peuple dont Samuel sera l’instrument.
Dès que possible3, Anne accomplit son vœu. Égale à elle-même, elle présente l’enfant au sacrificateur avec déférence et humilité, sans aucun ressentiment pour ce qui s’était passé entre elle et lui. Elle donne à Dieu le “fils de ses vœux” Proverbes 31. 2.
Elle ne s’est pas égoïstement attachée à lui. Elle fait passer Dieu avant tout, y compris avant son fils, comme le fit Abraham autrefoisGenèse 22. Une offrande coûteuse est apportée (verset 24), à la mesure de sa reconnaissance. En figure, ces présents nous montrent que toute consécration ne peut être basée que sur le sacrifice du Seigneur Jésus, l’homme consacré par excellence.
L’attitude du petit Samuel, à trois ans environ, est merveilleuse et mystérieuse (verset 28). Nazaréen selon la pensée de sa mère, il sera aussi juge en Israël, prophète de l’Éternel, et même sacrificateur et intercesseur pour le peuple.
Dès ce premier chapitre, nous voyons ainsi comment la grâce divine peut tout transformer : l’amertume en joie et la stérilité en fécondité.
D’ailleurs, les trois grandes figures de ce livre sont le résultat d’une demande :