Le Seigneur Jésus venait de parler à ses disciples de sa mort prochaine. Ils auraient pu être consternés, voyant ainsi toutes leurs espérances réduites à néant. Et comment alors ne pas avoir honte de lui (8. 38), puisqu’ils perdaient tout espoir ? Non, Jésus ne peut les laisser dans cet état d’esprit. Il va leur montrer un échantillon de sa gloire future et du royaume qui sera établi. C’est la raison pour laquelle il prend une fois de plus trois disciples particuliers pour qu’ils soient seuls à l’écart avec lui. Ce n’est pas la première fois que les disciples sont conduits à l’écart avec Jésus : la première fois, c’était pour leur faire goûter un peu de repos (6. 31), maintenant, c’est pour fortifier leur foi. Une scène glorieuse va être devant les yeux de ces trois disciples, et elle ne s’effacera pas de leur mémoire.
Notons les phases successives de cette scène :
Lorsque, plus tard, l’apôtre Pierre rappelle cette vision glorieuse en disant qu’il fut témoin oculaire de la majesté du Seigneur, il ne parle pas de l’éclat lumineux du visage de Jésus, ni de la présence de ces deux éminents personnages de l’A.T. Seules les paroles de Dieu le Père sont rappelées : “Il reçut de Dieu le Père honneur et gloire, lorsqu’une telle voix lui fut adressée par la gloire magnifique : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai trouvé mon plaisir. Et nous, nous entendîmes cette voix venue du ciel, étant avec lui sur la sainte montagne” 2 Pierre 1. 17, 18. Ainsi, voir le royaume de Dieu venir avec puissance, c’est premièrement reconnaître Jésus comme le Fils bien-aimé du Père, c’est le voir par la foi dans sa gloire éternelle. Cette gloire ne peut être que rehaussée par son abaissement même.
Cette scène de la transfiguration n’était qu’un aperçu de la gloire destiné à affermir ces trois disciples, Pierre, Jacques et Jean, car leur service futur le nécessitait. Il faut maintenant quitter la montagne pour trouver la misère de l’homme qui gémit sous les conséquences du péché. En redescendant, le Seigneur entretient encore ses trois disciples de sa mort, ou plutôt de sa résurrection. Leur incompréhension prouve la justesse de l’injonction de Jésus qui leur ordonne le silence jusqu’au jour de sa résurrection. Comment témoigner d’une scène de gloire si l’on demeure ignorant de l’œuvre qui la rendra possible ?
Attachés à l’espérance de la gloire d’Israël, les disciples interrogent Jésus au sujet de l’enseignement des scribes sur Élie. Il s’agit certainement de la déclaration du prophète Malachie qui dit clairement : “Voici, je vous envoie Élie, le prophète, avant que vienne le grand et terrible jour de l’Éternel. Et il fera retourner le cœur des pères vers les fils, et le cœur des fils vers leurs pères, de peur que je ne vienne et ne frappe le pays de malédiction” Malachie 3. 23, 24. Le verset 12 comporte une difficulté : la première partie de ce verset confirme l’enseignement des scribes concernant la prophétie de Malachie, mais dans la deuxième partie du verset, Jésus rappelle le message constant d’autres prophéties au sujet de ses souffrances. Le fait qu’Élie vient premièrement n’est qu’un côté de la vérité, ce qui ne doit donner de raisons à personne pour refuser le Messie. Au verset 13, il déclare qu’Élie est déjà venu, sans nul doute dans la personne de Jean-Baptiste qui a été rejetéLuc 1. 17 ; Matthieu 17. 12, 13. Ce rejet sera suivi de celui de Jésus lui-même et va entraîner la malédiction que prononce Malachie, prophète auquel se référaient les Juifs ! Ainsi, cette prophétie ne s’est accomplie que partiellement du temps du Seigneur ; elle aura encore une réalisation futureApocalypse 11. 5, 6.
Dans la plaine, une confusion totale s’offre à la vue de Jésus. L’œuvre de l’Ennemi se déploie au milieu du peuple, et les disciples ne sont pas capables d’y remédier. De grandes foules, des scribes, les disciples, et au milieu de cette confusion, un père au cœur ulcéré ayant comme seul recours les compassions de Jésus. Laissant les foules et les scribes à leurs disputes, le Seigneur veut être mis en contact direct avec la cause de cette souffrance : “Amenez-le-moi” (verset 19). Pour nous aussi, dans quelque situation que ce soit, mettons notre problème aux pieds de Jésus. Apportons-lui nos difficultés, nos souffrances et notre désarroi. Jésus nous fera sentir notre manque de foi, mais il nous fera expérimenter surtout l’abondance de ses compassions.
Ce récit démontre quelle est la puissance de l’Ennemi, mais aussi quelles sont les réticences de notre incrédulité innée. Malgré tout, le Seigneur reste le grand libérateur. Manifestant l’état d’esprit de chacun, il va aussi répondre à chacun. “Si tu peux quelque chose…” n’est-ce pas quelquefois notre pensée, même si nous n’osons pas le dire ? Alors la réponse de Jésus est aussi pour nous : “Le” si tu peux “, c’est : Crois ! toutes choses sont possibles à celui qui croit” (verset 23). Nos doutes n’annulent pas l’amour de notre Sauveur. Il nous vient en aide comme il l’a fait pour cet homme qui a conscience de son manque de foi (verset 24). Dans le cas présent, une pleine réponse est donnée à ce père éploré ; Jésus répondra de même à nos détresses selon sa sagesse et son parfait amour.
L’épisode relaté dans les versets précédents a fortement troublé les disciples. Ceux qui avaient été investis d’autorité pour chasser les démons (6. 7) sont totalement pris au dépourvu en face de cette situation. La réponse de Jésus nous enseigne à cet égard : l’exercice d’un don, pour qu’il soit bénéfique, doit être accompagné d’une totale dépendance, c’est-à-dire de la prière, et d’un vrai renoncement à soi-même, ce que signifie le jeûne. Non pas un jeûne traditionnel ou formaliste, mais un jeûne moral selon l’enseignement des versets 6 et 7 d’Ésaïe 58.
A nouveau, en traversant la Galilée pour se rapprocher de Jérusalem, Jésus annonce à ses disciples sa mort prochaine et sa résurrection. Occupés d’eux-mêmes, de leur position, et se disputant entre eux, les disciples ne peuvent comprendre les paroles de leur Maître. Hélas, ne leur ressemblons-nous pas souvent ? Nous pensons à nous-mêmes et à ce qui nous a été confié ; nous évaluons nos privilèges et nous en bénissons Dieu. Mais sommes-nous assez près du cœur de notre Sauveur pour avoir communion avec ses souffrances ?