La parabole du semeur considérée dans les pages précédentes n’est pas indiquée comme étant une parabole du royaume de Dieu. La raison en est que son application déborde de beaucoup le cadre du royaume. Étant mentionnée la première dans tous les évangiles, elle est comme une préface à l’ensemble des paraboles. Les versets que nous considérons maintenant sont l’énoncé du principe moral concernant l’annonce du royaume de Dieu.
Lorsque la parole de Dieu est prêchée, quel que soit le porteur du message, c’est une semence vivante qui est jetée sur la terre, c’est-à-dire dans les cœurs et les consciences des hommes. L’apôtre Pierre dit qu’elle est “la vivante et permanente parole de Dieu” 1 Pierre 1. 23. Elle produit son effet dans les cœurs, indépendamment du serviteur utilisé pour l’annoncer. Une semence possède son propre principe vital, le germe, souvent invisible à l’œil nu, qui se développe sous l’effet d’un environnement favorable. Rien ne sert de s’agiter, car la semence va germer et croître sans nécessiter l’effort de l’homme.
Il en est bien ainsi lorsque l’évangile est annoncé. Tout est l’œuvre de Dieu. Parfois le discours paraissant le plus convaincant ne produit rien de visible, tandis qu’un témoignage qui nous semblait bien anodin amène des résultats insoupçonnés. Ceci doit, d’une part, encourager chacun, même si l’éloquence n’est pas son don particulier et, d’autre part, nous garder dans l’humilité en nous faisant prendre conscience que seule la grâce de Dieu peut produire un fruit salutaire.
La parabole du semeur avait déjà laissé entendre que le fruit porté n’était pas toujours de la même abondance. Il n’arrive pas non plus à maturité avec la même rapidité. Mais remarquons ce que dit le verset 28 : “La terre produit spontanément du fruit” même si d’abord il n’y a que de l’herbe, puis ensuite un épi, et seulement après, le plein froment dans l’épi. Parfois notre impatience voudrait voir une totale maturité chez tous ceux qui ont confessé le Seigneur, et nous portons facilement un jugement erroné sur les hésitations et l’ignorance de la jeunesse. Qui pourrait pourtant se prévaloir d’avoir déjà atteint la maturité souhaitée ? Par l’expression : “la terre produit spontanément du fruit”, le Seigneur montre qu’il connaît le résultat final, même si rien ne le montre initialement (le fait que la semence a été mise en terre est sous-entendu). Ceci nous explique ce que nous verrons plus tard dans le cas du figuier séché (11. 13, 14). Celui-ci n’avait que des feuilles, donc aucun bourgeon floral prometteur d’une récolte future.
Le royaume de Dieu établi dans les cœurs est une chose qui résulte du travail du Saint Esprit. Mais il y a aussi un aspect extérieur du royaume de Dieu pour lequel la responsabilité de l’homme est engagée. Distinguer ces deux aspects est utile pour éviter une fausse interprétation. La parabole du grain de moutarde se rapporte à l’aspect extérieur du royaume de Dieu. Le point de départ est de faible apparence : une graine estimée comme la plus petite des semences. Ainsi a commencé l’Église sur la terre, une poignée de disciples pourchassés, dispersés et souvent mis à mort, n’ayant aucun pouvoir politique.
La moutarde est une plante bisannuelle dont la croissance peut être très rapide. Mais elle ne sera jamais un arbre, même si son développement en a l’apparence. Cette parabole met donc en évidence une anomalie : la forme extérieure contraste avec la réalité profonde. Il en a été ainsi de l’Église lorsqu’elle s’est intégrée au monde politique. Des populations entières ont été déclarées chrétiennes sans qu’elles possèdent la vie de Dieu. Pour maintenir tous ces peuples dans le giron de l’Église, on y a laissé de nombreuses coutumes païennes, autant d’impuretés qui sont représentées par les oiseaux nichant dans les branches. La parole de Dieu y est quand même prêchée et des croyants véritables s’y trouvent en grand nombre. Le Seigneur les connaît tous et les réunira bientôt dans la maison de son PèreJean 14. 2, 3.
Ce qui restera sur la terre de cette chrétienté devenue
Laissant les foules qui l’entouraient, Jésus dit à ses disciples : “Passons à l’autre rive”. Cette parole du Seigneur aurait pu convaincre les passagers du bon déroulement de la traversée. Mais la tempête est permise, même commandée, par celui qui est le créateur des éléments. C’est l’épreuve de la foi. Quels que soient les agents utilisés par Dieu, tout ce qui nous arrive est dirigé par celui qui fait tout concourir au bien de ceux qui l’aimentRomains 8. 28. Ainsi, cet épisode nous enseigne quant à la puissance de notre Sauveur tout en nous montrant la faiblesse de notre foi.
Jésus dormait, la tempête même ne le réveille pas. Il y a là une preuve palpable de la réalité de sa nature humaine, soumise à la fatigue et à la nécessité du repos apporté par le sommeil. L’instant d’après, Jésus démontrera la réalité de sa nature divine, lui le dominateur de tous les éléments de la création.
Quel tableau de la vie des rachetés du Seigneur n’avons-nous pas dans ce simple récit ! Des circonstances adverses surviennent inopinément, et nous voilà pris de panique. Notre Dieu semble ne pas s’en inquiéter, et pourtant, nous sommes près du naufrage. Nous nous débattons avec impuissance, toute ressource paraît perdue. Alors nous crions au secours : “Seigneur, sauve-moi”. Et c’est en effet là que Dieu voulait nous amener, là où nous faisons la même expérience que David lorsqu’il dit : “Tout refuge est perdu pour moi ; il n’y a personne qui s’enquière de mon âme. J’ai crié vers toi, Éternel ! j’ai dit : Tu es mon refuge, ma part dans la terre des vivants” Psaume 142. 5, 6.
Le récit se termine en nous montrant les disciples encore bien incertains quant à la personne de Jésus. Ils l’avaient suivi en répondant à son appel et avaient déclaré le recevoir comme leur Messie, mais il fallait encore que leur foi soit affermie. Elle ne pouvait l’être que par l’épreuve. Il en est de même pour chacun. Si la foi sans les œuvres est morteJacques 2. 20, la foi non éprouvée est chancelante. Notre salut dépend de la grâce de Dieu et il est saisi par la foi. Rien ne peut nous l’ôter. Mais pour vivre dans la jouissance de ce salut, un enracinement plus profond est nécessaire. Ce sont les afflictions de la vie et l’expérience de la bonté secourable de notre Dieu qui le produisent.