Le troisième récit du Seigneur complète et développe les enseignements des deux premiers. Il nous montre le cœur et l’amour du Père (le mot “père” est répété douze fois), qui accomplit une œuvre dans le pécheur pour le ramener à lui par la repentance. Nous y voyons les profondeurs de la misère morale d’où la grâce de Dieu nous a tirés, comme la hauteur des bénédictions qui nous sont données par l’évangile.
Les deux premiers récits étaient introduits par la question “quel est l’homme d’entre vous” (verset 4) ou “quelle est la femme” (verset 8). Dans le troisième, la question n’est pas posée, car personne ne pourrait approcher la mesure de la grâce divine présentée par le père qui reçoit son fils prodigue. Un homme avait deux fils :
Les étapes du travail de la grâce de Dieu sont dignes de toute notre attention.
Insensible à l’amour de son père, le fils cadet demande sa part des biens, pour vivre seul sa propre vie : l’indépendance vis-à-vis de Dieu, tel est le mouvement du cœur de l’homme naturel et la source de tout péché.
En dilapidant tous ses biens dans un pays éloigné, le fils prodigue fait l’expérience de sa propre misère et de la dureté du monde dont il a voulu goûter les joies éphémères et trompeuses. Déjà éloigné du cœur de son père en quittant la maison, il manifeste son état moral par sa conduite. Après avoir épuisé tous les avantages de la jeunesse, de la santé, des facultés naturelles, même des richesses, l’homme découvre le néant et comprend, bien tard, et souvent trop tard, que la famine est dans le monde et que le système dans lequel il vit est implacable.
S’associer avec un citoyen de ce pays éloigné (image du diable qui règne sur ce monde) ne fait que manifester que là-bas tout se vend très cher ; c’est ainsi qu’il en vient à désirer partager la nourriture de pourceaux, bêtes impuresLévitique 11. 7 ; 2 Pierre 2. 22. Aux yeux de leur maître, les pourceaux avaient plus de valeur que celui qui les paissait sans en recevoir même de salaire. Quand les ressources humaines et terrestres sont épuisées, au dernier degré de la déchéance morale, la puissance de la grâce divine se manifeste alors pour tirer l’homme de son état. Car le père n’avait jamais cessé d’aimer son pauvre enfant, comme Dieu a aujourd’hui encore compassion de ceux qui sont embourbés dans la fange du péché.
Il n’est pas nécessaire que tous les hommes tombent aussi bas que le fils prodigue pour avoir conscience de leur état. Tout homme doit se reconnaître perdu, dans une douloureuse conviction de péché et d’éloignement de Dieu ; alors s’opère la conversion, c’est-à-dire le demi-tour sur le chemin de la vie. Au lieu de s’éloigner toujours plus de la maison du père, le fils prodigue, revenu à lui-même, décide alors de retourner vers son père : voilà le travail de Dieu dans le cœur.
Sous l’effet de la prédication de Paul, les Thessaloniciens, tirés des nations idolâtres, s’étaient tournés des idoles vers Dieu pour le servir1 Thessaloniciens 1. 9. Cette conversion s’accompagne du travail de la repentance : une tristesse selon Dieu qui conduit au salut. Comme pouvait dire Jérémie autrefois : “après que j’ai été converti (ou après mon retour), je me suis repenti ; et après que je me suis connu… j’ai été honteux, et j’ai aussi été confus” Jérémie 31. 19. C’est le seul chemin de l’homme pécheur vers Dieu : le réveil de l’âme à son état et à sa culpabilité, la conversion (le retour vers Dieu) et la repentance pour la vieActes 11. 18. Le cœur travaillé porte, dans une certaine mesure, le même jugement que Dieu sur son propre état.
Les fruits de la grâce divine sont produits dans le fils prodigue ; trois phases marquent la confession qu’il se propose de faire à son père lors de son retour à la maison :
C’est une confession totale, exprimée par une âme droite, qui se tient pour la première fois dans la lumière de la présence divine : merveilleux travail de la grâce, montré ici en figure par la parabole, et qui s’opérera réellement quelques jours plus tard dans le cœur du brigand repentant crucifié à côté du Sauveur (23. 40, 41).
Le fils repentant est conduit par sa misère vers son père, à qui il va présenter sa confession, car “du cœur on croit à justice, et de la bouche on fait confession à salut” Romains 10. 10. Il est devancé par son père qui court à lui, se jette à son cou et le couvre de baisers1, malgré son indignité et ses haillons. Cette scène n’a pas de témoins, car la rencontre d’une âme avec Dieu demeure toujours un secret. En présence de son père, le fils prodigue commence la confession qu’il avait préparée quand il était encore dans le pays éloigné : la conviction de péché et le sentiment de l’indignité ont bien leur place devant Dieu pour lui rendre gloire. La promptitude de son père à l’accueillir ne lui laisse toutefois pas le temps de lui demander d’être traité comme un mercenaire, comme il avait décidé de le faire ; en fait, le fils ne connaissait pas encore la grâce de son père. Sa conduite passée le rendait digne de mortDeutéronome 21. 18-21 et de toute façon il n’aurait pas été un bon serviteur dans la maison de son père ; c’est comme fils et non comme esclave qu’il devait être reçu, par pure grâce.
Toute l’activité est dès lors celle du père : rendre son fils digne de pénétrer dans sa maison pour y goûter les bénédictions.
La joie du ciel, déjà présentée dans les récits de la brebis et de la drachme trouvées, est maintenant partagée avec tous ceux qui sont dans la maison du père. Le motif de la joie n’est pas perdu de vue : le fils mort était revenu à la vie ; le fils perdu était retrouvé (verset 24). Par nature nous aussi étions mortsÉphésiens 2. 1 et égarésTite 3. 3 ; mais maintenant, par grâce, nous connaissons la maison du Père, le cœur du Père et la joie du Père.
Quelqu’un était resté étranger à la scène où brillait l’amour du père : le fils aîné, figure des pharisiens, des scribes et de tous les propres justes de tous les temps. Les privilèges extérieurs du peuple juif étaient réels : “Mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi” (verset 31). Pour autant, ces privilèges ne leur assuraient pas le salut de l’âme, et ils devaient se reconnaître pécheurs comme tous les hommes, à l’image du fils prodigue. En fait, en rejetant la parole de Dieu, ils se jugeaient eux-mêmes indignes de la vie éternelleActes 13. 46. Plus que cela, étrangers à la grâce de Dieu, ils empêchaient les autres d’entrer (11. 52), en défendant plus tard aux apôtres de parler aux JuifsActes 4. 1, comme aux nations1 Thessaloniciens 2. 16.
La patience de la grâce divine se montre lorsque le père sort de la maison pour prier le fils aîné d’entrer. La réponse de celui-ci n’est qu’égoïsme, dureté de cœur et propre justice.
Toutefois, la grâce de Dieu demeure souveraine ; il ouvre sa maison à tous, et personne ne peut l’empêcher de manifester son amour à des pécheurs. Ceux qui l’auront refusé resteront à jamais dehors, ainsi que l’évangile l’a déjà montré (13. 25-27 ; 14. 24). Dieu est juge de tous, mais il trouve sa propre joie à faire grâce à qui il veut : voilà l’enseignement essentiel de la parabole.
L’expression très forte du père qui “couvre son fils de baisers” est employée seulement quatre fois dans le N.T. :