A la suite de son message adressé à tout le peuple au verset 2 : “celui qui sortira vers les Chaldéens vivra, et aura sa vie pour butin”, Jérémie est accusé de haute trahison. Comme les objecteurs de conscience en temps de guerre, il est accusé par les princes de rendre lâches les mains des soldats et les mains de tout le peuple (verset 4). Ses quatre accusateurs affirment que “cet homme ne cherche point la prospérité de ce peuple, mais le mal” et qu’il faut le faire mourir (26. 11) Lamentations de Jérémie 3. 53. Ce qui rend cette scène solennelle, c’est qu’en condamnant Jérémie pour ses paroles, on condamnait Dieu qui les lui avait dites.
Sédécias est caractérisé par la crainte des hommes (versets 5, 19, 25) Proverbes 29. 25 ; Jean 9. 22 ; 12. 43 ; mais il n’a pas la crainte de Dieu ! Comme Pilate, il voudrait dégager sa responsabilité : “Voici, il est entre vos mains ; car le roi ne peut rien contre vous” (verset 5). Pilate n’aurait pas voulu que Christ meure, mais il voulait avant tout ne souffrir aucun dommageJean 19. 12. C’est pourquoi il le livra à la volonté des JuifsLuc 23. 25, comme ici Jérémie qui est en cela un type de Christ.
Ces hommes le descendent avec des cordes dans la fosse de Malkija, où “il n’y avait point d’eau… mais de la boue. Et Jérémie enfonça dans la boue” (verset 6) Lamentations de Jérémie 3. 64 ; Psaume 69. 2, 14. Ils le condamnent à une mort lente et cruelle dans ce cachot.
Cependant le serviteur de Dieu n’était pas dans les mains des princes, mais dans celles de son Maître. Dieu choisit pour sa délivrance un homme auquel nul ne pensait, un étranger. C’est l’eunuque Ebed-Mélec, dont le nom signifie “serviteur (ou esclave) du roi”. Mais il se révèle serviteur du Roi des rois ! Le roi de Juda est “assis”, insensible à ce qui vient de se passer, tout comme les frères de Joseph en Genèse 37. 25. Ebed-Mélec, l’Éthiopien, est sensible au traitement honteux dont Jérémie est l’objet. Le courage de ce serviteur contraste fortement avec la faiblesse du roi à qui il déclare : “ces hommes ont mal fait… il mourra là où il est”. Pour faire cette démarche, il a dû vaincre sa peur (39. 17). Mais il doit aussi vaincre son égoïsme naturel. Sommes-nous prêts à agir comme lui ?
Le roi accorde à Ebed-Mélec la grâce demandée. Dieu lui ouvre le cœurProverbes 21. 1. Cette fois, il commande à Ebed-Mélec de faire sortir Jérémie hors de la fosse avec l’aide de trente hommes (verset 10).
Ebed-Mélec s’emploie à retirer Jérémie de la fosse avec des précautions dictées par l’amour : il utilise des cordes bien différentes de celles qui avaient servi au verset 6 ! Ce sont des “cordes d’homme” et des “liens d’amour” Osée 11. 4. Dès lors, le prophète habite à nouveau dans la cour de la prison. Il y sera encore quand Jérusalem sera prise (verset 28) et cette prison sera le moyen employé par Dieu pour sa sauvegarde. Aussitôt après, Ebed-Mélec s’efface. Mais au jour où même un verre d’eau froide donné au nom du Seigneur ne perdra pas sa récompenseMatthieu 10. 42, il recevra la sienne pour ces vieux lambeaux d’étoffe et ces haillons dont il s’est servi pour diminuer la souffrance de cet homme de Dieu. Il a été celui qui “comprend le pauvre” et sera, à son tour, délivré “au mauvais jour” Psaume 41. 2.
Ces vieux lambeaux sont des moyens misérables1 pour le monde, si fier de sa technicité. Mais Dieu aime à se servir de ces choses, pour qu’il soit clair que tout est de lui. Ces vieilleries n’ont pas de valeur en elles-mêmes, mais elles ont, dans cette circonstance, la riche valeur de l’amour.
Une fois encore, le roi fait venir le prophète auprès de lui et implore ses conseils : “Ne me cache rien” (verset 14). Mais Jérémie est anxieux, après la cruelle expérience qu’il vient de faire de la faiblesse du roi. Il lui dit : “Si je te le déclare, ne me feras-tu pas mourir ?” (verset 15). Plusieurs fois averti, Sédécias n’avait tenu aucun compte des conseils et des prédictions de l’homme de Dieu. Maintenant, il jure solennellement à Jérémie qu’il ne le fera pas mourir, mais laisse sans réponse les autres paroles du prophète. Son cœur s’est endurci.
Jérémie fait connaître la pensée divine, une fois encore, mais ce sera la dernière. “Si tu sors franchement vers les princes du roi de Babylone, ton âme vivra et cette ville ne sera point brûlée par le feu” (verset 17).
Le monarque fait alors des objections. Il craint de s’exposer à la vengeance de Juifs qui se sont déjà réfugiés auprès des Chaldéens (verset 19). Ce n’était, en fait, que de l’incrédulité, après les assurances que Dieu avait daigné lui donner.
Cette scène dramatique touche à sa fin. Ayant pitié du roi, Jérémie exhorte encore Sédécias : “Écoute, je te prie, la voix de l’Éternel dans ce que je te dis, et tout ira bien pour toi, et ton âme vivra” (verset 20). Puis il décrit les conséquences dramatiques qu’un refus aurait pour Sédécias, pour son entourage et pour la ville. Tel Paul devant Agrippa, on voit maintenant Jérémie parler hardiment devant le roiActes 26. 26. Jérémie l’avertit que ses propres femmes diront de lui, en se moquant : “Tes familiers t’ont entraîné, ils ont prévalu sur toi” (verset 22). Cette parole nous rappelle le danger toujours actuel, d’être plus sensible à l’opinion de nos proches qu’à la direction de la parole de Dieu.
Insensible à l’avertissement divin, Sédécias ne pense qu’à sa réputation et recommande à Jérémie : “Que personne ne sache rien de ces paroles, et tu ne mourras pas” (verset 24). Jusqu’au dernier moment, il reste faible et lâche. Interrogé indûment par les princes, Jérémie n’est pas tenu de dire tout ce qu’il sait.