Dix-huit ans se sont écoulés entre les chapitres 36 et 37. Jérémie reprend ici la narration, commencée au chapitre 32, des deux dernières années du règne déplorable de Sédécias1. Ce roi avait été nommé par le roi de Babylone, à la place de son neveu déporté à Babylone après trois mois de règne. Ceci explique l’expression inhabituelle : “il régna à la place de…” (verset 1) 2 Rois 24. 17.
L’armée babylonienne, qui assiégeait Jérusalem depuis le dixième mois de la neuvième année, s’était provisoirement retirée. Elle était menacée à son tour par une armée alliée, venue d’Égypte à l’appel de SédéciasÉzéchiel 17. 15. Ce fut une nouvelle occasion pour les faux prophètes de renouveler leurs annonces de délivrance et de tromper ainsi le peuple.
Jérémie n’était pas, alors, en prison mais pouvait librement “entrer et sortir” 2 parmi le peuple. Sédécias lui envoie une délégation (comp. 21. 1, 2), conduite entre autres par Jucal, qui sera bientôt mentionné (38. 1) comme un des ennemis les plus acharnés de Jérémie. Le roi pensait sans doute que le retrait de l’armée babylonienne – de fait, momentané – était un bon signe et que l’Éternel lui adresserait un message favorable. Il demande à Jérémie d’intercéder pour eux auprès de Dieu (verset 3), mais sans exprimer un seul mot de repentance, ou la moindre confession. Ne sommes-nous pas, nous aussi, plus prompts à “demander” quelque chose à Dieu, qu’à l’écouter quand il parle à notre conscience et à notre cœur ?
L’Éternel ne laisse aucun espoir à Sédécias et aux habitants de Jérusalem : “N’abusez point vos âmes, disant : Les Chaldéens s’en sont allés de nous tout de bon” (verset 9). Il ajoute même que si tous les Chaldéens étaient transpercés, ils se relèveraient et “brûleraient cette ville par le feu” (verset 10). Juda a semé le vent et il moissonnera le tourbillonOsée 8. 7.
Il n’y avait aucun espoir pour Sédécias, après son parjure, en se rebellant contre Nebucadnetsar2 Chroniques 36. 13 ; Ézéchiel 17. 18-20. Le roi de Babylone reviendra et la ville sera brûlée. Dieu lui-même ramenait en arrière les instruments de guerre, qui étaient entre les mains des Juifs, et déclare : “Moi je combattrai contre vous… avec fureur” (21. 4, 5). Que ce soit en grâce ou en jugement, Dieu veille sur sa parole pour l’exécuter (1. 12).
Quand l’armée chaldéenne eut momentanément levé le siège, Jérémie voulut sortir de la ville pour s’en aller dans le pays de Benjamin. Dieu n’a pas jugé bon de nous en préciser le motif. Mais il doit réaliser dans sa vie pratique ce qu’il avait dit auparavant : “Je sais, Éternel, que la voie de l’homme n’est pas à lui, qu’il n’est pas au pouvoir de l’homme qui marche de diriger ses pas” (10. 23). Le prophète est arrêté et accusé de vouloir se “rendre aux Chaldéens” (verset 13).
Il proteste de son innocence, mais en vain. On se souvient qu’auparavant, il avait exhorté le peuple à se soumettre aux Chaldéens. Il est donc amené devant les princes, ignominieusement battu (verset 15 ; 20. 2), considéré comme un traître à la patrie. Ces princes n’ont rien de commun avec ceux qui, du temps de Jehoïakim, traitaient Jérémie avec bonté ; par contre Sédécias est mieux disposé que son prédécesseur. Le prophète est mis en prison dans un cachot souterrain ténébreux et malsain.
Anxieux, faible de caractère, Sédécias voudrait bien savoir si Jérémie n’a pas reçu quelque nouveau message pour lui. Il l’envoie chercher secrètement et l’interroge dans sa maison. La réponse à la question : “Y a-t-il quelque parole de par l’Éternel ?” est brève et solennelle : “Il y en a une… : tu seras livré en la main du roi de Babylone” (verset 17).
Quel contraste frappant avec ces faux prophètes qui disaient : “paix” et, en réalité, “il n’y avait point de paix” (6. 14) Ézéchiel 13. 10 ; Ésaïe 30. 10.
La situation est paradoxale : ces faux témoins sont en liberté, le fidèle témoin est emprisonné. Que de fois il en a été ainsi dans l’histoire du peuple de Dieu et, en particulier, du Témoin fidèle et véritableApocalypse 3. 14 ! Ici, Jérémie saisit l’occasion de réaffirmer son innocence et demande au roi de ne pas retourner dans cette maison de Jonathan, de peur qu’il n’y meure (verset 20). Sédécias n’ose pas libérer le prophète, il se contente de lui assigner une prison moins affreuse et de lui faire remettre chaque jour un pain, “jusqu’à ce que fut consommé tout le pain de la ville” (verset 21). Mais Jérémie devra encore apprendre combien le secours qui vient de l’homme est vain (chapitre suivant). Cette leçon va lui être utile pour qu’il puisse transmettre ses futurs messages avec d’autant plus de force, au péril de sa vie.
“Entrer et sortir” : cette expression, qui correspond aujourd’hui dans la vie courante à celle d’ “aller et venir”, est répétée sept fois dans la Parole : en Deutéronome 31. 2 ; Josué 14. 11 ; 1 Samuel 18. 13 ; 1 Rois 3. 7, où elle est donnée dans l’ordre “sortir et entrer”, et, chose à remarquer, à partir de notre passage dans l’ordre contraire (“entrer et sortir”) : Jérémie 37. 4 ; Jean 10. 9 ; Actes 1. 21.
L’application pratique est claire : nous “entrons” dans le sanctuaire pour accomplir la “sainte sacrificature” (adorer), nous en “sortons” pour accomplir la sacrificature royale (servir et témoigner).