Ce chapitre établit un principe général très important concernant la manière d’agir de Dieu : chacun est personnellement responsable devant lui. Le prophète avait déjà été amené à évoquer ce point sous une forme différente, à propos de la responsabilité de la sentinelle (3. 18-21) et des justes réchappés (14. 13-21).
L’Éternel s’élève ici contre un proverbe insolent qui avait cours parmi le peuple d’Israël au temps d’Ézéchiel : “Les pères mangent du raisin vert, et les dents des fils en sont agacées” (verset 2) Jérémie 31. 29, 30 ; Lamentations de Jérémie 5. 7 ; autrement dit : Nous payons pour les fautes de ceux qui nous ont précédés. C’était pour eux un moyen de se disculper et de rejeter sur d’autres la responsabilité du jugement qui allait venir, au lieu de s’amender personnellement.
Dieu réfute leur raisonnement pervers par une argumentation serrée. Tout d’abord, il établit le principe général : “L’âme qui péchera, celle-là mourra” (versets 4, 20). Puis il examine différents cas, en prenant trois générations successives :
L’histoire des derniers rois d’Israël offre un exemple d’une succession d’hommes pieux (Ézéchias, Josias) dont les ascendants ou les descendants furent impies (Achaz, Manassé, Jehoïakim).
Selon la loi de Moïse, l’Éternel visitait “l’iniquité des pères sur les fils, et sur les fils des fils, sur la troisième et sur la quatrième génération” Exode 34. 7. Mais le Deutéronome ajoutait déjà : “les pères ne seront pas mis à mort pour les fils, et les fils ne seront pas mis à mort pour les pères ; ils seront mis à mort chacun pour son péché” Deutéronome 24. 16 ; 2 Rois 14. 6 ; Genèse 18. 25. Les deux aspects étaient vrais du temps de Moïse et le restaient : s’il était exact que l’incrédulité des parents imprégnait l’éducation des enfants, chaque Israélite était responsable devant Dieu. Ce principe devenait d’autant plus important au temps d’Ézéchiel que le peuple allait être dispersé et que sa responsabilité collective passerait au second plan.
Une seconde question se pose : Dieu classe-t-il quelqu’un jusqu’à la fin de sa vie ? Là encore, l’Éternel réfute l’accusation d’instabilité et d’incohérence que le peuple portait contre lui :
Là encore, l’histoire d’Israël, à travers l’exemple de Salomon1 Rois 11 ou Manassé2 Chroniques 33. 12-20, vient contredire cette fausse idée des Juifs.
Aux deux accusations d’injustice (versets 25, 29 ; 33. 17, 20) Dieu répond par deux fois : “je ne prends pas plaisir à la mort du méchant” (versets 23, 32) 1. Il est facile d’accuser Dieu d’injustice pour justifier sa propre injustice. Le principe par lequel Dieu rend les individus responsables de leurs propres actes reflète sa cohérence, sa justice et sa sagesse et donne à l’homme toute sa noblesse de personne à part entière.
Dieu agit envers les hommes selon deux grands principes qui nous sont présentés à travers toute l’Écriture :
La distinction entre les deux est fondamentale pour bien comprendre le sens de ce chapitre. Dans l’A.T., les notions de “vie” et de “mort” ne concernaient pas le sort éternel de l’âme, mais la vie et la mort physiques sur la terre. Le salut éternel dépendait uniquement de la foi en Dieu et dans le Messie qui devait venirGenèse 15. 6 ; Habakuk 2. 4. Le respect des prescriptions de la loi (résumées par les quinze propositions des versets 5 à 9) amenait un prolongement de la vie sur la terreDeutéronome 30. 17-20. Aussi est-il impossible d’utiliser ce chapitre pour justifier certaines doctrines erronées :
Le proverbe utilisé par le peuple (verset 2) s’énonce aujourd’hui de façon à peine différente : “Cet homme n’est pas à blâmer ; il n’est pas responsable ; ce qui lui arrive est à mettre sur le compte de son hérédité, de son éducation, de son milieu, etc.” Nous avons systématiquement tendance à rejeter sur autrui la responsabilité de nos fautesGenèse 3. 12, 13 ; Romains 2. 1.
Les théories actuelles de la psychanalyse reprennent cette idée et ne servent bien souvent qu’à excuser le péché et à le mettre sur le compte d’autrui. Il est vrai que les facteurs externes jouent un rôle ; cependant Dieu montre ici que ni l’hérédité, ni l’environnement ne déterminent l’état moral d’une personne. Nul n’est obligé de suivre le mauvais exemple de ses parents. Réciproquement, personne ne sera sauvé par la piété de ses parents.
De même qu’une génération peut être libérée des fautes de la précédente, un homme peut être libéré du poids de son propre passé (verset 22). Les conséquences de nos actes peuvent demeurerGalates 6. 7, mais la souffrance morale et le remords qu’ils engendrent peuvent disparaître de nos cœurs et de nos esprits. Et puis, la grâce de Dieu n’est-elle pas venue bien des fois apporter une solution à une situation tragique dans laquelle notre folie nous avait engagés ?
La fin de ce chapitre nous montre l’amour de Dieu : il “veut que tous les hommes soient sauvés et viennent à la connaissance de la vérité” 1 Timothée 2. 4. Aussi réitère-t-il les patients appels de sa grâce envers le pécheur2 Pierre 3. 9 : “Revenez donc, et vivez” (verset 32). Comme dans toute la Bible, nous y trouvons le même cœur d’amour de notre Dieu qui a en vue la conversion (verset 30) et le renouvellement intérieur (verset 31) du pécheur3. Il est vraiment “un Dieu de pardon, faisant grâce” Néhémie 9. 17.