Après la parabole du cep, Ézéchiel expose une autre parabole qui englobe toute l’histoire de Jérusalem : son origine, son ascension, sa beauté, sa gloire, son apostasie, son jugement, sa délivrance et sa bénédiction finale.
Peu de chapitres de l’Écriture offrent une description aussi saisissante et réaliste. Certains détails peuvent nous paraître choquants, mais cette image sordide d’une prostituée est adaptée à ce peuple, si prompt à se vanter de son origine, de sa conscience pure et de ses goûts raffinés ; Dieu lui présente ce tableau précisément pour lui faire sentir l’horreur que constitue le péché à ses yeuxHabakuk 1. 13.
L’origine de Jérusalem remonte au troisième millénaire avant J.-C. Elle se trouvait alors en terre païenne (verset 3). A ses débuts, la ville n’avait rien de glorieux ; aussi est-elle comparée à un enfant abandonné, comme c’est parfois la triste coutume parmi certains peuples (versets 4, 5). Pendant de longs siècles, Dieu laissa se développer cette ville qui grandit et embellit (versets 6, 7).
Vers 1000 av. J.-C., David conquit Jérusalem et fit d’elle la ville royale, la capitale d’Israël2 Samuel 5. 5-9. C’était “l’âge des amours” : Dieu choisit cette cité pour être sa ville et lui donna une gloire extraordinaire. L’arche, signe de l’alliance de Dieu avec son peuple (verset 8), fut installée à Jérusalem2 Samuel 6. 16, 17. Les richesses extraordinaires du roi Salomon firent de cette capitale une ville renommée dans tout le monde antique2 Chroniques 9.
Le déclin de Jérusalem commença dès la fin du règne de Salomon1 Rois 11. Comme dans de nombreux chapitres des prophètesÉsaïe 50. 1 ; 54 ; Jérémie 2. 3 ; Osée 1-3, Dieu utilise l’allégorie du mariage : ses relations avec son peuple (ou ici la capitale) sont comparées à celles d’un mari avec son épouse. Mais celle-ci devint une “prostituée” ; Jérusalem se détourna du seul vrai Dieu, oublia qu’elle lui devait tout (versets 17-19) et tomba dans une infidélité généralisée. Son idolâtrie était une véritable fornication spirituelle, car elle trompait pour ainsi dire Dieu avec des religions païennes où la prostitution sacrée jouait un très grand rôle (versets 15-22).
A cet adultère religieux s’ajoutait un adultère politique (versets 23-29) : au lieu de se confier dans l’Éternel pour la protéger, elle mettait sa confiance dans les peuples les plus puissants de l’époque : les Égyptiens (verset 26), les Assyriens (verset 28) et les Chaldéens (verset 29). Tandis qu’une prostituée ordinaire se fait payer, c’était elle qui payait ses amants (versets 30-34) : pour s’attirer les faveurs de leurs alliés, les rois de Juda leur envoyaient des présents2 Rois 23. 35.
Le jugement sur Jérusalem devait être exercé par les nations païennes avec lesquelles elle avait commis son adultère spirituel. En effet, quelques années plus tard, la ville allait être détruite par son dernier amant, Babylone, conformément à cette prophétie.
Les abominations de Jérusalem et des autres villes juives1 étaient non seulement pires que celles de Samarie et des autres villes des dix tribus (versets 46, 47, 51) 2, mais aussi que celles de Sodome et des villes d’alentour (verset 48). Les péchés de Sodome ne se limitaient pas à la perversion sexuelle2 Pierre 2. 6. Son iniquité incluait aussi les excès de table, l’abus des plaisirs et des loisirs et l’absence de conscience sociale (versets 49, 50a). L’infamie de Sodome était devenue proverbiale parmi les Juifs, mais Jérusalem avait fait pire ; aussi sa chute est-elle le seul moyen de lui ôter son orgueil.
La grâce de Dieu est surprenante : le jour viendra où Jérusalem, Samarie, Sodome et toutes les villes qui leur sont rattachées, seront rétablies et jouiront de la bénédiction de Dieu. Il ne s’agit pas ici d’un salut final pour les gens de la Sodome d’Abraham qui souffriront le feu éternelJude 7 ; Dieu fait seulement allusion à l’existence de ces villes pendant le millénium.
Jérusalem aura honte de toutes ses abominations passées et cette attitude compensera des siècles de mépris (verset 54).
Nous restons confondus par la fin de ce chapitre, qu’il vaut la peine de lire d’une traite. Après tant d’infidélités, l’Éternel pardonnera à Jérusalem tout ce qu’elle a fait (verset 63) ! Plus encore, il établira avec elle une nouvelle alliance, basée sur le sang précieux du Seigneur Jésus ChristMatthieu 26. 28. L’alliance d’Israël, celle de la loi (verset 61 b), aura été définitivement rompue et Dieu agira selon son alliance inconditionnelle de grâce (verset 62 a). Jérusalem – et plus généralement Israël – en jouira lors du règne du Messie pendant le milléniumÉsaïe 55. 3 ; 59. 21 ; 61. 8 ; Jérémie 31. 31-34 ; 32. 40 ; 33. 24-26 (37. 26). Cette ville sera alors la capitale du monde, mais elle n’en tirera aucun orgueil car Dieu aura travaillé dans sa conscience pour produire une réelle humilité (verset 63).
La terrible histoire de Jérusalem symbolise en fait celle de tout homme. Dieu est venu dans la personne de son Fils à la rencontre de sa créature qui se trouvait dans un dramatique état de déchéance morale. La miséricorde de Dieu développée dans ce chapitre anticipe les paraboles du bon Samaritain et du fils prodigueLuc 10. 30-37 ; 15. 11-32. Nous avons souvent besoin que le Seigneur nous rappelle notre origine : ni notre hérédité (verset 3), ni notre comportement (verset 4) ne nous méritaient son amourÉphésiens 2. 3. Oui, notre Dieu est “riche en miséricorde” et nous a sauvés “à cause de son grand amour” Éphésiens 2. 4.
Quelle réponse allons-nous donner à l’immense grâce dont nous avons été les bénéficiaires ? Si notre conduite répond à notre vocation, nous susciterons l’admiration générale (verset 14) 1 Thessaloniciens 1. 8-10. Mais le danger subtil est de regarder davantage à l’œuvre de Dieu en nous qu’au Seigneur et de ne plus se reposer sur sa grâce (verset 15a) ; alors, insensiblement, notre affection pour Christ diminue. Ceux qui prétendent suivre le Seigneur tout en consacrant leur force, leur intelligence, leur temps, leur argent, à des plaisirs et des buts mondains, ont la même conduite inqualifiable que la prostituée de ce chapitre ; ce faisant, ils perdent leur bénédiction spirituelle présente et leur récompense future. Que cette description choquante nous stimule à consacrer notre vie entière pour servir le Seigneur Jésus1 Corinthiens 6. 19 et à fuir l’amitié avec le monde, que Jacques assimile à un adultère spirituelJacques 4. 4. Ceux qui se détournent de Dieu et font des compromis avec le monde en cédant à ses convoitises1 Jean 2. 16, risquent de subir le châtiment divin (versets 36-43) 1 Corinthiens 11. 30-32.
Deux versets de ce chapitre viennent secouer notre conscience :
Mais pour finir, souvenons-nous des derniers versets : si la grâce de Dieu y brille avec éclat, combien plus peut-elle se déployer dans notre époque où “la grâce règne par la justice” Romains 5. 21 ! Rappelons qu’aucune situation n’est définitivement scellée sur la terre et que Dieu peut toucher le cœur du croyant le plus égaré, lui pardonner et le ramener à lui. Dieu glorifiera ainsi d’autant plus sa miséricorde vis-à-vis du jugementJacques 2. 13.