Après avoir considéré le service et les dons (versets 6-8), l’apôtre élargit le cadre des exhortations à tous les aspects de la conduite et de la vie des croyants.
L’amour est mentionné en premier : c’est le chemin plus excellent développé en 1 Corinthiens 13, le ressort caché, nécessaire aussi bien pour l’exercice des dons que pour la marche.
“Sans hypocrisie” : l’amour humain, qui peut conduire au dévouement, reste pourtant marqué par l’égoïsme, voire l’hypocrisie. Mais l’amour de Dieu, “versé dans nos cœurs par l’Esprit Saint” (5. 5), “se réjouit avec la vérité” 1 Corinthiens 13. 6.
Si nous marchons ainsi dans l’amour comme “imitateurs de Dieu” Éphésiens 5. 1, nous aurons une sainte horreur du mal, car Dieu est lumière comme il est amour, et nous avons aussi à “marcher comme des enfants de lumière” Éphésiens 5. 8. Nous ne pouvons donc pas tolérer le mal, ni en nous-mêmes, ni dans notre frère. Souvenons-nous combien Christ a souffert pour expier les péchés. Nous serons ainsi conduits à haïr le mal et en même temps gardés dans le sentiment de la grâce.
Enfin ne perdons pas de vue le côté positif de l’exhortation : “tenez ferme au bien”, afin de ne pas être habituellement occupés du mal, mais du bien. Et cela tant dans nos propres penséesPhilippiens 4. 8, qu’à l’égard de notre frère : l’amour “n’impute pas1 (ou ne suppose pas) le mal” 1 Corinthiens 13. 5.
L’amour fraternel s’exprime dans le cercle plus restreint de la famille de la foi, et se manifeste par l’affection qui existe normalement entre des frères et sœurs. Elle s’intéresse aux circonstances des croyants : à leur santé, leur famille, leur travail… Cette affection fraternelle, elle aussi, doit être sans hypocrisie1 Pierre 1. 22.
Quant à l’honneur, nous sommes exhortés à être les premiers…, non pas à le recevoir, mais à le rendre aux autres. L’humilité fait estimer son frère supérieur à soi-mêmePhilippiens 2. 3. Le Seigneur l’a enseigné à ses disciples en plaçant un petit enfant au milieu d’euxMatthieu 18. 1-5, et il en a lui-même donné l’exemple en lavant leurs piedsJean. 13. 14-15.
Le zèle dans l’activité doit caractériser les esclaves2 du Seigneur. C’est un titre que les apôtres – et Paul en particulier – se donnent volontiers. Mais cette diligence n’est pas charnelle, ni légaliste ; elle résulte de la ferveur d’un esprit qui brûle pour son Seigneur, et qui agit dans la dépendance et par la puissance du Saint Esprit lui-même.
L’espérance qui nous réjouit et nous soutient dans ce service, est celle du prochain retour de ce Seigneur que nous servons : nous sommes comme des esclaves qui attendent leur maîtreLuc. 12. 36, 37. Et cette “bienheureuse espérance” Tite 2. 13 est un puissant encouragement à la patience, spécialement lorsque les circonstances extérieures sont difficiles (la tribulation). C’était le cas pour les Thessaloniciens, qui avaient “reçu la parole accompagnée de grandes tribulations”, mais qui montraient leur “patience d’espérance de notre Seigneur Jésus Christ” 1 Thessaloniciens 1. 6, 3.
Nous sommes exhortés ensuite à la prière, et à la prière persévéranteÉphésiens 6. 18, qui est une manifestation pratique de la piété. De même, l’hospitalité et l’empressement à subvenir aux besoins matériels des croyants sont des expressions pratiques de l’affection fraternelle. Nous retrouvons donc ici trois des maillons de la « chaîne de vertus » de 2 Pierre 1. 5-7, où la patience se lie à la piété, et la piété à l’affection fraternelle.
Ces trois versets concernent plus particulièrement les relations du croyant avec ceux qui l’entourent. On peut les considérer comme une mise en application des trois premières exhortations du paragraphe à l’amour, l’amour fraternel et l’humilité.
En effet l’attitude qui nous est présentée au verset 14 n’est-elle pas une manifestation particulièrement élevée de l’amour selon Dieu ? C’est une disposition de cœur tout à fait contraire aux tendances de l’homme naturel, et à laquelle la loi n’atteignait pas, mais qui a été enseignée pour la première fois par le Seigneur dans le sermon sur la montagneMatthieu 5. 44. Il nous en a lui-même donné le suprême exemple lorsqu’il a prié pour ceux qui le crucifiaientLuc 23. 34. Remarquons également que cette manifestation pratique de l’amour complète la “chaîne de vertus” que nous avons considérée dans le verset précédent : “et à l’affection fraternelle, l’amour” 2 Pierre 1. 7.
Ensuite c’est à la sympathie que nous sommes exhortés. Ce caractère est nommé en 1 Pierre 3. 8, également dans le cercle des relations fraternelles : “sympathisants, fraternels”. On retrouve d’ailleurs dans ce passage les mêmes exhortations (mais dans l’ordre inverse) que dans les versets 14 à 16. Là encore nous pouvons considérer l’exemple du Seigneur, qui a su s’associer à la joie des noces de CanaJean 2. 1-11. Il en a même renouvelé la source en changeant l’eau en vin (symbole de la joie). Il a su aussi, plein de grâce, entrer dans toutes les souffrances et les détresses de ceux qu’il rencontraitÉsaïe 63. 9. Il a lui-même pleuré “avec ceux qui pleurent” au tombeau de Lazare, alors même qu’il allait le ressusciterJean 11. 35.
Puis l’apôtre insiste une nouvelle fois sur l’humilité. Le début du verset 16 rappelle Philippiens 2. 2-6, qui nous exhorte aussi à avoir un même sentiment, dans l’humilité, et qui place devant nous le modèle parfait du Seigneur. Lui seul, en contraste avec Adam, n’a pas cherché à s’élever (être égal à Dieu), mais s’est associé aux humbles en devenant un homme (son anéantissement), et un homme humble et méprisé (son abaissement). C’est aussi en “apprenant de lui”, l’homme “débonnaire et humble de cœur” Matthieu 11. 29, que nous serons gardés de devenir “sages à nos propres yeux”. La fin de ce verset nous renvoie au livre des Proverbes chapitre 3 verset 7, où nous retrouvons la même exhortation, et au chapitre 26 verset 12 du même livre qui y ajoute un avertissement solennel : “As-tu vu un homme sage à ses propres yeux ? Il y a plus d’espoir pour un sot que pour lui” (comp. aussi Ésaïe 5. 21).