Ayant quitté Jéricho après la guérison de Bartimée et la visite à Zachée, le Seigneur approchait de Jérusalem avec ses disciples. Contrairement aux pensées de son entourage, le Seigneur ne montait pas à Jérusalem, la ville royale, pour y être reçu comme roi et établir immédiatement le royaume de Dieu. Étant venu pour chercher et sauver ce qui était perdu (il venait de le révéler à Zachée), Jésus devait d’abord souffrir et mourir pour accomplir l’œuvre du salut, avant d’instaurer son règne sur une terre purifiée de la souillure par les jugements. La parabole de l’homme noble et des mines complète ainsi le récit et l’instruction morale de la visite du Seigneur à Zachée.
“Un homme noble s’en alla dans un pays éloigné, pour recevoir un royaume et revenir” (verset 12). L’homme noble, c’est le Seigneur, en qui s’est réalisée en perfection la parole prophétique : “L’homme noble se propose des choses nobles, et il se maintiendra par des choses nobles” Ésaïe 32. 8. Le pays éloigné est la figure du ciel, qui a reçu Jésus après son rejet ; là-haut, il reçoit comme homme glorifié le royaume de la main de son Père (22. 29).
Si Jésus est monté au ciel, il laisse derrière lui ses propres esclaves (les disciples) et ses concitoyens (les Juifs). Ensuite, il doit revenir (c’est sa seconde venue) : promesse pour ceux qui l’attendent et qui seront introduits par lui dans la joie de la maison du Père ; sujet d’effroi pour ceux qui seront surpris et frappés par ses jugements.
Avant de partir, le Seigneur avait appelé dix de ses propres esclaves (dix est le nombre de la responsabilité) pour leur confier à chacun une mine à faire valoir pendant son absence. Le même don (une mine) 1 est confié à chacun des esclaves. Pendant l’absence du Maître, tout croyant reçoit quelque chose de lui (rien de bon ne peut provenir de nous-mêmes) avec la responsabilité de le faire fructifier. Chacun doit donc rechercher par la prière le service qui lui est confié : porter du fruit pour Christ, parler de lui et amener des âmes à Christ, s’occuper des pauvres (à l’image du Maître), demeurer vigilant pour l’attendre, donner au temps convenable la ration de blé aux domestiques de la maison (le ministère de la Parole dans l’assemblée), garder le bon dépôt qu’il nous a confié jusqu’à ce que le Seigneur vienne.
Dans l’intervalle, les concitoyens de l’homme noble (c’est-à-dire les Juifs ennemis de Christ et tous les incrédules), manifestent leur haine contre lui en disant : “Nous ne voulons pas que celui-ci règne sur nous” (verset 14). C’est ainsi que les principaux sacrificateurs ont déclaré : “Nous n’avons pas d’autre roi que César” Jean 19. 15. Puis dans la personne d’Étienne, le premier martyr chrétienActes 7. 59, les Juifs ont pour ainsi dire envoyé une ambassade après lui, pour rejeter le Sauveur glorifié dans le ciel, comme ils avaient rejeté et mis à mort le Sauveur auparavant humilié sur la terre.
La période de la grâce dans laquelle nous vivons encore aujourd’hui s’inscrit donc entre les deux versets 14 et 15 de la parabole. Pour les rachetés du Seigneur, c’est le temps du service, tandis que le monde, hélas, continue de rejeter Christ dans l’attente du jugement.
La seconde venue de Christ est le moment de la rétribution pour ses esclaves (versets 15-26) et du jugement des ennemis (verset 27). En premier lieu, les esclaves sont appelés auprès de leur maître pour qu’il apprécie la valeur de leur travail pour lui. Le tribunal de Christ devant lequel nous comparaîtrons tous sera à la fois déclaratif et rémunératif2 Corinthiens 5. 102. Tous les esclaves avaient reçu le même montant (une mine) à faire fructifier pendant l’absence de leur maître. Ainsi, les dons de l’Esprit sont confiés à chacun pour les faire valoir à la gloire de Christ. Cette parabole met donc bien en évidence la responsabilité de chaque esclave.
Le premier esclave (versets 16, 17), se présentant devant son maître, reconnaît l’origine du don qu’il avait reçu (c’est la mine du maître), sans s’attribuer à lui-même le mérite du produit de son travail (ta mine a produit dix mines). En fait, le bien que le Seigneur nous a permis de produire ne provient pas de nous et ne mérite rien : c’est un fruit de sa grâce. Le Seigneur se plaît néanmoins à le rétribuer en assurant le serviteur fidèle de son approbation : “Bien, bon esclave… tu as été fidèle en ce qui est très peu de chose” (verset 17). La parabole considère ici Christ comme un roi qui reçoit un royaume et vient pour régner ; aussi la récompense à l’esclave est de lui conférer autorité sur autant de villes qu’il a gagné de mines. Si nous prenons réellement à cœur les intérêts du Seigneur pendant son absence, nous serons associés avec lui plus tard dans sa gloire, dans la joie de sa présence et l’exercice de son autorité.
Le deuxième esclave (versets 18, 19) apporte à son maître le fruit de son travail et en reçoit la récompense, selon sa mesure (l’autorité sur cinq villes correspond aux cinq mines). Dans la gloire, chacun de nous occupera la place qui lui est préparée par le Père : là-haut, notre jouissance personnelle de Christ inclura sa connaissance et celle de sa grâce acquise sur la terre, ainsi que les fruits du service accompli pour lui.
Vient enfin un autre esclave, étranger à la pensée de son maître et profondément injuste envers lui. Ne connaissant pas la bonté du SeigneurRomains 2. 4, il le considère comme un homme sévère. Ignorant que Christ est venu ici-bas dans l’abandon de tout pour se donner lui-même, il l’accuse de se conduire injustement à l’égard des autres. Le maître (le Seigneur) lui répond sur son propre terrain et le considère comme un esclave, non plus fidèle comme les deux précédents, mais méchant. Il lui retire l’administration de son service, comme l’économe infidèle (16. 3), lui reprochant de n’avoir pas même su placer son argent à la banque pour porter intérêt. Le jugement de l’esclave infidèle n’est pas mentionné ici ; il sera identifié aux ennemis du roi et jugé comme telMatthieu 25. 30.
Un principe moral important est établi ici par le Seigneur. La mine reprise à l’esclave infidèle est confiée au premier esclave (celui qui avait déjà les dix mines). Plus on est fidèle pour servir le Seigneur, plus aussi on reçoit de lui comme un trésor pour le temps présent et pour l’éternité. Dans l’intervalle, ceux qui n’étaient esclaves que de nom (la chrétienté professante) sont entièrement dépouillés. À l’enlèvement de l’Église (les saints célestes), le témoignage du christianisme sur la terre sera entièrement ôté à ceux qui seront laissés derrière comme de méchants esclaves.
Enfin, la parabole se conclut par le jugement. C’est le châtiment que subiront les Juifs apostats, descendants des concitoyens qui haïssaient Christ, le Roi (verset 14). Pour leur malheur, ils accepteront le joug de l’Antichrist et partageront son sort. Le jugement de la chrétienté professante apostate (qui n’est pas directement en vue dans la parabole) sera tout aussi sévère, car tous subiront “le châtiment d’une destruction éternelle de devant la présence du Seigneur et de devant la gloire de sa force” 2 Thessaloniciens 1. 9.
Cette parabole solennelle des mines est à rapprocher de celle des talentsMatthieu 25. 14-30 donnée par le Seigneur. Là, le maître (le Seigneur) donne un nombre différent de talents aux esclaves : c’est la souveraineté divine qui accorde à chacun selon ses aptitudes et sa capacité. Ici, au contraire, chaque esclave reçoit la même mine pour souligner la responsabilité personnelle de chacun. Au jour des rétributions, la parabole des talents (Matthieu) attribue la même récompense à chacun des esclaves fidèles (entrer dans la joie du maître) alors que la parabole des mines (Luc) montre la différence de récompense d’un esclave à l’autre. Dans les deux paraboles, l’esclave inutile est jugé d’après les secrets de son cœur et dépouillé des dons qu’il n’avait pas su faire fructifier pour son maître, qu’il n’avait jamais connu.