Le Seigneur continue l’enseignement de la parabole du pharisien et du publicain, lorsqu’on lui apporte de petits enfants pour qu’il les touche et les bénisse. Cette scène touchante est rapportée aussi en Matthieu 19. 13-15 et Marc 10. 13-16. Dans les trois récits, les enfants sont apportés à Jésus et non pas seulement amenés1 à lui. La douceur et la débonnaireté de Christ s’expriment à l’égard de ceux qui sont faibles, insignifiants aux yeux du monde, totalement dépendants des autres, et encore humbles et confiants.
Les disciples sont, une fois de plus, étrangers à la pensée de leur Maître et renvoient ceux qui apportaient ces petits enfants. Jésus en est indignéMarc 10. 14. Il les fait revenir, les prend dans ses bras, les bénit et les désigne aux disciples comme appartenant au royaume de Dieu.
Les petits enfants sont la figure de l’humilité dans l’inconscience du péché, tandis que le publicain présente l’humilité de l’homme responsable dans la conscience du péché. La porte de la grâce est ouverte aux uns comme à l’autre. Il n’est pas nécessaire qu’un enfant sorte de son état pour recevoir le royaume de Dieu. Par contre, il faut que tout homme responsable prenne devant Dieu la place du publicain et du petit enfant pour se placer au bénéfice de la grâce (verset 17). L’enseignement est confirmé par le Seigneur dans le discours sur la montagne : le royaume des cieux appartient aux pauvres en espritMatthieu 5. 3 ; ce ne sont pas à ceux qui manquent des facultés naturelles de l’esprit humain, mais à ceux qui ont l’esprit brisé, signe de la repentance et de la conversion. Avant de révéler les vérités de sa présence au milieu des deux ou trois assemblés en son nom, le Seigneur avait aussi appelé un petit enfantMatthieu 18. 2, 3 pour montrer qu’il fallait se convertir et devenir comme lui pour entrer dans le royaume des cieux, plutôt que de s’occuper de la hiérarchie des places dans ce royaume.
Quelqu’un interroge le Seigneur. La scène est rapportée aussi par Matthieu et MarcMatthieu 19. 16-26 ; Marc 10. 17-27. C’était un jeune hommeMatthieu 19. 22, extrêmement riche, de surcroît chef du peuple (18. 18), observateur scrupuleux de la loi de Moïse (comme Saul de Tarse le sera plus tard). Toutefois, il sentait confusément que quelque chose lui restait à acquérir. Aussi vient-il au Seigneur ; malgré les marques du respect lié à son éducation, il désirait parler d’égal à égal avec Christ, pour lui un docteur plein de bonté et pouvant lui être de bon conseil. Inconscient de son propre état, il ne connaissait pas Dieu, manifesté devant lui dans la personne de Christ. Pourtant quelle nature aimable, comblée de biens extérieurs : “Jésus, l’ayant regardé, l’aima” Marc 10. 21.
C’est donc par amour que le Seigneur lui parle, en le prenant d’abord sur son propre terrain (l’obéissance à la loi), pour l’amener à comprendre à la fois ce qu’était le péché (c’est-à-dire son propre cœur) et la grâce (c’est-à-dire le cœur de Dieu) ; deux choses qu’il ignorait totalement. Il voulait acquérir la vie éternelle pour l’ajouter à tout ce qu’il possédait déjà ; prêt pour cela à faire quelque chose. Mais Dieu ne vend pas le ciel, il le donne au pécheur repentant parce que Christ a payé le prix de sa rançon à la croix. On comprend ainsi pourquoi cette rencontre avec l’homme riche est immédiatement suivie par l’annonce du Seigneur aux disciples de ses souffrances et de sa mort.
Cet homme n’avait donc rien d’autre à acquérir pour ajouter à son état. Il avait, au contraire, beaucoup à abandonner pour éliminer de son propre cœur tous les obstacles sur le chemin du salut. Une chose, une seule, mais d’importance, barrait ce chemin : ses immenses richesses qui avaient pris possession de son cœur comme une idole. Pour avoir Christ et un trésor avec lui dans le ciel, il fallait se débarrasser de tous ces biens matériels ; on ne peut pas à la fois servir Dieu et les richesses (16. 13).
En entendant les paroles du Seigneur, l’homme devient fort triste (verset 23). Matthieu et Marc ajoutent qu’il s’en va. Le Sauveur, pensée solennelle, ne l’a pas retenu, car son message était clair et complet. Si cet homme a persisté dans sa voie, il partagera le sort éternel de l’homme insensé (12. 16-21) et de l’autre riche (16. 19-31). C’est la troisième fois que cet évangile montre le danger mortel des richesses du monde en face du salut de l’âme : “Car Dieu parle une fois, et deux fois – et l’on n’y prend pas garde -” et “voilà, Dieu opère toutes ces choses deux fois, trois fois, avec l’homme” Job 33. 14, 29. La tromperie des richesses est comparée à des épines qui étouffent la bonne semence (la parole de Dieu) dans le cœur des hommes pour les empêcher de produire du fruit pour la vie éternelle (8. 14) Matthieu 13. 22 ; Marc 4. 19.
Les riches entrent donc difficilement dans le royaume de Dieu ; il serait plus facile de faire passer un chameau (ou une corde) à travers le chas d’une aiguille, ce qui est matériellement impossible. Imprégnés encore des pensées juives à l’égard des richesses, ceux qui entendent la parole du Seigneur ne comprennent pas comment on peut être sauvé (verset 26). C’est en effet une chose impossible à l’homme de se sauver lui-même ou de sauver son frère ; il faut qu’il y renonce à jamaisPsaume 49. 8-9. Dieu seul peut opérer dans le cœur des hommes, riches ou pauvres, ce qui leur est impossible, le vrai travail de la repentanceJean 6. 44, 65.
L’évangile est d’abord annoncé aux pauvres (4. 18 ; 7. 22 ; 14. 13), par celui qui a été le PauvreEcclésiaste 9. 15 ; Psaume 70. 5, vivant dans la pauvreté pour nous enrichir2 Corinthiens 8. 9. L’évangile a toutefois été reçu par certains riches de ce monde : Zachée et Joseph d’Arimathée (23. 50, 51) ; puis, plus tard, à Thessalonique et à Bérée, par des femmes de premier rang et de qualitéActes 17. 4, 12. Mais, dans l’ensemble, il n’y aura “pas beaucoup de puissants, pas beaucoup de nobles” 1 Corinthiens 1. 26 parmi les rachetés du Seigneur.
On ne peut pas gagner ou acheter le royaume de Dieu ni la vie éternelle. Tout doit être reçu comme un don de Dieu. Mais, pour recevoir ce don divin, il faut abandonner certains avantages terrestres pour l’amour du royaume de Dieu (verset 29). Alors Dieu compense, et au-delà, ce qui a été abandonné pour lui, à la fois dans la vie présente et dans le monde à venir : Dieu ne demeure jamais le débiteur des siens ; sa prérogative et sa joie sont de les bénir et de les combler. Le croyant, par la foi, est ainsi invité à ne pas calculer, mais à s’en remettre à Dieu pour tout.
L’exemple de l’apôtre Paul est particulièrement instructif. Pour lui, toutes choses étaient une perte, estimées par lui comme des orduresPhilippiens 3. 8. En abandonnant ces choses pour Christ, il était méprisé du monde, “devenu comme les balayures du monde, et le rebut de tous” 1 Corinthiens 4. 13. La contrepartie de toutes ces peines était la connaissance de Christ, de la puissance de sa résurrection et de la communion de ses souffrancesPhilippiens 3. 10 ; sur la terre, déjà, les paroles ineffables entendues de la bouche du Sauveur dans la gloire2 Corinthiens 12. 4, prélude à un poids éternel de gloire2 Corinthiens 4. 17.
Quel contraste entre le choix de l’homme riche qui garde ses biens en abandonnant Christ, et le choix de la foi que Dieu place devant nous : nous renoncer nous-mêmes pour gagner Christ et connaître les bénédictions infinies en lui.
Les premiers disciples du début de l’Église, par amour pour Christ, ne conservaient rien de ce qui leur appartenait, mais mettaient toutes choses en commun pour le bien de tousActes 2. 44, 45.