Il en est souvent ainsi dans la vie chrétienne. Tous sont d’un même cœur pendant le combat. Puis, après la victoire, l’énergie de la foi se relâche et les discordances apparaissent parmi le peuple de Dieu, qui tombe même à la fin dans l’idolâtrie.
Après la victoire de Gédéon et de ses trois cents fidèles compagnons, les hommes d’Israël se joignent à eux pour poursuivre Madian. La foi et la fidélité dans le témoignage peuvent ainsi avoir une heureuse influence sur d’autres1. Trois tribus donc (Nephthali, Aser et Manassé2) participent spontanément à la poursuite de Madian.
Par contre, il faut un appel particulier à Éphraïm pour le décider à se joindre à ses frères pour le combat. Toutefois, leur aide est efficace pour couper la retraite des ennemis, puis exercer le jugement sur les deux princes de Madian, Oreb (dont le nom signifie corbeau) et Zeëb (le loup). L’importance et la portée prophétique de cette victoire sont même soulignées dans un psaumePsaume 83. 12.
Après le combat, Éphraïm conteste fortement avec Gédéon, dans un esprit de jalousie. Cette tendance à l’esprit hautain s’était déjà manifestée au temps de Josué. Éphraïm, conscient de sa propre importance, se considérait déjà comme un peuple nombreux et voulait augmenter son héritage sans combattreJosué 17. 14-18. Il faudra attendre des temps futurs pour qu’Ephraïm soit finalement débarrassé de ses tendances : “Et la jalousie d’Ephraïm s’en ira… Éphraïm ne sera pas rempli d’envie contre Juda” Ésaïe 11. 13.
Que le Seigneur nous garde des désastreux effets de la jalousie dans nos rapports avec les frères ! L’esprit d’humilité est une sauvegarde, dont Gédéon donne ici un touchant exemple. S’oubliant lui-même, il souligne ce qu’Ephraïm avait fait pour coopérer à la victoire (8. 2, 3). C’est ainsi qu’ “une réponse douce détourne la fureur” Proverbes 15. 1. Voir Christ dans nos frères, voilà le vrai baume qui apaise les contestations trop fréquentes parmi nous.
L’exemple de Gédéon est d’autant plus important pour nous, qu’il n’a pas été imité plus tard par Jephté, placé dans des circonstances comparables. Pour lui “la parole blessante excite la colère”, et quarante- deux mille personnes d’Ephraïm perdront la vie dans un douloureux conflit (12. 1-6).
D’autres épreuves, plus dures encore, attendaient Gédéon et les trois cents hommes avec lui, “fatigués, mais poursuivant toujours” (v. 4). Après la jalousie d’Ephraïm, c’est le mépris et le rejet de deux villes en Israël, Succoth et Penuel.
Ces deux villes de Penuel (probablement Peniel, dont le nom signifie “face de Dieu”) et Succoth (“cabanes”), près du torrent de Jabbok (au-delà du Jourdain), avaient joué un rôle important dans l’histoire du patriarche JacobGenèse 32. 30 ; 33. 17. Elles se trouvaient maintenant dans le territoire de Gad. Au lieu de la communion avec Dieu (Peniel), leurs habitants cherchent les alliances avec le monde et refusent de se compromettre pour la cause d’Israël. Le caractère d’étranger se perd lorsque le voyageur recherche ses aises dans le monde (Succoth). Telle sont les tristes conséquences de la mondanité de ceux qui avaient méprisé le pays promis pour lui préférer les plaines de Galaad.
Leur attitude n’arrête pas Gédéon dans la poursuite des ennemis d’Israël. Le jugement des villes rebelles viendra plus tard. Ni la fatigue, ni le mépris des faux frères ne devraient arrêter l’énergie de notre foi.
Pour remporter la victoire à Karkor, Gédéon “monte par le chemin de ceux qui habitent dans les tentes” (verset 11), le chemin des voyageurs. Pour vaincre le monde, le croyant doit conserver son caractère de pèlerin céleste. C’est précisément ce que Jacob avait oublié autrefois à Succoth, lorsqu’il avait bâti une maison pour lui et des cabanes pour son bétail.
En définitive, la “sécurité” du camp de Madian est changée en “déroute”, et les deux rois Zébakh et Tsalmunna sont faits prisonniers.
“Le temps est venu de commencer le jugement par la maison de Dieu” 1 Pierre 4. 17. Aussi Gédéon règle-t-il d’abord le cas de Succoth et Penuel (comme il le leur avait annoncé), avant de mettre à mort les rois de Madian.
Un jeune garçon de Succoth vend les anciens de sa ville. Leur bouche est fermée devant Gédéon et leur jugement est un enseignement pour les hommes de la ville (verset 16). La tour de Penuel, orgueil de la ville, est aussi détruite et ses habitants périssent. Ces terribles jugements sont en proportion de la faute impardonnable des deux villes. N’en tirons pas pour autant la conclusion que le chrétien est libre de se venger lui-même, car Dieu seul est le “Dieu des rétributions” Jérémie 51. 56 ; Romains 12. 19. Néanmoins, l’assemblée est responsable de maintenir la sainteté de la maison de Dieu sur la terre, par la discipline1 Corinthiens 5. 13.
Gédéon se retourne alors vers les rois de Madian pour exercer le jugement : ils essaient d’y échapper par la flatterie, en exaltant la beauté de Gédéon et de ses frères (verset 18), comme aussi sa force (verset 21). Leur conduite est conforme à la déclaration du psalmiste : “C’est un sépulcre ouvert que leur gosier ; ils flattent de leur langue” Psaume 5. 10 ; vérité reprise par l’apôtre Paul pour établir la culpabilité de l’homme devant DieuRomains 3. 13. En effet, quelle arme subtile et dangereuse dans la main de Satan que la flatterie du monde (et même des frères).
En même temps, n’était-il pas exact qu’il y avait des traits de noblesse en Gédéon, serviteur de Dieu (“comme la figure d’un roi”) ? Le chrétien fidèle ne cherche pas à se mettre en valeur devant les hommes, mais s’il marche devant Dieu, le monde même reconnaîtra sa dignité morale. Ainsi, les fils de Heth avaient rendu à Abraham (étranger parmi eux) ce beau témoignage : “Tu es un prince de Dieu au milieu de nous” Genèse 23. 4, 6.
Gédéon confie alors le jugement des rois à son jeune fils, Jéther, qui se récuse sous l’empire de la frayeur. Était-ce là une sage initiative de la part de Gédéon ? Un enfant doit d’abord aller à l’école avant de manier l’épée.
Lorsqu’il exerce finalement lui-même le jugement, Gédéon manifeste déjà qu’il est déchu de sa propre fermeté2 Pierre 3. 17 : il prend pour lui les petites lunes (des amulettes) qui étaient au cou des chameaux des rois madianites. La semence de l’idolâtrie germait déjà dans le cœur du juge, au moment même où la victoire complète sur les ennemis était consacrée par la mort de leurs rois.