Près de vingt ans se sont écoulés depuis la triste fin de Jonathan et de Saül. Mephibosheth n’avait que cinq ans (4. 4) à la mort de son père Jonathan ; c’est maintenant un homme infirme (verset 13).
Confondu par la grâce divine, David en mesurait quelque peu l’étendue pour lui-même (chapitre 7). Il désire la manifester à d’autres, comme imitateur de Dieu, en usant d’une “bonté de Dieu”.
Si le règne de David est un règne de justice (8. 15), c’est aussi un règne de salut et de bonté. Cet aspect complète le tableau moral de son royaume, en accord avec la déclaration du psaume : “Il aura compassion du misérable et du pauvre et il sauvera les âmes des pauvres” Psaume 72. 12, 13.
Prophétiquement, il s’agit encore de la période qui précède le règne de gloire et de paix du Messie, lorsqu’il reprendra ses relations avec le
Le premier verset donne le thème de tout ce chapitre. Le cœur de David contenait une provision de grâce qui cherchait un objet pour se manifester. Trois fils de Saül étaient tombés dans la bataille et Ish-Bosheth avait été assassiné. Restait-il encore un descendant de la famille de Saül de cette maison effondrée, dont la ruine était grande ? Mephibosheth, fils de Jonathan, subsistait encore ; boiteux, il vivait caché. Par nature, il aurait pu être compté parmi les boiteux et les aveugles qui avaient mérité la haine de David (5. 8).
Le roi apprend de la bouche de Tsiba, ancien serviteur de Saül et gérant de ses biens, que Mephibosheth résidait à l’est du Jourdain, non loin de Mahanaïm à Lodebar, nom qui signifie “lieu sans pâturage”. Ce petit-fils de Saül, apparemment sans ressources, avait été recueilli par Makir, chez qui il se cachait. En revanche Tsiba avait bien prospéré : il avait quinze fils et vingt serviteurs (verset 10).
Makir semble avoir été dans une situation aisée, à en juger par son intervention ultérieure, avec Barzillaï, en faveur de David (17. 27). Avait-il pris le parti de la maison de Saül, pour cacher ainsi Mephibosheth ? La grâce merveilleuse de David gagnera son cœur et changera ses dispositions.
Mephibosheth avait deux sérieuses raisons de craindre David : il appartenait à la famille de son ancien ennemi et il était boiteux de surcroît. Quelle émotion pour lui d’être appelé par le roi en personne ! De sa propre volonté, il ne serait jamais allé vers lui. Ainsi, l’homme qui se sait pécheur et qui ne connaît pas la grâce de Dieu ne peut que fuir la lumière divine. Le Seigneur a dit : “Nul ne peut venir à moi, à moins que le Père ne le tire” Jean 6. 44. Mais David a dans son cœur un propos de miséricorde, dans sa bouche une parole de grâce et dans sa main la puissance pour bénir.
Amené devant David, Mephibosheth se prosterne sans rien dire. Le roi rompt le silence et l’appelle par son nom : “Mephibosheth”. Puis il ajoute : “Ne crains point”, la parole même que prononcera plus tard le Seigneur pour rassurer son disciple PierreLuc 5. 10. Quelle valeur ont ces mots dans la bouche de celui qui détient tout le pouvoir ! Non seulement, Mephibosheth n’allait pas mourir, mais il allait être pardonné, accepté, nourri, béni, honoré et introduit pour toujours dans la communion avec le roi comme un de ses fils (verset 11). David n’avait donc pas oublié le serment qu’il avait fait à Jonathan1 Samuel 20. 17.
En entendant de telles paroles, si inattendues, Mephibosheth se prosterne à nouveau. Le cœur de David, à la ressemblance du cœur de Dieu, n’aurait pu se satisfaire de manifester une grâce moins complète, moins durable et moins glorieuse.
Tout est assuré dans cette grâce : “certainement” (verset 7) ; rien n’est éphémère : “continuellement” (versets 7, 10) ; elle est : “à toujours” (verset 13).
Le bas état de l’homme, objet de cette grâce, met en relief cette “bonté de Dieu”, et fait apprécier son immense valeur. Mephibosheth confesse qu’il ne vaut pas plus qu’un chien mort. Tout mérite personnel et tout droit à la bénédiction sont abandonnés. Il se savait haïssable, comme tout homme dans ses péchés. David n’a pas cherché à secourir un homme noble ou estimable. La miséricorde ne s’exerce qu’en faveur de personnes misérables. Voilà la manière de Dieu. Un chien mort ! David lui-même s’était estimé tel devant Saül1 Samuel 24. 15 ; aussi, pouvait-il comprendre la force de cette allusion. Mephibosheth avait donc affaire à un sauveur qui s’était lui-même abaissé. Nous aussi, nous connaissons le suprême abaissement du Sauveur du monde obéissant jusqu’à la mortPhilippiens 2. 8.
David ne rappelle pas le passé. Certes, Mephibosheth est toujours boiteux mais ses pieds seront cachés sous la table. Dieu ne reparlera jamais de notre ancien étatPsaume 103. 12.
Mephibosheth mangera à la table du roi. David répète sa promesse à trois reprises (versets 7, 10, 11), et la met en application (verset 13). C’est ce qui a le plus de prix pour le cœur de Mephibosheth. Plus que les champs de Saül, plus que sa maison, ses terres, ses cultures et ses fruits, c’est la personne de David qui compte pour lui, comme il le montrera plus tard (19. 31).
La pensée de David avait été d’user de bonté à l’égard d’un descendant de Saül, son ennemi. Dieu répond à son attente, et lui permet en même temps d’exprimer toute sa grâce envers le fils de son plus tendre ami.
David, dans cette scène touchante, est le type du Sauveur parfait en pardon et en sympathie. La conscience de notre indignité et la foi entière en la bonté surabondante de Dieu, permettent à sa grâce de se déployer “dans des vases de miséricorde qu’il a préparés d’avance pour la gloire” Romains 9. 23.