Ce dernier récit du livre montre d’une manière saisissante comment s’exercent successivement la discipline et la grâce divines, et comment la colère fait place à la bénédiction : “Il y a un moment dans sa colère, il y a une vie dans sa faveur” Psaume 30. 6. La scène se termine par une révélation merveilleuse de l’œuvre de la rédemption.
Par suite de quelque péché dont Israël s’était rendu coupable, la colère divine s’embrase contre lui. Comme le précise le livre des Chroniques, Dieu permet à Satan de tenter le roi David1 (verset 1) 1 Chroniques 21. 1.
David décide donc de dénombrer son peuple. On peut se demander en quoi un tel dénombrement était si grave. Mais tout dépend de l’intention du cœur. A plusieurs reprises, le peuple avait déjà été dénombré :
Ici, le mobile de David est tout autre : “afin que je sache le nombre du peuple” (verset 2). Son succès avait été grand dans le monde d’alentour : son empire était devenu puissant. Il veut connaître la puissance de son armée, pour en tirer une gloire personnelle. Après avoir succombé à la convoitise des yeux et de la chair dans l’affaire de Bath-Shéba, voilà David atteint par l’orgueil de la vie1 Jean 2. 16.
Quelle honte pour David de se faire reprendre par Joab, complètement étranger à la crainte de l’Éternel. La parole du roi est pour lui une abomination1 Chroniques 21. 6, car il ne voyait aucun intérêt à mépriser Dieu dans l’affaire. Beaucoup de gens, sans engagement de cœur, pensent qu’il vaut mieux avoir Dieu pour soi que contre soi. Mais le bon sens de l’homme naturel ne peut rien contre la volonté de Dieu en châtiment, ni contre les ruses de Satan. En définitive, la voix de David est la plus forte, et pendant neuf mois et vingt jours son péché se poursuit jusqu’à son terme. Beaucoup de peine est dépensée pour un résultat d’ailleurs incomplet, car ni Lévi ni Benjamin ne sont dénombrés1 Chroniques 21. 6.
Le résultat du dénombrement ne réjouit pas le cœur de David, mais au contraire le remplit d’amertume. Le fruit de nos péchés nous déçoit toujours. Si Satan cherche à nous séduire avant la chute, il ne nous cache pas après les conséquences de nos folies, mais plutôt les exagère pour nous accabler. Mais lorsque la vie divine est là, la conscience se réveille pour nous amener devant Dieu.
Spontanément, David, repris dans son cœur, confesse sa faute à l’Éternel, sans chercher d’excuses : “J’ai gravement péché… j’ai agi très follement” (verset 10). Il n’en avait pas été ainsi dans l’affaire de Bath-Shéba. David s’humilie sous la puissante main de Dieu, non à cause du châtiment qui doit l’atteindre mais à cause du péché lui-même. C’est pourquoi Dieu lui envoie Gad le prophète.
Après la confession du péché, la grâce peut pardonner, mais la discipline reste nécessaire. Il faut que David apprenne, une fois de plus, que ce qu’un homme sème, il le moissonnera inévitablement de la main de Dieu.
L’attitude de soumission de David devant les divers châtiments proposés par le prophète de la part de Dieu (verset 13) est déjà un sûr indice de son relèvement moral. Il ne voulait tomber ni dans les calamités aveugles de la nature (la famine) ni dans les mains des hommes (les ennemis) mais dans celles de l’Éternel dont il connaissait la miséricorde. Son péché avait été grand (verset 10), sa détresse maintenant était grande (verset 14), mais les compassions de l’Éternel aussi étaient grandes (verset 14) : “Elles sont nouvelles chaque matin”, et “ce n’est pas volontiers qu’il afflige et contriste les fils des hommes” Lamentations de Jérémie 3. 23, 33.
Dieu envoie donc la peste en Israël, l’un des quatre jugements désastreux de l’ÉternelÉzéchiel 14. 21 ; et le fléau va suivre le même chemin que les messagers du roi, qui avaient dénombré le peuple : de Dan à Beër-Shéba, (versets 2 et 15), et cela jusqu’au temps assigné. L’ordre royal du dénombrement était parti de Jérusalem, et c’est à Jérusalem que la plaie s’arrête. Mais ce n’est pas à cause du repentir de David, mais à cause d’un autre déroulement des voies de Dieu (verset 16).
La grâce pouvait-elle être plus glorieuse si ce n’est en s’exerçant sur un Jébusien appartenant à une race ennemi et maudite (5. 6) ? Mais Arauna montre qu’il était déjà touché par la grâce de Dieu et qu’il s’associait de cœur avec son peuple.
David revendique pour lui seul et sa maison la responsabilité du jugement ; puis il intercède pour le peuple : “ces brebis, qu’ont-elles fait ?” (verset 17) 2. Il est à nouveau le bon berger d’Israël, type du Seigneur. Mais si David avait conscience d’être pleinement coupable, le Sauveur, Lui, était innocent ; en donnant sa vie pour ses brebis, il s’offrait volontairement pour porter les péchés des élus.
Cette scène merveilleuse se complète par l’offrande d’un sacrifice offert sur l’autel (verset 25). La miséricorde divine en face du jugement ne peut s’exercer que sur la base du sacrifice expiatoire de Christ à la croix.
Le mont Morija, lieu désigné à Abraham pour l’offrande de son fils uniqueGenèse 22. 2, l’aire d’Arauna le Jébusien et l’emplacement du temple de Salomon2 Chroniques 3. 1, 2 sont un seul et même lieu. Quel site extraordinaire, unique ! là où la victime innocente a été immolée, c’est là même que la grâce arrête la plaie. Le lieu de la substitution devient celui de la propitiation.
Bien des siècles plus tard, et en un lieu tout proche, Golgotha, Dieu se pourvoira de l’Agneau du sacrifice expiatoire qui ôte le péché du mondeJean 1. 29.
Arauna, le Jébusien, dans un esprit de générosité et de respect pour le roi, veut tout offrir. Mais le sacrifice présenté par David, pour lui même et pour tout le peuple, devait être payé de son plein prix. David s’en charge seul pour le compte de tous ; en cela il est un beau type du Seigneur qui a seul acquitté le salaire du péché.
L’autel de Moïse et le tabernacle étaient encore à Gabaon1 Chroniques 21. 29. Un autre lieu de témoignage et de culte est maintenant établi, Sion, la montagne de la grâce royale, choisie par l’Éternel pour son habitationPsaume 132. 13.
Le
Ainsi, le mont Morija, lieu du sacrifice et du jugement, devient le lieu de la miséricorde divine et de la rencontre éternelle de tous les rachetés avec leur Dieu.
A l’occasion d’une circonstance historique, l’Écriture met en valeur la profondeur des richesses et de la sagesse de Dieu. Quel moyen magnifique qui permet la rencontre de la bonté et de la vérité, de la justice et de la paix sans altérer le caractère d’aucune d’ellesPsaume 85. 11.
Le Fils de Dieu, son sacrifice expiatoire et sa mort accomplie à Jérusalem, forment la base de toutes les bénédictions terrestres et célestes ; c’est le fondement sur lequel est bâtie l’Église, aimée du SeigneurMatthieu 16. 16, 18 ; 1 Pierre 2. 6.
Ainsi le livre s’achève sur un nouveau et dernier triomphe de la grâce.