On ne peut qu’être profondément attristé et impressionné par la lecture de ce récit. Attristé, car la conduite de David a porté gravement atteinte à la gloire de Dieu. Impressionné, car si nous voyons de près la faiblesse et la méchanceté de la chair, nous mesurons aussi la grandeur de la miséricorde divine. Les plus grandes faveurs de Dieu à notre égard et le déploiement de tous les soins de sa grâce ne peuvent améliorer en aucune manière la chair qui est en nous !
Les détails de cette triste histoire sont conservés dans les Écritures, pour nous dévoiler tous les secrets du cœur humain. Le péché de David est présenté sous ses divers caractères : adultère, hypocrisie, mensonge et meurtre. Certes, si le péché est confessé, il est ôté aux yeux de Dieu ; mais l’offense demeure et ses conséquences doivent être supportées.
Une chute, même si elle survient subitement, n’est en fait que l’aboutissement de tendances secrètes qui n’ont pas été jugées et ont peut-être même été admises dans le for intérieur : “Du cœur des hommes sortent les mauvaises pensées, les adultères, les fornications, les meurtres” Marc 7. 21. Il suffit d’une occasion favorable et ce qui est en germe dans le cœur se développe pour porter de tristes fruits qui feront verser des larmes amères.
David sera relevé de cette chute comme de ses autres défaillances, car il craint Dieu. Il n’y a en lui aucun endurcissement orgueilleux. Par la confession et la contrition de cœur, il retrouvera progressivement et pleinement la communion avec son Dieu. Néanmoins, le souvenir de sa faute demeurera1 Rois 15. 5.
A part Bath-Shéba, les trois acteurs principaux de ce drame ont été David, Joab et Urie. Le courage et l’énergie naturels de Joab sont bien connus. Homme d’action et d’initiative, il est dur (3. 39) et sans réelle crainte de Dieu. Peu lui importe de se faire le complice d’un affreux péché, pour conserver la faveur de David qui avait le pouvoir. Il aura la même attitude plus tard à l’égard d’Adonija1 Rois 1. 7. David, au contraire, rempli de bonté et d’humilité, manifeste une certaine faiblesse de caractère. Tout en désapprouvant Joab, il se sert de lui en plusieurs occasions. Urie, enfin, est en complet contraste avec Joab, et même avec David. Il fait preuve d’amour, de fidélité, de droiture et de dévouement. En définitive il perdra sa vie par la faute du roi !
David se repose et prend ses aises, alors que son armée est en campagne. Ce moment de paresse et d’oisiveté éteint sa vigilance. Du toit de son palais, il laisse errer ses regards ; amorcé par la convoitise des yeux, il a déjà cédé dans son cœur à la tentation, qui entraîne le péchéJacques 1. 14, 15.
Au doux soleil de la prospérité, la conscience endurcie aux conséquences de ses actes, David profite de circonstances favorables pour céder à la tentation et commettre adultère avec Bath-Shéba. Mais celle-ci n’a-t-elle pas manqué de réserve et de prudence en s’exposant ainsi aux regards des autres ?
L’adultère fournit au roi David un plaisir fugitif payé bien cher. Quelle amère récolte ! Regrets, dégoût, inquiétude, honte, dissimulation, stratagème, conseil des méchantsPsaume 1. 1.
La faute de David et de Bath-Shéba entraîne des conséquences prévisibles : la femme attend un enfant (verset 5). Pour cacher son péché et ses conséquences, David est entraîné dans un enchaînement inéluctable de fautes d’où il ne pourra plus sortir.
Le roi est totalement insensible aux reproches involontaires de celui dont il avait pris la femme. Une fois de plus, il use de sa puissance, et fait appeler Urie. Au péché d’adultère, qui méritait la mortLévitique 20. 10, David ajoute l’hypocrisie (verset 7). Ce n’est certes pas avec sincérité qu’il s’enquiert de l’état de Joab, du peuple, et de la guerre. Il offre un présent à Urie, paraissant avoir pour lui une estime particulière (verset 8). Or, par un présent, on fait “dévier les sentiers du jugement” Proverbes 17. 23. Ce ne fut pas le cas pour Urie. Alors, David cherche à l’enivrer et à le tromper, mais en vain.
Par opposition à la conduite coupable de David, combien brillent les beaux traits du caractère et de la conduite d’Urie ! Il n’exprime que la droiture, le sens du devoir, le dévouement et l’amour pour le peuple de Dieu. David lui-même avait regretté que l’arche de Dieu demeure sous une tente (7. 2) 1. Maintenant, devant le roi endurci par le péché, Urie reprend la même pensée, mais peut-être avec plus de consécration.
Toutes ses tentatives de couvrir le mal ayant échoué, David recourt au meurtre. Il renvoie Urie au combat, mais en fait à la mort, porteur de sa propre condamnation. Il ne craint pas de faire appel à la complicité du malheureux Joab, meurtrier lui-même. David sera désormais le débiteur de son capitaine.
Cette dernière stratégie de David réussit et Urie meurt. Il suffisait que cette mort paraisse fortuite pour sauver les apparences. Entre Joab et David, la connivence est complète. Joab prévoyait la colère justifiée du roi quand le messager décrirait la tactique dangereuse pour prendre la ville2. L’argument décisif pour éteindre la colère du roi tenait en une seule parole : “Urie est mort”. David conclut par une parole de conciliation, un dernier mensonge (verset 25).
Bath-Shéba semble respecter un deuil de convenance pour Urie, mort à cause d’elle. Elle se lamente sur la perte de son mari, mais pas sur son péché. Son attitude ne démontre-t-elle pas sa complicité ?
Elle devient alors l’épouse légitime de David. On a dit que l’inconscience du pécheur est pire que sa mauvaise conscience.
Quelle terrible tableau ! Comment le doux psalmiste d’Israël en était-il arrivé là ?
Le récit se termine sur cette solennelle déclaration divine : “Mais la chose que David avait faite fut mauvaise aux yeux de l’Éternel” (verset 27). Dieu ne pouvait en rester là. Il va entrer en scène par la voix de son prophète.