David veut être seul pour donner libre cours à sa tristesse. Il avait déjà montré son humiliation en gravissant la montagne des Oliviers, pieds nus et la tête couverte. Maintenant, il faut que son cœur et son esprit soient brisésPsaume 34. 19 ; 51. 21. Mais ses sentiments de père l’emportent peut-être sur ses devoirs de roi. Par dévouement pour lui seul, son peuple avait résisté vaillamment aux conspirateurs. Les combattants pouvaient donc attendre légitimement un témoignage de reconnaissance de leur roi. Au contraire, leur victoire est changée en deuil, et le peuple est rendu honteux à cause de celle-ci.
L’affection profonde que David portait à Absalom devait donc faire place à un amour vrai pour l’Éternel seul et à un dévouement désintéressé pour son peuple. Pour cela, le vase de David, cœur et esprit, devait être brisé. Il faut que tout ce qui est de nous soit mis de côté pour que nous puissions jouir de l’amour du Seigneur, et magnifier sa grâce envers les autres.
Joab, meurtrier d’Absalom, ne pouvait apporter aucune consolation à David. Par contre, il se permet de le reprendre durement et l’accuse avec violence d’une ingratitude coupable à l’égard du peuple. Il profère même des menaces : “Si tu ne sors, pas un homme ne demeurera cette nuit avec toi” (verset 8). Pour Joab, le peuple ne devait pas être frustré du fruit de son combat, quelle que soit la tristesse du roi.
David accepte les paroles de Joab, et en tient compte. Chose plus remarquable encore, il ne lui reproche pas le meurtre d’Absalom, car il reconnaissait la main de Dieu qui l’avait frappé. Même plus tard, lorsque David confiera le sort de Joab à Salomon, il ne sera pas question d’Absalom, mais uniquement de sa violence meurtrière envers Abner et Amasa1 Rois 2. 5.
La discipline divine avait porté ses fruits, et David peut reprendre sa place de roi. Dès qu’il s’assied dans la porte (là où se rendait le jugement) tout le peuple se rassemble autour de lui, dans un bel élan spontané. David est à nouveau le centre du troupeau, le vrai berger d’Israël.
Les premières tribus qui se ressaisissent sont celles qui avaient suivi Absalom1.
Il convient de reconnaître sa faute avant de retrouver la paix. Les tribus d’Israël rappellent qu’elles avaient commis l’erreur d’oindre Absalom comme roi sur elles. Pourtant, c’était David, et non Absalom qui les avait délivrées de leurs ennemis.
Tout leur désir est maintenant de voir le roi David à Jérusalem, sur son trône. Elles avaient combattu contre lui, mais comprennent que sans lui, il n’y aurait ni paix, ni joie, ni stabilité gouvernementale, ni victoire sur les ennemis, ni gloire devant les nations. Elles sont les premières à désirer “ramener le roi”.
Il faut que David s’adresse, par le moyen des sacrificateurs, aux anciens de Juda, pour que sa propre tribu sorte de sa passivité, et désire aussi ramener son roi. Sans reproche, David leur rappelle les liens qui les unissaient : “Vous êtes mes frères, vous êtes mon os et ma chair”. Le cœur de tous les hommes de Juda est touché par les paroles de grâce du roi, qui reçoit alors cet appel : “Reviens”.
Mais David va plus loin. Amasa, le chef des armées rebelles, ne méritait-il pas une sanction exemplaire, lui, le propre neveu du roi ? David lui fait dire : “N’es-tu pas mon os et ma chair ?” (verset 14). Il est non seulement l’objet d’une grâce incompréhensible, mais le roi propose de le nommer chef de l’armée à la place de Joab.
Deux hommes, Shimhi et Tsiba, descendent avec les hommes de Juda et Benjamin à la rencontre du roi David. Ils poussent même le dévouement jusqu’à passer le Jourdain sur la rive gauche pour atteindre le roi avant que celui-ci ne passe lui-même le fleuve. Pourtant, ni l’un ni l’autre ne pouvaient avoir la conscience tranquille. Coupables, l’un de violence et l’autre de mensonge, ils étaient passibles d’une juste condamnation.
Shimhi avait été un instrument dans la main de Dieu pour rappeler à David son péché (16. 11), mais sa violence et sa méchanceté étaient inexcusables. Devant le roi, il reconnaît maintenant sa faute. Sa confession, sans amoindrir sa culpabilité, paraît sincère. Dans quelle mesure était-elle dictée par une vraie contrition ou par la peur de la vengeance ? Ne subsistait-il pas en lui de l’orgueil, lorsqu’il se vante d’être le premier de la maison de Joseph à venir au devant du roi ? Étranger à la grâce, Abishaï, toujours égal à lui-même dans sa dureté (16. 9), propose d’exercer un châtiment immédiat sur Shimhi (verset 22). Mais les hommes de violence et de vengeance étaient pour David pire que des étrangers, ils étaient des adversaires. “Aujourd’hui” (verset 23) était un jour de grâce et de pardon, et non de jugement. Il en est de même pour le temps dans lequel nous vivons : “C’est maintenant le jour du salut” 2 Corinthiens 6. 2 et : “Aujourd’hui le salut est venu” Luc 19. 92. David pardonne à Shimhi et lui épargne la vie sous le sceau du serment. Que penser maintenant de la conduite de David ? Dans un sens, il est une illustration de la grâce invariable de Dieu. La douceur qu’il montre lorsque, dans son abaissement, il endurait les injures et les pierres de Shimhi, ne change pas lorsqu’il retrouve son trône. Par ailleurs, David nous montre que ceux qui sont les objets de miséricorde et de pardon, doivent à leur tour user de grâce et pardonner de tout leur cœurMatthieu 18. 23-35. La question subsiste de savoir si la miséricorde de David envers Shimhi n’avait pas négligé la justice qui devait caractériser le trône. David, plus tard, semble le réaliser lorsqu’il donne des ordres à son fils Salomon1 Rois 2. 8, 9. Shimhi devait être jugé, et il l’a été par sa désobéissance.