Dès le début de son règne (la deuxième année), Nebucadnetsar reçoit à son insu des communications divines par des rêves qui le plongent dans un trouble profond. Il faut se souvenir qu’il avait reçu directement de Dieu le royaume avec le pouvoir absolu, de vie et de mort sur les hommes (5. 18, 19).
Dieu lui parlait de façon énigmatique par ces visions, mais avait permis de plus que le roi ait perdu la mémoire de ceux-ci. Pour comprendre le message divin, Nebucadnetsar allait ainsi dépendre complètement de Daniel, le prophète de Dieu.
Le roi se tourne d’abord vers les sages de sa cour : devins, enchanteurs, magiciens et Chaldéens sont appelés en consultation. Voués aux sciences occultes, tous ces menteurs au service des puissances du mal prétendaient révéler les secrets, prédire l’avenir et pénétrer le monde invisible. Malgré l’interdiction formelle de DieuLévitique 19. 31 ; Deutéronome 18. 10, le mal avait même gagné Jérusalem, ainsi qu’en témoigne JérémieJérémie 29. 8, 9. Le monde contemporain ne s’est en rien amélioré sur ce point, avec la prolifération actuelle des activités de voyance, de magie, d’occultisme et d’astrologie.
C’était l’occasion pour Nebucadnetsar de mettre ses devins à l’épreuve ; sa demande, totalement déraisonnable sur le plan humain, était assortie de menaces de mort en cas d’échec ou de promesses de récompenses, en cas de succès. Devant leurs réticences, les devins sont accusés de vouloir “gagner du temps” ou “acheter le temps” (verset 8) 1. Tous les sages s’accordent à reconnaître que la question posée sortait des capacités humaines (versets 10, 11). Saisi d’une ardente colère, le roi met alors ses menaces de mort à exécution, et signe le décret de détruire tous les sages, y compris Daniel et ses compagnons. Humainement, la situation était sans issue.
Mais l’impuissance de l’homme devient l’occasion pour Dieu de faire éclater sa puissance. La main divine avait tout dirigé pour que l’empereur des nations rende gloire au Dieu des cieux (verset 47) ; et le Tout-Puissant avait préparé Daniel pour accomplir ce dessein. Tenu injustement à l’écart de la première consultation, le prophète entre en scène à cet instant critique.
Sa première réaction, sage et prudente, est d’obtenir d’Arioc, le chef des gardes, une audience auprès du roi (elle lui est accordée), et de demander du temps pour interpréter le songe. Comment Daniel pouvait-il être certain, même avec ce délai de grâce, que le secret lui serait révélé par Dieu ? Par la foi, il se confiait pleinement en Dieu qui l’avait envoyé à Babylone et veillait là sur lui.
Ce premier épisode de la vie publique de Daniel à Babylone présente plusieurs traits de similitude avec la situation de Joseph en Égypte. Selon le témoignage même du Pharaon, ce jeune Hébreu, serviteur, était un homme “en qui est l’esprit de Dieu”, qu’il nommera “Tsaphnath-Pahnéakh”, c’est-à-dire : révélateur de secrets, sauveur du monde et soutien de la vieGenèse 41. 12, 38, 45. Joseph avait seulement révélé l’interprétation du songe du Pharaon. Daniel, lui, devait d’abord reconstituer le songe du roi, avant de le lui expliquer.
“Alors, Daniel s’en alla à sa maison” et, comme le psalmiste, s’adonne à la prièrePsaume 109. 4. Il associe dans ce service d’intercession ses trois fidèles compagnons, informés de l’épreuve de sa foi. C’est la première mention dans l’Écriture d’une prière collective. Ils s’adressent au “Dieu des cieux”, titre donné habituellement à l’Éternel depuis que sa gloire a quitté le temple de Jérusalem, et que le gouvernement du monde a été transféré aux nations. Ils ne réclament de Dieu qu’une seule chose : “ses compassions”. Daniel ne demandera rien d’autre dans sa remarquable prière d’humiliation en faveur du peuple (9. 4-19).
Dans un rêve, Dieu révèle à Daniel la vision du roi et lui en donne l’explication.
Daniel ne va pas aussitôt vers le roi pour lui annoncer la révélation du secret. Il se tourne plutôt vers Dieu qui avait répondu à leur prière.
Le “Dieu des cieux” (verset 19) est le Dieu d’éternité et le Dieu souverain : il change les temps et les saisons2 ; il établit et dépose les rois. Il est beau de voir comment un jeune Hébreu en exil, à la merci d’un despote idolâtre, peut reconnaître par la foi la souveraineté universelle de Dieu sur sa création et ses créatures. Même en un temps d’épaisses ténèbres morales (comme pour nous aujourd’hui), la lumière demeure auprès de Dieu (verset 22).
Mais pour Daniel, Dieu avait aussi le caractère plus intime de : “Dieu de mes pères” (verset 23). Ses actions de grâces deviennent plus personnelles, en rapport avec la merveilleuse réponse à sa supplication. Il parle seul à Dieu (je te célèbre, je te loue… tu m’as fait connaître), mais il associe ses trois compagnons (ce que “nous” t’avons demandé). Ils avaient recherché ensemble l’aide divine ; ils sont unis maintenant pour rendre grâces ensemble.
Daniel peut désormais, et sans délai, entrer auprès d’Arioc, qui le conduit en hâte auprès du roi. L’entretien, rapporté dans la fin du chapitre, présente dans l’ordre :
Devant le roi, Daniel déclare d’abord l’impuissance de toute sagesse humaine. Dieu seul révèle les secrets. Déjà déclarée par Ésaïe, cette faculté exclusivement divine est rappelée aux Corinthiens par l’apôtre Paul pour réduire à néant les prétentions humaines dans le domaine de la sagesseÉsaïe 29. 14 ; 1 Corinthiens 1. 19. C’est une leçon d’une actualité particulière.
La source du secret était donc divine. Son but était de révéler à Nebucadnetsar des événements prophétiques le concernant lui-même ou ses successeurs sur le trône des nations. En fait, la portée prophétique du songe de la statue englobe toute la période historique des temps des nations, entre la déportation d’Israël et l’introduction du règne millénaire de Christ.
Ce secret était annoncé par Dieu, “Celui qui révèle les secrets” (verset 29), par le canal de son serviteur Daniel. Avec une remarquable humilité, le prophète se met à l’arrière-plan, et attribue sans réserve toute sagesse et toute gloire à son Dieu, devant le souverain des nations.
Apprenons de Daniel cette leçon d’humilité : sachons nous effacer devant notre Seigneur, pour que le monde puisse voir Christ briller dans les siens !