Ce chapitre commence la troisième partie du livre, qui contient les révélations prophétiques les plus importantes. Ce ne sont plus des scènes relatives aux chefs des empires, qui donnent l’occasion de messages divins interprétés par Daniel. Au contraire, il s’agit maintenant de révélations directes à Daniel au sujet des nations. Ne s’adressant pas directement à Israël, Dieu parle au prophète du peuple et de son histoire dans le cours des temps des nationsLuc 21. 24. Daniel, seul, représente un résidu fidèle aux yeux de Dieu1, dans cette place privilégiée de prophète à qui Dieu révèle ses secretsAmos 3. 7. Les visions prophétiques des chapitres 7 à 11 couvrent toute la période des temps des nations, jusqu’à l’introduction de la période millénaire. L’histoire des puissances politiques distingue l’Occident et l’Orient ; le centre est évidemment Jérusalem et la terre d’Israël, autour desquelles Dieu avait disposé toutes les autres nationsDeutéronome 32. 8.
L’alternance de cette histoire est la suivante :
chapitre 7 : puissance occidentale,
chapitre 8 : puissance orientale,
chapitre 9 : puissance occidentale,
chapitres 10 et 11 : puissance orientale.
Les temps des nations s’écoulent parallèlement à l’histoire de l’Église sur la terre ; celle-ci n’est pas directement en vue, mais n’est pas exclue pour autant. Certains faits historiques passés pour nous (avant même la venue de Christ sur la terre), sont l’image d’événements futurs qui ne s’accompliront qu’après l’enlèvement de l’Église.
La scène du festin de Belshatsar se plaçait à la dernière année (et même au dernier jour et à la dernière heure) de son règne. Maintenant, nous sommes ramenés en arrière, à la première année de ce règne ; Daniel était tombé dans l’oubli à la cour de Babylone, éloigné des affaires du monde par l’ingratitude de ses chefs. Précisément alors, le prophète reçoit une vision du ciel, d’une grande importance.
Les quatre empires des nations étaient présentés en figure comme les quatre parties d’une statue (chapitre 2), pour montrer leur développement chronologique. Un autre symbole est utilisé maintenant (chapitres 7 et 8), celui de bêtes féroces, pour souligner leur violence et leur méchanceté.
La puissance occidentale est décrite par trois visions successives.
Les quatre vents des cieux se déchaînent sur la mer. C’est le symbole de la puissance de Satan, chef de l’autorité de l’airÉphésiens 2. 2 qui s’exerce sur la mer, figure de la masse agitée des peuples. Les quatre bêtes surgissent donc du milieu de la confusion des nations, dans un ordre chronologique souligné par les expressions de transition : “Et voici” (verset 5) ou “Après cela, je vis” (versets 6, 7).
Le lion symbolise la majesté et la puissanceProverbes 30. 30, et l’aigle la rapidité des conquêtes. Lorsque les ailes de cette bête monstrueuse sont arrachées, l’empire décline entre les mains des successeurs de Nebucadnetsar, pour aboutir à un état de faiblesse (la bête est réduite à la force d’un homme), avant de perdre le pouvoir.
L’ours n’a pas la force du lion (l’empire suivant devait être inférieur au premier, selon 2. 39), mais il est plus féroce.
L’ours est dressé sur un côté, car dans l’association médo-perse, la Perse réussit à dominer sur les Mèdes, avec Cyrus. La rapacité de cet empire à engloutir royaume après royaume est aussi soulignée.
Le léopard, bête cruelle et d’une extrême rapidité, est particulièrement adapté pour représenter Alexandre le Grand qui, en un court règne de douze ans, a réussi à conquérir la moitié du monde. Son extrême agilité dans l’action, qui n’a jamais été surpassée par quiconque dans l’histoire, est confirmée par la présence des quatre ailes d’oiseau.
Les quatre têtes de la bête désignent les quatre généraux d’Alexandre, qui se sont disputé le royaume après sa mort. Ce sujet sera traité plus en détail dans le chapitre 8. Deux de ces quatre généraux (et leur descendance) ont joué (ou joueront encore dans l’avenir) un rôle important en rapport avec Israël : Seleucus (le roi du Nord), et Ptolémée (le roi du Midi). Leur histoire sera reprise en détail dans le chapitre 11.
L’attention de Daniel est alors particulièrement attirée par la quatrième bête, “effrayante et terrible et extraordinairement puissante”. On comprend son désir d’en savoir plus sur elle (verset 19).
Il s’agit du pouvoir romain qui a succédé à l’empire grec. Aucune analogie avec un seul animal ne peut la caractériser, tellement elle est différente des royaumes précédents. Son influence majeure a laissé une marque indélébile sur toutes les civilisations occidentales.
Les dents de fer montrent le pouvoir appliqué à subjuguer les nations pour les dévorer ou les détruire (en les foulant aux pieds). Les dix cornes préfigurent la division de l’empire en dix royaumes. Mais une petite corne prédomine parmi les dix, qui a des yeux d’homme et une bouche : l’intelligence et la perspicacité (les yeux) s’allient à d’énormes prétentions de vouloir convaincre toutes les nations (la bouche).
L’importance et la diversité d’action de cette bête est telle que, pour décrire sa forme finale, l’apôtre Jean devra utiliser les figures conjuguées du léopard, de l’ours et du lion, signalant que toute sa puissance vient du dragon (image de Satan) Apocalypse 13. 2. Ainsi, la bête romaine concentre en elle-même toutes les formes bestiales qui avaient caractérisé ses prédécesseurs.
La description se poursuit par une scène de jugement. Les trônes sont placés, et l’Ancien des jours s’assied. C’est l’anticipation d’un jugement judiciaire2. Il n’est pas dit où se trouvent les trônes de jugement, mais celui-ci s’exerce sur la terre. On ne voit encore personne assis sur les trônes. L’Apocalypse révèle que les saints célestes s’y assiéront avec ChristApocalypse 20. 4.
L’Ancien des jours est incontestablement l’Éternel des Armées, le Dieu d’éternité. Dans la vision suivante, il sera distingué du Fils de l’homme, qui est Christ (verset 13) ; mais ailleurs, il lui est identifié (verset 22) Apocalypse 1. 12-16. Le Fils est Dieu dans sa nature, mais distinct dans sa personneJean 1. 1 ; tout le jugement lui est confié, comme Fils de l’hommeJean 5. 22, 27 ; Actes 17. 31.
La solennelle description de l’Ancien des jours rappelle sa dignité, son existence éternelle et sa sainteté immuable. Ses attributs en jugement (le trône et ses roues ; le fleuve qui en découle) sont tous figurés par le feu. La scène se rapproche plus de celle du jugement des vivants, avant le milléniumMatthieu 25. 31, que de celle du jugement des morts devant le grand trône blanc, à la fin du milléniumApocalypse 20. 12-15.
Le jugement est une conséquence des paroles blasphématoires de la petite corne (verset 11) Apocalypse 13. 5.
La bête est tuée, et son corps est détruit. L’empire romain (considéré ici dans son ensemble), objet du jugement de Dieu, perd donc à la fois le pouvoir et son existence même. La vision de Daniel (7. 11) n’est pas en contradiction avec la prophétie de l’Apocalypse, qui montre la bête prise et jetée vivante dans l’étang de feuApocalypse 19. 20. Cette dernière bête désigne le chef de l’empire romain personnellement, et non plus son empire.
Les autres bêtes (figure des trois premiers empires) avaient déjà perdu le pouvoir, mais leur vie avait été prolongée (verset 12). Le jugement de l’empire romain et de son chef, au contraire, sont définitifs.