Le livre de Daniel s’ouvre sur le siège de Jérusalem par Nebucadnetsar au temps de Jehoïakim2 Chroniques 36. 5-8, en l’année -606. C’est la première phase de la déportation de Juda à Babylone.
La déclaration faite par Ésaïe de la part de l’Éternel à ÉzéchiasÉsaïe 39. 6, 7, s’accomplissait à la lettre. Dieu veillait sur sa parole pour l’exécuterJérémie 1. 12. Nebucadnetsar, à son insu, était un instrument dans la main de l’Éternel pour châtier son peuple infidèle, à un moment où le jugement s’imposait car il n’y avait plus de remède2 Chroniques 36. 15, 16.
Le trône de Dieu a été retiré de Jérusalem ; le siège du gouvernement du monde est alors transféré à Babylone, dans le pays de Shinhar, au milieu des nations.
La première mention de Babylone et de la plaine de Shinhar se trouve dans l’histoire des générations de Noé, au moment de la répartition de la terre entre ses fils après le délugeGenèse 10. 10 ; 11. 1-9. Les fils de Cham, notamment Nimrod, se sont installés dans les plaines arrosées par deux des fleuves qui sortaient du jardin d’Éden :
Ces deux nations jouent un rôle capital dans l’histoire du monde en rapport avec Israël.
Shinhar est particulièrement le symbole de l’opposition à Dieu de l’homme et du monde religieux. L’homme bâtit une tour pour se faire un nom ; mais Dieu fait tourner l’entreprise à sa confusion, et Babel devient synonyme de confusion. Puis, le roi de Shinhar est vite mêlé aux conflits des rois de ce monde, en présence d’Abraham, l’étranger célesteGenèse 14. 1, 9.
Ensuite, les trésors mondains de Shinhar (le manteau et le lingot d’or) contenus dans la ville maudite de Jéricho attisent la convoitise d’Acan et causent sa perteJosué 7. 21.
Plus tard, le pays de Shinhar devient le lieu de l’habitation de l’épha porté par les cigognes, signe de la méchanceté sous sa forme religieuse, comme le révèle la septième vision de ZacharieZacharie 5. 5-11.
La Babylone historique, objet de la prophétie en jugement de Jérémie (Jérémie 50 à 52) est l’image du dernier système religieux idolâtre et corrompu, d’où le fidèle est invité à sortir, avant que Dieu lui-même n’exécute son jugement finalJérémie 51. 45 ; Apocalypse 18. 4.
Au milieu de ce système idolâtre, Dieu envoie quatre jeunes Hébreux pour être là en témoignage pour lui. Le roi de Babylone, pour fortifier sa position personnelle au centre de son royaume universel, voulait grouper autour de lui une élite intellectuelle tirée des nations asservies. Le but était d’en faire un corps de magiciens, en rapport avec les puissances des démons, pour le seconder dans ses pratiques occultes1.
En faisant venir à sa cour quatre jeunes Hébreux de descendance royale, Nebucadnetsar ne savait pas que les desseins de Dieu s’accomplissaient. Indépendamment de leur beauté physique, ces jeunes gens devaient être instruits en sagesse, connaissance et science. Cette science se retrouve probablement dans l’empire grec au temps de l’apôtre Paul, sous la forme des “pratiques curieuses” qui existaient à ÉphèseActes 19. 19.
Pour les rendre propres à remplir leurs nouvelles fonctions devant le roi, les jeunes Hébreux étaient soumis, de trois manières différentes, à la pression du monde qui s’efforçait de les assimiler :
Dès l’école, le monde cherche ainsi à imposer aux enfants de chrétiens un modèle social de plus en plus opposé à la vérité de Dieu, contenue dans les “saintes lettres” 2 Timothée 3. 15, c’est-à-dire la parole de Dieu. Encore aujourd’hui, les despotes politiques ou religieux oppriment les minorités ethniques en leur interdisant de parler leurs propres langues ou leurs dialectes.
La nourriture provenait probablement de sacrifices offerts aux idoles de Babylone ; en outre, un Juif ne pouvait manger que des bêtes pures, en s’abstenant de toucher à la graisse et au sangLévitique 7. 22-27 ; 11. Plus profondément, le danger est celui de la souillure spirituelle. La nourriture du roi est le symbole de tout le système du monde loin de Dieu, organisé dès Caïn et sa descendanceGenèse 4. 21, 22. La culture, les arts, les techniques, les sciences, la vie politique sont un réel danger pour le chrétien. Le vin, image des plaisirs du monde, ôte le discernement et le sens spirituelOsée 4. 11 ; Éphésiens 5. 18.
Donner un nom à une personne, ou même à tout être vivant, est une preuve d’autorité, déléguée par DieuGenèse 2. 19. Ici, le roi des nations, par l’intermédiaire du prince des eunuques, change le nom des quatre jeunes Hébreux.
Daniel (juge de Dieu ou Dieu est juge) est appelé Belteshatsar. Selon le témoignage du roi lui-même, c’était le nom de son dieu (4. 5). La mention de ce dieu est probablement faite par Ésaïe : Bel et NeboÉsaïe 46. 1.
Hanania (donné de Dieu en grâce) est appelé Shadrac.
Mishaël (qui est comme Dieu) est appelé Méshac.
Azaria (celui que Dieu aide) est appelé Abed-Nego.
Ces trois derniers noms chaldéens sont probablement ceux de divinités de Babylone.
Pensons à la souffrance de ces quatre hommes de foi, placés au milieu d’un environnement étranger et hostile et auxquels le monde tentait de faire perdre leur identité. Daniel et ses compagnons allaient-ils se soumettre ainsi à la pression du monde ? Devaient-ils abdiquer leur caractère de serviteurs du vrai Dieu pour agir en Chaldéens à la cour de l’empereur des nations ?
La réponse de Daniel2 est de toute beauté : dans son cœur, le siège des affections, il décide de ne pas se souiller. Daniel seul est mentionné ici, mais ses trois compagnons exprimeront la même décision de cœur pour Dieu, en face de l’épreuve de la fournaise de feu (3. 18). En se tenant à l’écart du monde et de ses principes, ces quatre jeunes Hébreux revêtent ainsi le caractère de nazaréens fidèles : ceux-là mêmes que Jérémie avait cherchés en vain dans la ville de Jérusalem avant la déportationLamentations de Jérémie 4. 7, 8.
La ruine de la chrétienté et la faiblesse du témoignage rendu à Christ ne sont donc pas une excuse pour que chaque croyant ne s’applique pas à refléter devant le monde les caractères de son Seigneur, séparé des pécheurs, le parfait NazaréenHébreux 7. 26.
L’attitude de Daniel peut être rapprochée de celle d’Esdras qui, plus tard, “avait disposé son cœur” Esdras 7. 10. Ces deux hommes de foi ont en commun leur entière soumission à la loi de l’Éternel. Ainsi, l’obéissance à la Parole de Dieu est présentée ici comme le premier caractère moral du résidu fidèle à Babylone.
Les paroles de Daniel au prince des eunuques reflètent en même temps une douceur que l’apôtre Pierre nous invite à imiter, lorsque le monde nous demande raison de notre espérance1 Pierre 3. 15. Cette humilité d’esprit, deuxième caractère moral du résidu, permet de réaliser la séparation du monde d’une manière agréable à Dieu.