Nebucadnetsar devait connaître l’interprétation de son rêve et les pensées de son cœur (verset 30).
Dans cette vision qu’il avait oubliée, mais qui le hantait, une grande statue lui était apparue. C’était une image unique, la statue d’un homme : “l’homme qui est de la terre” Psaume 10. 18. La “splendeur extraordinaire” de la statue exprime la gloire humaine publique et terrifiante de cet homme de la terre, qui possède le pouvoir et règne sur toutes les nations.
Vue comme un tout, la statue comprend néanmoins quatre parties, soigneusement distinctes ; elles sont finalement toutes détruites par l’action d’une pierre qui devient elle-même une grande montagne.
Il ne reste plus rien de l’autorité confiée à l’homme pour un temps. La domination de “la pierre” s’étend à toute la terre.
En examinant cette statue de la tête aux pieds, on constate une dégradation de la valeur des métaux qui la constituent ; la composition est aggravée par la présence d’argile (sans résistance appréciable) dans les pieds.
Telle était la vision. Daniel en donne maintenant l’interprétation.
Les quatre parties de la statue symbolisent les quatre empires des nations, qui se sont succédé à la tête du monde : Babylone, les Mèdes et les Perses, l’empire grec, et l’empire romain1.
Le symbole de dualité (deux jambes et deux pieds) laisse entrevoir une division intérieure, qui a effectivement eu lieu entre les deux empires d’orient et d’occident. En même temps, l’intrusion d’une matière étrangère (l’argile) dans les pieds (et leurs orteils) explique la vulnérabilité de ce système humain, et sa destruction finale, qui s’étendra à tous les empires avec lui. Ce mélange d’argile3 (verset 43) symbolise ici l’infiltration des barbares dans l’empire romain, qui a détruit son intégrité, diminué sa force et hâté sa fin. Non seulement les cultures des deux systèmes (romain et barbare) n’étaient pas compatibles, mais les principes de gouvernement de chacun d’eux étaient opposés l’un à l’autre. Le pouvoir romain était centralisé (c’est de là qu’il tirait sa vraie force), tandis que celui des barbares était basé sur la démocratie : le peuple commandait4.
Dans l’histoire du monde, ce quatrième empire est le plus important. Il dominait encore à la venue de Christ sur la terre. S’il n’existe plus aujourd’hui, il doit néanmoins réapparaître, pour être finalement détruit par Christ, à son apparition en gloireApocalypse 17. 8, 11, 14.
Alors, sans transition, est introduit le dernier royaume, celui de Christ, stable pour toujours. C’est un acte de puissance du “Dieu des cieux” (verset 44), le “grand Dieu” (verset 45) qui condescend à révéler sa pensée au premier roi des nations.
L’assurance du prophète touchant la véracité de son message et la rigueur de son interprétation est tout à fait remarquable. C’est le sceau de la révélation divine, même si elle est transmise par un humble canal humain. En contraste, tout ce qui émane de l’homme reste flou et équivoque.
La conclusion de cette scène est étonnante. Le grand monarque, qui tenait la vie de tous dans sa main, se prosterne maintenant devant Daniel, un humble prophète. La situation rappelle celle de Jacob, le berger méprisé, qui bénit le Pharaon, le puissant roiGenèse 47. 7, 10 ; Hébreux 7. 7.
A tort, du reste, Nebucadnetsar présente une offrande et des parfums à Daniel, plutôt qu’à Dieu. Tel était bien le caractère des païens, d’honorer la créature plutôt que le créateurRomains 1. 25. Toutefois, le roi rend gloire à Dieu et à son omniscience. La suite de l’histoire (chapitres 3 et 4) montrera que la conscience du roi n’avait pas encore été touchée à ce moment.
Enfin, Daniel est élevé en dignité et en puissance à la cour du roi. Dans sa position de suprématie, il n’oublie pas ceux qui avaient persévéré avec lui dans l’épreuve. Dieu les avait sauvés de la mort, et sa providence les place maintenant dans la proximité immédiate du pouvoir, à la porte du roi, là où le jugement se rendait. Ils n’occupaient pas cette position pour partager ce pouvoir avec le monde, mais plutôt pour y être des témoins de la sainteté de leur Dieu : la fournaise de feu pour les trois Hébreux (chapitre 3) et la fosse aux lions pour Daniel (chapitre 6) seront le prix à payer pour leur témoignage.