Le monde n’est pas présenté ici sous son caractère de persécution religieuse (chapitre 3) ou d’orgueil (chapitre 4), mais sous la forme plus subtile de l’impiété et du mépris délibéré des choses de Dieu.
Historiquement, le récit se place à la fin de la période de domination du royaume de Chaldée, la tête d’or de la statue (2. 38), avant que n’apparaisse le royaume médo-perse, figuré par la poitrine et les bras d’argent (2. 39). Le festin de Belshatsar et le jugement qui en a été la solennelle conclusion établissent précisément la transition entre ces deux royaumes. Ce n’est plus un acte direct de souveraineté divine qui confie le pouvoir aux nations, mais un transfert providentiel d’autorité.
Le nom de Belshatsar, qui signifie prince de Bel, garde l’empreinte des faux dieux de Chaldée et de Nebucadnetsar (4. 5) Ésaïe 46. 11.
Dans cette nuit de festin et d’orgie, Belshatsar, probablement sous l’emprise de la boisson, commande de faire apporter les ustensiles de la maison de Dieu. Non seulement, les invités s’en servent pour y boire du vin, ce qui était une profanation ; mais ils les associent au culte de leurs faux dieux (verset 4), pour provoquer le vrai Dieu.
Dieu avait bien livré son autel et son sanctuaire aux mains des nations, à cause de l’infidélité de son peupleLamentations de Jérémie 2. 7. Mais les ustensiles de sa maison restaient saints, consacrés, et quel droit les nations idolâtres avaient-elles de les profaner ? Quand il n’y a en apparence plus de témoins, Dieu prend lui-même soin de sa gloire. Les Philistins en avaient fait la douloureuse expérience en présence de l’arche dont ils s’étaient emparés1 Samuel 5.
Dieu n’agit que lorsque l’iniquité est parvenue à son comble, comme le montrent les exemples des AmoréensGenèse 15. 16 ou de Juda2 Chroniques 36. 16. C’était bien le cas : l’insolence de Belshatsar et de ses mille méritait une intervention divine immédiate. Ce n’est pas par un déploiement de puissance angélique que Dieu parle : ce sont “les doigts d’une main d’homme”, dirigés de façon mystérieuse, qui écrivent sur la muraille du palais le jugement divin du roi impie et infidèle. C’était bien le doigt de Dieu : les devins d’Égypte l’avaient autrefois reconnu comme seul capable de créer la vieExode 8. 15. Puis, en Horeb, les tables de la loi portaient une écriture divineExode 32. 16.
Ici, la sentence de jugement est signée par Dieu lui-même (verset 5). Incapable de comprendre le message, le roi est saisi de terreur : “C’est une chose terrible que de tomber entre les mains du Dieu vivant” Hébreux 10. 31.
Belshatsar, comme Nebucadnetsar autrefois (2. 2), fait appel aux enchanteurs du royaume pour lire l’écriture et l’interpréter ; leur incapacité augmente encore le trouble du roi (verset 9).
La reine, à l’ouïe de la scène, entre dans le palais. C’était probablement la Reine Mère, fille de Nebucadnetsar, la propre mère du roi Belshatsar. Absente du festin impie, elle n’approuvait pas la conduite de son fils. L’histoire de la cour de Babylone lui avait laissé le souvenir de Daniel, dont le nom même semblait être tombé maintenant dans l’oubli. C’est ainsi que le monde oublie toujours l’homme pauvre et sage qui délivre la villeEcclésiaste 9. 13-18.
Daniel est alors introduit devant le roi (verset 13). Les services que le prophète avaient rendus à Nebucadnetsar reviennent à la mémoire de Belshatsar, au temps de sa détresse. Le roi promet à Daniel richesses et pouvoir2, s’il peut interpréter l’écriture.
La dignité de Daniel en présence du roi, et en réponse à ses offres, est très belle. Le croyant fidèle ne peut rien recevoir du monde, comme Abraham refusant les présents du roi de Sodome, après la défaite des roisGenèse 14. 22, 23. Le service pour Dieu ne peut jamais être rémunéré par des valeurs mondaines.
Avant d’interpréter l’écriture, Daniel rappelle, dans l’ordre, à Belshatsar :
L’écriture divine sur le mur annonçait un jugement immédiat, en conséquence des faillites successives des chefs de l’empire de Chaldée. Le message était écrit en chaldéen, leur propre langue. Pour les sages, les mots n’avaient pourtant aucun lien entre eux, et leur portée était indéchiffrable. Mais Daniel, conduit par le Saint Esprit, en donne la clef :
A cette balance, Belshatsar est trouvé en manque de poids, à l’image des fils du commun (dans leur vanité) et des fils des grands (dans leur mensonge) Psaume 62. 10.
Ainsi que l’a écrit un commentateur, « le récit présente le dernier caractère de l’iniquité de la puissance des nations contre le Dieu d’Israël, et le jugement qui en résulte pour la monarchie dont Babylone a été le chef, et à laquelle elle avait imprimé son caractère ».
Quel a été l’effet sur Belshatsar de cette terrible sentence ? En dépit des refus de Daniel, le roi l’investit sur-le-champ et publiquement des honneurs promis (verset 29). Avait-il la moindre conscience de l’imminence de son jugement ? N’était-il pas aussi insensé que le riche de la paraboleLuc 12. 20 ? En cette nuit-là, la mort violente de Belshatsar consacre la chute finale de la Babylone historique, annoncée à l’avance par le prophète JérémieJérémie 51. 54, 55. Le pouvoir est immédiatement transféré à l’empire médo-perse.
Prophétiquement, cette scène est l’image du jugement de la seconde Babylone, décrit en détail par l’apôtre JeanApocalypse 18. 10. Ces deux jugements de la ville coupable (jugement historique passé et jugement prophétique futur) sont accompagnés du même pressant appel de Dieu adressé aux siens de sortir du milieu d’elleJérémie 51. 45 ; Apocalypse 18. 4.