Le ton habituel de l’apôtre se modifie jusqu’à la fin de l’épître : moins tendre et avec moins d’ouverture de cœur, plus ferme, malgré quelques exceptions (10. 1, 2 ; 12. 15).
Le fil conducteur de la lettre reste pourtant le même. Il s’agit de préparer le chemin de Paul pour sa prochaine visite à Corinthe, qui avait été retardée pour plusieurs raisons déjà rappelées.
L’apôtre est contraint de plaider pour son autorité apostolique, contestée par plusieurs. S’il agit ainsi, ce n’est pas pour se défendre lui-même ; mais son but est de délivrer les Corinthiens d’un nouveau danger déjà annoncé : à savoir la contestation du message par la critique du messager (2. 17 ; 5. 12). Par sa première attaque, Satan les avait mis dans un état charnel qui les rendait indifférents au mal. Ayant été délivrés, les voilà maintenant en prise à une seconde attaque du diable : les faux prophètes et les faux docteurs tentaient de séparer les Corinthiens de Paul en le calomniant. Ils étaient en danger d’être séduits, bien que purs de cœur pour la plupart (7. 11).
Cela nous montre combien, lorsque nous avons remporté une victoire, il est nécessaire de continuer à veiller car notre adversaire, lui, continue à rôder autour de nous.
Les mauvais ouvriers de Corinthe faisaient donc un travail souterrain pour miner l’autorité de Paul et de ses lettres, et par conséquent la parole de Dieu. Finalement, derrière eux, Satan lui-même s’attaquait au Seigneur (11. 3).
Paul dénonce les vrais caractères de ces ennemis : égocentriques et calomniateurs, ils accusaient l’apôtre de duplicité. On a pensé que c’étaient des Juifs judaïsants qui profitaient du bas état spirituel des Corinthiens pour introduire leurs fausses doctrines. L’apôtre va s’adresser à tous, mais spécialement à ceux qui se sont vraiment repentis. Ce serait grave qu’ils laissent faire ces mauvais ouvriers sans réagir. Il serait encore plus grave et plus triste de prêter une oreille complaisante à leurs paroles calomnieuses. Reconnaissons que la tendance naturelle de nos cœurs est de croire facilement le mal. Quelle affreuse ingratitude c’eût été de leur part, quelle méfiance coupable ! Paul souhaite vivement que tout soit réglé avant son arrivée, afin de ne pas être obligé de sévir, mais, au contraire, de pouvoir se réjouir de leur accueil, comme des enfants obéissants retrouvent leur père longtemps absent. Mais s’il y avait encore parmi eux des rebelles, la verge serait dans sa main. Que ceux-ci le sachent !
L’apôtre va être contraint de parler de lui-même, de son travail, des fruits de ce travail et des souffrances qui en découlent. Ses opposants étaient loin d’avoir le même palmarès.
Il faut qu’il y ait concordance entre le don et l’état spirituel de celui qui le possède et l’exerce. A propos de Paul, un commentateur a écrit : « Sa parole correspondait à ses actes, et l’état de son cœur correspondait à ses paroles ». Il était imitateur de ChristJean 8. 25 ; Psaume 17. 3.
Le chapitre 10 se divise en trois parties :
Paul, tout en préparant une des plus fortes réprimandes qu’il ait écrites, commence par un ton calme et serein, et même humble et délicat. Il tient à ce que son exhortation, qui devient même une supplication (verset 2), soit accompagnée de douceur et de débonnaireté, à l’exemple de l’homme Christ Jésus. Quand il écrira plus tard son épître aux Romains, il les exhortera “par les compassions de Dieu” Romains 12. 1.
Tout en prenant la responsabilité personnelle de ses propos (“moi-même, Paul”, “je vous exhorte”, “moi qui”) il s’en réfère à Christ, comme il l’a fait bien des fois :
Ces deux derniers mots, douceur et débonnaireté, sont presque synonymes1. Notre Seigneur, dont le pouvoir était illimité, s’est montré ici-bas d’une douceur et d’une humilité extrêmes. Il fut rejeté par un monde où seuls l’arrogance et l’orgueil prévalent. Fidèlement, Paul revêt les mêmes qualités que son Maître. On disait de Paul que sa présence personnelle était chétive ; mais n’avait-on pas dit de Christ : “Il n’y a pas d’apparence en lui pour nous le faire désirer” Ésaïe 53. 2 ?
Il ne faut pas confondre faiblesse avec lâcheté, ni douceur avec mollesse vis-à-vis du mal. Si ses intérêts personnels seuls sont en jeu, il sera débonnaire. Si ce sont ceux de Christ, il fera preuve de hardiesse, d’assurance et d’une sainte jalousie.
Paul annonce ses intentions. Son humilité n’est pas incompatible avec son énergie et la conscience qu’il a de sa mission. Ses ennemis l’avaient déjà critiqué au sujet de son comportement, qu’ils estimaient versatile (1. 17). Puis ils avaient épié l’apôtre, en quête d’un signe de malhonnêteté (8. 20). Ici, ils ont l’audace de le traiter de charnel. Plus loin, ils l’accusent d’être double. Que tout cela est honteux et immérité. Souvenons-nous qu’un outrageux est qualifié de méchant1 Corinthiens 5. 9-13. Certes, l’apôtre avait écrit : “Calomniés, nous supplions” 1 Corinthiens 4. 13, mais était-il admissible qu’on le taxât de marcher “selon la chair” ? Non, il ne permettra pas que les Corinthiens jugent sa marche charnelle. Ce sont précisément ces diffamateurs qui étaient charnels. Il importait que ceux-ci soient réduits au silence avant son arrivée, sinon son pouvoir s’exercerait et il n’épargnerait pas. Il précisera plus loin cette action (10. 3-6 ; 13. 2).