Il est triste que l’apôtre ait été contraint de se recommander lui-même en faisant l’insensé, c’est-à-dire en parlant beaucoup trop de lui, à son gré. Ce n’était pas à lui de proclamer l’excellence de son ministère, mais bien aux Corinthiens. N’avaient-ils pas eu sous les yeux les preuves les plus incontestables de son apostolat ? Cela coulait de source. Qu’est-ce qui les empêchait donc d’apprécier le travail de Paul à sa vraie valeur ?
Dieu avait rendu témoignage par l’apôtre, non seulement avec toute patience (verset 12), mais aussi par “des signes, des prodiges et par divers miracles” Hébreux 2. 4 ; Actes 2. 43. Les Corinthiens avaient-ils toujours un “méchant cœur d’incrédulité” Hébreux 3. 12 ? Étaient-ils semblables aux disciples auxquels le Seigneur est obligé de dire : “Croyez-moi… sinon, croyez-moi à cause des œuvres elles-mêmes” Jean 14. 11.
Au lieu de prendre la défense de l’apôtre en son absence contre les faux ouvriers, les Corinthiens les écoutaient et les respectaient plus que lui. En présence de ces imposteurs, ils manquaient de discernement. Leur état charnel faisait d’eux une proie facile.
Ne voyons pas de contradiction dans ce verset 11. Se glorifier soi-même devant Dieu est insensé. Mais se glorifier devant les Corinthiens n’est pas insensé (verset 6). Il suffit à Paul de dire la vérité sur sa vie. L’homme en Christ peut se glorifier devant Dieu (verset 5), mais la présence de Christ en lui en fait le plus excellent des apôtres. Il y a une parfaite harmonie dans sa personne :
Parmi tous les privilèges qu’ont eus les assemblées visitées par Paul, il y en a néanmoins un qui a manqué aux Corinthiens et qui leur manquera : c’est celui de le prendre en charge matériellement. En cela, ils seront inférieurs aux autres assemblées qui avaient suppléé à ses besoins. C’est un reproche qu’il leur fait, et plus ou moins ironiquement il leur en demande pardon. Mais il gardera cette attitude d’indépendance matérielle au risque de refroidir leurs affections pour lui, car ils pouvaient se sentir frustrés.
Il s’était déjà expliqué sur ce sujet. Leur état charnel, la malveillance de certains le conduisaient à la prudence pour éviter de donner occasion à la médisance. Leurs dons éventuels auraient-ils le caractère d’un “parfum de bonne odeur, en sacrifice acceptable, agréable à Dieu” Philippiens 4. 18 ?
“Voici, cette troisième fois, je suis prêt à aller vers vous” (verset 14). Pourquoi parle-t-il de troisième fois alors que ce ne sera que la deuxième ? On a pensé qu’en fait c’était bien la troisième fois qu’il se préparait à y aller. Mais nous avons vu (1. 5) que la deuxième fois n’avait pu avoir lieu. Cependant, il n’avait jamais renoncé définitivement, et il ne veut pas les surprendre. Il est prêt à revenir. Mais seront-ils prêts à le recevoir ?
Paul ne sera jamais leur débiteur quant aux choses matérielles. Il avait lui-même répondu à leurs besoins spirituels. Il les avait enrichis de trésors célestes. Il était leur père spirituel, et son attitude ne démentait pas son amour pour eux. Selon la règle de la nature (verset 14), il avait bien amassé pour ses enfants spirituels (et non l’inverse), en vue de leur seul bien.
Le cœur de l’apôtre s’ouvre alors (verset 15) pour nous montrer au plus haut degré le désintéressement complet de son amour. Rien, même pas l’ingratitude des Corinthiens, aussi douloureuse soit-elle, ne l’empêchera de rechercher leur bien spirituel. L’amour ne cherche pas son propre intérêt. C’est l’amour dans toute sa pureté. C’est l’amour selon Dieu1.
Parmi les calomniateurs, certains n’hésitaient pas à insinuer que Paul extorquait de l’argent aux Corinthiens indirectement ou par l’intermédiaire de Tite et de ses collaborateurs. Triste et sordide pensée !
Mais il prend une fois de plus un ton ironique en se qualifiant lui-même de rusé. En fait, il se moque de ces ennemis. Ce mot “rusé” est, paraît-il, un terme de chasse et fait allusion au piège de l’oiseleur, par exemple. Ce sont les accusateurs qui tomberont dans le piège qu’ils lui avaient tendu.
Il réfute donc cette ultime calomnie en posant quatre questions à ses frères, en leur laissant le soin d’y répondre.
Tous ceux qui étaient droits de cœur à Corinthe ont certainement eu une grande honte que de telles questions leur soient ainsi posées.
En tout cas, si Paul a tenu ces longs discours (chapitre 11 et 12), ce n’est pas qu’il ait eu mauvaise conscience, loin de là. Il ne se sent pas tenu de se justifier devant eux, mais il veut justifier son ministère.
En tant que serviteur, c’est devant Dieu qu’il se tient et non devant eux. “Je n’ai rien sur la conscience, mais par là je ne suis pas justifié, mais celui qui me juge, c’est le Seigneur”, avait-il déjà écrit dans la première épître1 Corinthiens 4. 4. C’est l’attitude du prophète Élie qui pouvait dire : “l’Éternel devant qui je me tiens” 1 Rois 17. 1. Paul était devant Dieu (2. 17), et parlait devant Dieu en Christ (12. 19).
Une fois encore, et ce n’est pas la dernière, il garantit que son premier désir est leur édification. Et même si son ton est sévère, il les appelle pour la deuxième fois “bien-aimés” (7. 1).
Combien il est solennel de constater ce contraste absolu entre :
Paul s’était réjoui d’avoir confiance à leur égard, en toutes choses (7. 16). Il s’était glorifié à leur sujet (1. 14 ; 9. 2). Mais il craint maintenant d’éprouver déception, humiliation et affliction en constatant l’absence de vraie repentance chez quelques-uns. Au début de l’épître, il leur avait dit que c’était pour leur éviter la verge qu’il avait retardé sa venue (1. 23 ; 2. 1). Maintenant le temps de la patience arrivait à son terme et l’avertissement se fait plus pressant.
Que se passait-il donc encore à Corinthe ? Beaucoup de problèmes moraux subsistaient, conséquence de l’esprit de parti dénoncé dans la première épître ; essentiellement des difficultés de relations entre frères (verset 20) : rivalités, méfiance, disputes, médisance. L’orgueil est à la base de tout : “Ce n’est que de l’orgueil que vient la querelle” Proverbes 3. 10. Ces manifestations de la chair caractériseront les temps fâcheux de la fin2 Timothée 3. 1-5.
Une repentance superficielle laissera le mal réapparaître comme une mauvaise herbe. La truie lavée retournera se vautrer dans le bourbier2 Pierre 2. 20-22. La chair, répétons-le, ne peut être améliorée.
Hélas, à ces divisions intestines et à ces impuretés de l’esprit, s’ajoutaient des égarements moraux et des vices grossiers (verset 21). Ceux-là non plus, semble-t-il, n’avaient pas été complètement jugés et abandonnés.
En plus de l’humiliation de Paul et des Corinthiens, il fallait celle des pécheurs eux-mêmes. Elle devait être vraie, profonde et s’accompagner des fruits de la repentance. A défaut, l’apôtre leur apparaîtrait “tel qu’ils ne voudraient pas” (verset 20) c’est-à-dire avec la verge. Il ne précise pas de quelle manière cette verge s’exercerait, mais le temps de la patience étant révolu, il n’épargnerait pas.
Aujourd’hui cet enseignement des apôtres invite encore chaque assemblée à ne pas supporter le mal en elle. Chacune doit juger et ôter un mal qui n’a pu être soigné et guéri ; elle a l’autorité pour le faire. Si elle ne le fait pas, elle sera elle-même jugée par le Seigneur1 Corinthiens 11. 31, 32 ; Apocalypse 2. 5.