Le sujet du chapitre 10 se poursuit ici ; toutefois, le danger qui menaçait les Corinthiens était plus sérieux qu’on pouvait le penser à priori. Aussi, l’apôtre hausse-t-il le ton, car ses craintes sont vives.
Paul n’avait jamais d’autre but que le bien des Corinthiens et la gloire de Dieu. Ses armes n’étaient pas charnelles, avait-il écrit (10. 4). Il va néanmoins en faire usage, c’est-à-dire qu’il va parler de lui, de son comportement envers eux, de ses titres naturels, de sa vie de service.
S’il se met sur le même terrain que ses adversaires, c’est, non seulement pour les convaincre avec leurs propres arguments, mais surtout pour gagner le cœur des Corinthiens. Quant à la chair et à ses privilèges naturels, en effet, Paul pouvait supporter la comparaison : il ne leur était en rien inférieur. Et quant au dévouement et aux souffrances pour Christ, il leur était grandement supérieur.
Le chapitre 11 présente trois sujets principaux très imbriqués :
Pour la clarté du commentaire, les deux premiers thèmes ont été regroupés en un seul paragraphe.
Paul va donc se résoudre à parler de lui pour conserver la confiance des Corinthiens, que d’autres voudraient ravir. Il leur demande de le “supporter” lui aussi, eux qui étaient si facilement enclins à supporter n’importe qui et n’importe quoi (versets 4, 20).
Mais, pour Paul, parler de soi est une folie. Il va être volontairement et consciemment insensé. Pourquoi ? Parce qu’il est jaloux d’une jalousie de Dieu. Il est jaloux “pour Dieu”, de même qu’il avait supplié “pour Christ” (5. 20).
Loin de lui une jalousie pour lui-même ! Son propre intérêt n’a aucune importance. Même les sentiments des Corinthiens à son égard passent après leurs vrais intérêts et ceux du Seigneur. Tel est l’esprit d’un vrai conducteur. Moïse ne souhaitait pas qu’on soit jaloux pour luiNombres 11. 29, mais pour Dieu et pour sa gloire1.
Paul (verset 2) se place dans le rôle de parents qui présenteraient leur fille à un digne prétendant. Leur unique désir est la joie du mari et de leur fille, qu’ils lui donnent comme épouse. Ils ne pensent pas à eux, mais leur joie dépend du bonheur des époux. Ils estiment que le fiancé a droit à la chasteté de sa fiancée ; elle s’était conservée tout entière dans la pureté pour lui.
Paul avait le “discernement d’esprit” 1 Corinthiens 12. 10. Sa clairvoyance contrastait avec l’insouciance des Corinthiens qui ne voyaient pas le danger. Attention, leur écrit-il, Satan a réussi au début à faire tomber l’homme ; il a détruit le travail du Créateur. Maintenant, il s’attaque au travail du Rédempteur.
Ce chapitre fait plusieurs fois référence aux récits du début de la Genèse :
Sa ruse n’a pas changé. Il conteste, il interprète et fausse les paroles de Dieu. Au début, Ève n’avait pas de pensée de contestation, pas de “pourquoi”. Mais Satan insuffle, suggère et, finalement, corrompt et détourne les pensées. De même, dès le début de l’Église, le diable s’est servi d’hommes corrompus, pour corrompre les autres1 Timothée 6. 5.
Veillons à ce que nos pensées aient la simplicité et la pureté de la colombe quant à Christ. Les pensées naturelles au cœur de l’homme sont très compliquées et s’accompagnent de “beaucoup de raisonnements” Ecclésiaste 7. 29. Au contraire, les croyants sont invités à être toujours “sages quant au bien, et simples quant au mal” Romains 16. 19.
Les deux seules fois où Ève est mentionnée dans le N.T. (verset 3) 1 Timothée 2. 14, c’est pour rappeler la victoire de Satan sur elle. Il s’attaque toujours aux faibles. Or les Corinthiens étaient encore bien faibles spirituellement.
Tels que je vous connais, dit Paul, vous êtes capables de tout accepter. Il leur dévoile la nature du mauvais travail de ces ouvriers, qui attaquaient en bloc la base du christianisme. Ils prêchaient un autre Jésus, un esprit différent et un évangile différent.
Mais les Corinthiens n’étaient pas les seules victimes du travail de l’ennemi. Au commencement, le mal consiste à laisser faire, à “supporter”. Ce mot revient souvent (versets 4, 19, 20). Le reproche de supporter le mal en leur sein est aussi adressé aux assemblées à Pergame et à Thyatire. On prête d’abord une oreille complaisante et on finit par se laisser convaincre, exactement comme Ève autrefois. La chair est toujours attirée par les nouveautés. On le voit bien chez les AthéniensActes 17. 19-21.
Sachons bien que notre vieille nature est toujours tentée de recevoir les fausses doctrines et les faux docteurs. Le Seigneur l’avait nettement déclaré aux Juifs : “Moi je suis venu au nom de mon Père et vous ne me recevez pas ; si un autre vient en son propre nom, celui-là vous le recevrez” Jean 5. 43. Et ce mal n’est pas nouveau. Déjà le prophète Jérémie disait : “Une chose étonnante et horrible est arrivée dans le pays : les prophètes prophétisent avec mensonge et les sacrificateurs dominent par leur moyen, et mon peuple l’aime ainsi” Jérémie 5. 30, 31.
“Je n’ai été en rien moindre que les plus excellents apôtres”.
Ne voyons pas le moindre orgueil dans ce propos, répété deux fois (verset 5 ; 12. 11). Pour faire contrepoids dans l’esprit des Corinthiens, Paul utilise les méthodes de ses opposants. Il les nomme ironiquement, “les plus excellents apôtres”. Il ne s’agit probablement pas des vrais apôtres, c’est-à-dire des douze, qui n’étaient pas connus des Corinthiens. Par rapport à ces derniers, Paul se nomme, au contraire, “le moindre des apôtres” 1 Corinthiens 15. 9, et même “le moindre de tous les saints” Éphésiens 3. 8.
Mais il ne renie pas ses capacités naturelles et surtout pas celles conférées par la grâce de Dieu, dont il parlera plus loin (verset 6). Si Paul avait obtenu une grande connaissance par son éducation, il en avait reçu une autre divinement, par révélation.
Il ne conteste pas son absence d’éloquence, comme il n’avait pas nié la chétivité de son apparence (10. 1). Mais on devait reconnaître la supériorité de sa connaissance. Celle-ci, bien qu’incomprise, était notoire, même pour les grands de ce monde. Le gouverneur romain Festus lui dira plus tard : “Ton grand savoir te met hors de sens” Actes 26. 24. Paul restait pourtant humble, car il ajoute : “Quoique je ne sois rien” (12. 11). Nous avons déjà noté qu’il se reconnaissait incapable de penser quoi que ce soit par lui-même, c’est-à-dire par son ancienne nature. Sa seule capacité venait de Dieu (3. 5). De ce fait, tout ce qu’il pensait pouvait être déclaré. Il était comme une maison de verre. Il n’avait rien à cacher :