En dépit de leurs nombreux dons, en particulier celui du discernement1 Corinthiens 12. 10, les Corinthiens montraient une absence totale de clairvoyance. Paul va se mettre à leur niveau. Bien que ce soit pour lui une folie, il va se glorifier dans la chair (verset 18).
Pour ce faire, il va déclarer d’abord ce qu’il est (versets 21, 22), puis ce qu’il fait (versets 23-33). Mais, plutôt que de se vanter de ses succès, il va révéler ses souffrances et son opprobre.
Que les Corinthiens comprennent bien que la faiblesse de l’apôtre n’est qu’apparente et n’est en fait que douceur selon Christ.
L’attitude hautaine et osée des autres n’est que vaine imposture. S’il s’agit de bénévolat, Paul ne leur est en rien inférieur. S’il s’agit des titres de noblesse, il en est de même. Mais s’il s’agit des souffrances pour le nom de Christ, sa supériorité est incontestable.
Bien que devant Dieu il n’y ait maintenant ni Grec ni JuifColossiens 3. 11 et que ces questions de race ne soient plus pour lui un gain mais des orduresPhilippiens 3. 7, 8, Paul, agissant en insensé, va faire état de ces différences humaines (verset 22). Un apôtre véritable ne pouvait être issu des nations. Or lui-même était un Juif orthodoxe, benjaminite. Il y avait à l’époque un flot constant d’émissaires juifs prenant le titre d’apôtre, qui allaient d’une église à l’autre avec un enseignement qui était un retour au légalisme. C’était une action délétère du diable, une ruse plus subtile que la persécution violente. Ses deux tactiques sont d’ailleurs signalées ici :
Ces mauvais ouvriers se disaient chrétiens tout en gardant leur orgueil national. Paul, quand il prêchait aux nations, ne tirait aucun avantage de ses origines : “Pour ceux qui étaient sans loi, comme si j’étais sans loi” 1 Corinthiens 9. 20, 21. Peut-être avait-on insinué un doute quant à la vraie nationalité de Paul1. Était-il un vrai fils de Jacob ou simplement un prosélyte ? Eh bien, moi aussi, dit Paul, je suis fils d’Abraham, un maillon authentique de sa descendance.
Mais, enchaîne-t-il, ce n’est pas cela qui démontre que je suis un vrai ministre de Christ. Je vais donner des preuves que les autres ne peuvent fournir. Ont-ils un passé tel que le mien à leur actif ?
C’est l’occasion pour nous d’apprendre, sous la plume même de l’apôtre inspiré, quelque chose de ses travaux. Quelle longue liste ! Hostilité des humains, hostilité des circonstances géographiques, souffrances physiques, souffrances morales, en tous lieux. Et quand Paul écrivait ces lignes, il n’était pas encore au bout de ses peines.
Quel dévouement, quel courage, quelle énergie, quel amour pouvons-nous admirer chez le grand apôtre ! Mais aussi quelle humilité ! Car il n’en tire aucune gloire. Nous n’entendons aucune plainte, aucun murmure, c’est l’entière acceptation. “Je lui montrerai combien il doit souffrir pour mon nom”, avait dit le Seigneur à son sujetActes 9. 16.
Nous comprenons bien qu’il ne s’agit pas ici des souffrances qui sont souvent notre part comme conséquences de nos infidélités et dont le but est de nous reprendre et nous ramener dans le bon chemin. Au contraire, pour Paul, elles sont la rançon de sa fidélité2. Et c’est dans ce sens qu’il pouvait dire qu’il accomplissait dans sa chair ce qui reste encore à souffrir des afflictions de Christ pour son corps qui est l’assembléeColossiens 1. 24.
Sans s’y attarder, il évoque ici ses souffrances infligées par les hommes, déjà mentionnées (6. 5) : les coups, la prison, les bastonnades de la part des Juifs. Ceux-ci, cyniquement respectueux de la loi, n’atteignaient pas les quarante coups permisDeutéronome 25. 3, se croyant ainsi autorisés à recommencer le supplice.
Il y avait péril de tous côtés : les brigands, les pièges, les Juifs, les gens des nations, les faux frères. Il n’était en sécurité nulle part, pas même en ville et surtout pas à Jérusalem.
Voilà donc la vie de Paul, harassante au point qu’on a de la peine à se l’imaginer.
Malgré tout cela, il gardait encore la force spirituelle pour une vigilante sollicitude à l’égard des assemblées, et il peut dire : toutes les assemblées, tous les jours, et même nuit et jourActes 20. 31. Il était évangéliste, mais aussi pasteur. Il semait, plantait, mais ensuite il lui fallait préserver les jeunes pousses contre ceux qui auraient voulu déraciner ses plantations. Si un de ses frères était faible, il comprenait et partageait cette faiblesse. A un degré de plus, si l’un était scandalisé, c’est-à-dire au bord de la chute en présence d’un danger, c’était pour lui un motif de fervente intercession avec le feu de l’amour.
Après avoir fait de sa vie ce tableau pathétique, il ne veut pas être un objet d’admiration pour les Corinthiens. S’il a pu tout surmonter jusqu’à ce jour, il le doit uniquement à la grâce divine et en tout cas pas à sa force personnelle. Sa gloire est dans son infirmité (verset 30) et seulement dans ses infirmités (12. 5) 3.
Il tient à ce que les Corinthiens sachent que ce qu’il affirme là est l’expression fidèle de sa pensée. Pour cela il prend Dieu à témoin une fois encore (verset 11).
Comme pour les convaincre et avant de leur faire part d’une extraordinaire révélation (12. 2-4), il va rappeler un fait peu glorieux du début de sa carrière. Il s’agit d’un épisode déjà signalé dans le livre des ActesActes 9. 25. L’ethnarque du roi Arétas4 avait accepté d’aider les Juifs à dresser leur guet-apens contre l’apôtre. C’était pour lui une humiliation d’être dévalé dans une corbeille.
Que faut-il penser de ce procédé ? Est-ce un manque de foi ? Non, quand Dieu offre un moyen matériel d’échapper à un danger, nous devons en faire usage. Ne confondons pas le courage de la foi avec la témérité. Évitons une bravade qui ne nous est pas demandée, mais ne refusons pas une issue venant du Seigneur.