David fait ses dernières recommandations à Salomon puis s’endort avec ses pères (verset 10) 1. Elles concernent la piété personnelle (versets 2, 3) de Salomon et sa responsabilité de dépositaire de la promesse d’une dynastie faite à David (verset 4). Enfin David remet à l’appréciation de la sagesse de Salomon l’exécution d’une justice rétributive envers trois personnages de son propre règne : Joab, Barzillaï et sa descendance, et Shimhi (versets 5-9).
Salomon est exhorté à se fortifier. Il ne s’agit pas d’une énergie naturelle. “Se fortifier” est ici une décision intérieure de la piété de prendre garde à ce que Dieu dit et de s’appuyer sur lui pour l’accomplir. Cette disposition doit se trouver chez tout fidèle mais combien spécialement chez un conducteur tel que Salomon, JosuéJosué 1. 6, 9 ou GédéonJuges 6. 12. On comprend donc que cette disposition intérieure est directement liée à la connaissance de la pensée de Dieu.
Or cette connaissance est donnée par la Parole dans les temps de puissance (verset 3) Josué 1. 7, comme dans ceux de faiblesse (voyez les livres d’Esdras et Néhémie). Appréciée ainsi, elle revêt des caractères variés (verset 3) Psaume 119 ; du moment qu’on est disposé à lui obéir, elle suffit à tout : “afin que tu réussisses… où que tu te tournes” (verset 3). C’était la règle annoncée pour tout roi en IsraëlDeutéronome 17. 14-20.
Salomon n’est pas seulement un nouveau roi, conducteur du peuple ; il devient le dépositaire de la promesse sous condition faite à David en 2 Samuel 7 ; c’est ce que David lui rappelle en soulignant sa responsabilité (verset 4).
David a l’intelligence du fait que ce nouveau règne aura un caractère différent du sien : le règne de la grâce fait place à celui de la justice. Le moment des rétributions arrive, comme ce sera le cas au début du règne de ChristMatthieu 25. 31-46, aussi bien en faveur des justes qu’en punition sur les injustes. Les forfaits de Joab sont d’abord remis en mémoire. La grâce s’était exercée envers les chefs d’armée des deux grands ennemis de David : Abner, chef de l’armée de Saül, et Amasa, chef de l’armée d’Absalom. Mais Joab avait des vengeances personnelles à assouvir et les avait assassinés2 Samuel 3. 27 ; 20. 10 ; David avait supporté cette traîtrise (“ce que Joab m’a fait”, verset 5), invoquant le jugement sur Joab2 Samuel 3. 29, mais retenant son exécution. Tarder encore serait maintenant changer la grâce en faiblesse : “Il n’y a pas de paix, dit l’Éternel, pour les méchants” Ésaïe 48. 22. Cette exécution est confiée à Salomon.
Barzillaï, d’autre part, était “venu à la rencontre” (verset 7) de David quand celui-ci fuyait devant Absalom2 Samuel 17. 27. Sa haute appréciation de la personne du roi l’avait conduit ensuite à demander pour Kimham (son fils ?) la faveur d’être parmi les privilégiés du roi2 Samuel 19. 38. David étend maintenant cette faveur à tous les fils de Barzillaï.
Enfin le jugement devra en son temps atteindre Shimhi. Violent dans sa malédiction contre David (verset 8) 2 Samuel 16. 5-14, il avait ensuite demandé la clémence du roi2 Samuel 19. 17-24 et l’avait obtenue tant que durait le jour de grâce : “aujourd’hui” 2 Samuel 19. 23. Il y a maintenant chez lui les apparences de la fidélité : il est “avec Salomon” (verset 8 ; 1. 8). Mais la justice doit suivre son cours dès lors que la grâce a cessé le sien. Notons que ces deux attributs divins apparemment opposés ne sont pleinement et simultanément donnés à connaître que dans la croix du Seigneur JésusPsaume 85. 11.
Si David a eu, nous l’avons noté, l’intelligence de ce qui convient au règne de justice, Salomon a le discernement pour exécuter en temps voulu le juste jugement. Les œuvres de la chair ne peuvent être supportées quand le royaume se fait connaître par la justice. Dans les quatre paragraphes de cette division, nous voyons Salomon saisir une occasion où la chair se manifeste pour précipiter ce qui avait été longtemps retenu. Cela fait penser à ces “vases de colère tout préparés pour la destruction” Romains 9. 22, dont Dieu connaît d’avance la destinée mais qu’il “supporte avec patience” ; le jugement ne les atteint, avec toute justice, que lorsque leurs œuvres mauvaises ont révélé leur vrai caractère. C’est ainsi que Dieu ne déclare : “J’ai haï Ésaü” Malachie 1. 3 qu’après que celui-ci a pendant des siècles, démontré son inimitié envers Israël. Ici, les sentences sans réserve de Dieu à l’égard d’Éli1 Samuel 2. 31-34 et de David à l’égard de Joab (verset 6) et de Shimhi (verset 9) sont exécutées par Salomon quand l’infidélité se manifeste.
Quant à Adonija, c’est Salomon lui-même qui lui avait accordé sa clémence, tout en le mettant à l’épreuve. Ses paroles à Bath-Shéba (verset 15) montrent que sa soumission n’était que forcée et feinte, comme le sera devant Christ celle des ennemis d’IsraëlPsaume 18. 45. Son cœur bouillonne encore d’ambitions, qui se portent sur Abishag la Sunamite. Celle qui avait servi David pouvait-elle revenir à celui qui avait projeté de le renverser ? Salomon fait exécuter la sentence de mort le jour même.
Cette issue hâte le jugement sur les traîtres alliés d’Adonija. Abiathar, longtemps fidèle à David, est néanmoins chassé de la sacrificature. Joab reconnaît sa culpabilité par sa fuite même vers l’autel. Mais l’autel, symbole de la grâce et du pardon, ne peut abriter le meurtre volontaireExode 21. 14. Sur l’ordre de Salomon, Benaïa tue Joab là où il s’était réfugié. Ce fidèle serviteur devient chef de l’armée de Salomon.
Quant à Shimhi, son histoire nous parle de la présomption du cœur humain qui croit toujours pouvoir donner, par lui-même, satisfaction à Dieu. Comme autrefois le peuple s’était volontairement mis sous la loi en disant : “Toutes les paroles que l’Éternel a dites, nous les ferons” Exode 24. 3, il déclare lui-même (verset 38) : “La parole est bonne”, quand Salomon le met à l’épreuve. Quand il est pris en défaut, il est donc coupable de parjure (verset 43) outre “le mal qu’il a la conscience d’avoir fait à David” (verset 44). Comme les deux serviteurs fugitifs semblent peu de chose eu égard à la vie qu’il perd ; il est insensé comme l’homme riche de la paraboleLuc 12. 20.
Le caractère général du règne de Salomon est exprimé : “Son royaume fut très affermi” (verset 12) mais aussi les jugements étaient nécessaires à l’établissement de son gouvernement (verset 16). Cette progression du royaume caractérise aussi le règne du Messie : “Il ne se lassera pas et il ne se hâtera pas jusqu’à ce qu’il ait établi le juste jugement sur la terre ; et les îles s’attendront à sa loi” Ésaïe 42. 4.