Le récit des deux disciples que le Seigneur rencontre dans leur chemin vers Emmaüs n’est rapporté en détail que par Luc. Peut-être cette apparition du Seigneur est-elle mentionnée par Marc à la fin de son évangileMarc 16. 12.
L’expression : “Voici, deux d’entre eux” montre qu’il s’agit d’une nouvelle phase des événements de cette journée. Ces deux disciples pouvaient apporter un témoignage complet à la résurrection de Christ. Seul le nom de l’un deux est donné, Cléopas (verset 18), probablement différent de Clopas, époux de l’autre MarieJean 19. 25. Ils n’étaient pas des onze, mais ils avaient reçu le témoignage des femmes revenant du sépulcre, sans en comprendre la portée.
Le long de ce chemin de soixante stades1, ils s’entretenaient ensemble des choses qui venaient d’arriver et qui remplissaient leurs cœurs. Alors Jésus s’approche et sans se faire reconnaître, “se met à marcher avec eux” (verset 15). Autrefois, les disciples et les saintes femmes avaient marché avec lui et l’avaient suivi. Maintenant, Jésus les accompagne et s’intéresse à eux, avec une tendre sollicitude répondant à leur tristesse. Pour ces deux disciples, Jésus était un prophète puissant en œuvre et en parole. Ils connaissaient bien la parole de l’Éternel à MoïseDeutéronome 18. 182 ; par la foi, ils savaient bien que Christ, le Nazaréen, était puissant, non seulement devant le peuple, mais aussi devant Dieu. En pensant à sa condamnation et à sa crucifixion, ils reconnaissent la culpabilité des chefs de leur propre peuple, sans en rejeter la faute sur les Romains : c’était déjà un fruit de la grâce dans leur cœur.
Que manquait-il donc à leur foi pour que leurs cœurs, “lents à croire”, s’ouvrent à l’intelligence divine ? Ils ramenaient encore tout à eux-mêmes et à leur nation. Pour eux, Christ était le Messie qui devait délivrer Israël. C’était déjà l’espérance du petit résidu à Jérusalem qui, avec Anne, attendait la délivrance (2. 38). Être libéré du joug des nations et voir l’établissement immédiat du règne glorieux de Christ sur la terre était la limite de leurs espérances. Cette préoccupation des disciples apparaît encore par leur question au Seigneur au début du livre des Actes : “Est-ce en ce temps-ci que tu rétablis le royaume pour Israël ?” Actes 1. 6.
Tandis que les femmes cherchaient le corps du Sauveur pour l’embaumer, les disciples pleuraient la perte de leur Messie, sans comprendre encore la réalité de la résurrection de Christ et ses merveilleuses conséquences.
En reprenant les deux disciples avec une tendresse infinie, le Seigneur veut élever leurs pensées en dehors d’eux-mêmes pour les attacher à lui et aux desseins éternels de Dieu. Le fait capital était la mort de Christ. Toutes les Écritures, Moïse (c’est-à-dire la loi) et les prophètes l’annonçaient, comme aussi toutes les ordonnances et les types des temps d’autrefois. Comme la vie d’une victime offerte en sacrifice devait être ôtée et son sang répandu, la mort sanglante de Christ était une solennelle nécessité. Il fallait “que le Christ souffrît ces choses et qu’il entrât dans sa gloire” (verset 26). Le seul et grand sujet de toutes les Écritures était donc Christ et sa mort. C’était le témoignage de l’Esprit de Christ par les prophètes au sujet des “souffrances qui devaient être la part de Christ et des gloires qui suivraient” 1 Pierre 1. 11. La mort de Christ était donc une nécessité : “Il fallait” 3. Mais par la grâce de Dieu, cette condition nécessaire est aussi pleinement suffisante.
Le témoignage que Jésus rend de lui-même et de son œuvre, repose sur les Écritures, toutes les Écritures. Le Seigneur allait quitter ses disciples pour être élevé dans la gloire, mais les Écritures resteraient avec eux. La parole de l’Éternel avait été le guide du résidu remonté de BabyloneAggée 2. 5. La parole de la grâce de Dieu est aussi la ressource invoquée par Paul sur l’AssembléeActes 20. 32, ou proposée aux saints individuellement : “Toute Écriture est inspirée de Dieu” 2 Timothée 3. 16.
Cher lecteur, la parole de Dieu conserve-t-elle pour chacun de nous, à la fin de la période de la grâce, son autorité absolue et demeure-t-elle la règle de notre conduite ?
Luc – qui fait revivre devant nous les scènes qu’il décrit – donne alors un tableau saisissant de la scène d’Emmaüs. Le Seigneur fait “comme s’il allait plus loin” (verset 28). Au début de leur entretien, il n’avait été qu’un étranger de passage à Jérusalem (verset 18). Pourtant, l’attrait mystérieux qu’il exerçait sur leur cœur les pousse à le forcer à entrer avec eux. À table pour le repas du soir, le Seigneur prend tout naturellement la place du maître de la maison, et rompt le pain avec actions de grâces pour le leur donner (verset 30).
Ce simple geste ouvre leurs yeux et ils le reconnaissent, “mais lui devint invisible et disparut de devant leurs yeux” (verset 31), laissant leurs cœurs brûler de la flamme de l’amour de Christ. Ce n’était pas là manger la cène du Seigneur avec les deux disciples ; mais le pain rompu rappelait toutefois que Christ, pain vivant descendu du ciel, avait été donné pour la vie du monde. Il n’y a de salut pour l’homme que par la mort de Christ, présentée en figure dans le pain rompu.
Christ lui-même avait rompu le pain pour le leur donner ; les disciples avaient maintenant la vie éternelle en vertu de sa mort ; et lui, présent devant leurs yeux, était ressuscité. À l’heure même, les deux disciples retournent à Jérusalem pour retrouver les onze et ceux qui étaient avec eux ; ils leur apportent le témoignage de la résurrection du Seigneur. C’était là qu’ils devaient demeurer ensemble (verset 49) Actes 1. 4. Alors leur tristesse est changée en joieJean 16. 20 : ils avaient vu le Seigneur et leurs cœurs étaient remplis de lui.