La vision produit une profonde impression sur Daniel, quand il comprend qu’elle s’applique au roi, devant qui il se tenait. Conscient de la stupéfaction et du trouble du prophète, Nebucadnetsar l’invite à parler. Il fallait beaucoup de courage pour révéler la portée du songe.
Daniel a-t-il été à ce moment à la hauteur de sa mission ? Il semble atténuer son message, en suggérant que le jugement divin était le résultat d’une vengeance des ennemis du roi, ou au moins en souhaitant que ceux-ci soient frappés à la place du roi. Mais gardons-nous de juger, même en pensée, ce fidèle serviteur de Dieu ! On notera simplement que, pour la seule fois dans le livre, ce n’est pas “Daniel1, dont le nom est Belteshatsar”, qui parle. C’est seulement “Belteshatsar” (son nom chaldéen), qui s’adresse au roi.
Daniel reprend en détail la description du songe, pour en souligner toute l’importance.
L’arbre est ici un symbole de Nebucadnetsar lui-même, alors que la tête d’or dans le premier songe (2. 37, 38) englobait l’ensemble de la dynastie des Chaldéens, constituant le premier des quatre empires des nations.
Le jugement annoncé par le songe va tomber personnellement sur le roi, comme conséquence de son orgueil, mais sera limité dans le temps (sept temps), et n’entraînera pas la perte du royaume, comme plus tard pour Belshatsar (5. 30, 6. 1). Il faudra que Nebucadnetsar reconnaisse la suprématie du Très-Haut.
Avant que le jugement ne s’exécute, Daniel avertit le roi une dernière fois avec instance. Il lui adresse la solennelle supplication de rompre avec ses péchés et son iniquité. Exercer la justice et montrer de la compassion envers les affligés serait la preuve d’un changement de disposition du cœur du roi, dans l’exercice de son pouvoir.
Dans les mêmes termes, l’apôtre Paul, parlant de la justice, de la tempérance et du jugement à venir, adressera plus tard au gouverneur Félix un avertissement qui le remplira de frayeurActes 24. 25.
Mais rien ne peut toucher ou changer le cœur de l’homme, sauf Dieu, et à son heure : Félix renverra Paul, tandis que Nebucadnetsar ne manifeste aucune repentance à ce moment-là.
L’entrevue entre le roi et le prophète se termine par le sceau du jugement.
C’est maintenant l’accomplissement historique de tout ce qui précède. Un an de répit a été accordé par Dieu à Nebucadnetsar. Dans l’orgueil suprême de son cœur, le roi se promène sur son palais2. Oubliant qu’il a reçu tout le pouvoir de Dieu, il s’attribue lui-même la force et la magnificence de son royaume. Dès que l’homme déclare : “J’ai bâti” (verset 27), il perd sa relation avec Dieu.
Le jugement est immédiat : annoncé par une voix du ciel (verset 28), il est appliqué sans délai (verset 30).
Les sept temps, mentionnés à nouveau (verset 29), sont probablement sept années, la durée réelle du jugement. Ils ont aussi une portée prophétique pour couvrir une période complète dans les voies de Dieu envers le monde. Il s’agit de toute la durée des temps des nationsLuc 21. 24. L’exemple de Nebucadnetsar a été ou est encore reproduit par beaucoup de chefs des nations, qui s’élèvent dans leur cœur en oubliant Dieu. Le chrétien, soumis aux autorités du pays dans lequel il vit, ne peut pas attendre d’amélioration dans le gouvernement du monde. Il est invité à se tenir à l’écart de toute la vie politique de celui-ci. L’orgueil et l’esprit d’indépendance vis-à-vis de Dieu (le principe même du péché) rabaissent donc l’homme, créature de Dieu, au niveau d’une bête, privée d’intelligence. La situation est d’autant plus grave que l’homme avait une position plus élevée devant les autres, comme Nebucadnetsar. Le psalmiste peut dire : “L’homme qui est en honneur et n’a point d’intelligence, est comme les bêtes qui périssent” Psaume 49. 21.
Après cette période d’humiliation nécessaire, Nebucadnetsar prend la parole pour déclarer ce que Dieu lui avait enseigné.
Après avoir été cette bête inintelligente tournée vers la terre, il devient un homme intelligent regardant vers les cieux, pour bénir “le Très-Haut”. Ce nom remarquable de Dieu est mentionné pour la première fois dans l’entretien de Melchisédec avec Abraham : “Le Dieu Très-Haut, possesseur des cieux et de la terre” Genèse 14. 19. Sous ce titre et ce caractère, Dieu se plaira à “réunir en un toutes choses dans le Christ” Éphésiens 1. 10, lui, le divin Melchisédec : ce sera le “rétablissement de toutes choses” dans le règne millénaire, annoncé par les prophètesActes 3. 21.
Dieu n’a de comptes à rendre à personne ; par contre, tous les hommes, qui sont néant devant lui, lui en doivent.
Tout ce que Dieu lui avait pris momentanément lui est maintenant rendu, aux yeux de tous. Alors, le roi termine par une note de louange à l’adresse du “roi des cieux”. Celui même qui avait été perdu par son orgueil insensé (verset 30) reconnaît, à l’issue de l’épreuve, la juste place de soumission de tous les humains devant Dieu. Ainsi, la grâce divine illimitée clôt cette solennelle scène de jugement. Et le dernier souvenir que l’Écriture nous laisse du souverain des nations est celui d’un homme à l’esprit abaissé qui magnifie le Dieu des cieux.