Joab apparaît comme le principal acteur de la scène. Il manifeste plus que jamais son ambition sous une apparence altruiste et désintéressée. Ayant percé les secrets du cœur de David, il discerne vite ses sentiments pour Absalom, et va s’appliquer à les satisfaire. Par ailleurs, il désire avoir sur Absalom une emprise certaine, comme celle qu’il exerce sur David, car il croit voir en lui le futur roi.
Joab imagine donc une véritable mise en scène, et charge une femme thekohite1 de délivrer un message à David ; il ne s’agissait pas d’éveiller la conscience du roi, comme l’avait fait Nathan, mais d’opérer artificiellement la réconciliation entre Absalom et son père. Peu lui importait si les choses étaient en ordre devant Dieu. Tout n’était que calcul et ambition personnelle.
Joab pense être plus efficace en agissant par personne interposée, en l’occurrence une femme habile. De plus, on pouvait minimiser le péché d’Absalom. Amnon n’avait-il pas été grandement coupable ? Joab connaissait bien David, toujours prêt à faire grâce et à défendre les faibles et les opprimés. Par son artifice, il espérait ainsi obtenir du roi une grâce abusive qui négligerait la justice de Dieu. Symboliquement, c’était mettre du miel sur l’offrandeLévitique 2. 11. Aussi légitimes soient-elles, les affections naturelles ne doivent pas passer avant les droits de Dieu.
La femme thekohite sait que sa demande au roi était une entorse à la loi qui exigeait que l’expiation du sang soit faite par le sang de celui qui l’a verséNombres 35. 33. C’est pourquoi, elle en revendiquera l’entière responsabilité et en déchargera David : “que l’iniquité soit sur moi et sur la maison de mon père” (verset 9). Habilement, elle emploie le terme de “tison” qui évoque dramatiquement un reste de vie, faible et menacée. A deux reprises, elle mentionne l’héritier (versets 7, 16). Dans l’application de l’allégorie qu’elle présente à David, Absalom était donc bien le successeur tout désigné pour le trône.
Comme prévu, le roi ordonne la clémence et use de son autorité pour qu’elle soit appliquée (verset 10). Une fois les affections de David stimulées et déclarées, la femme laisse un moment son cas de côté pour évoquer celui d’Absalom (verset 13). Ses paroles dissimulent un reproche à l’encontre du roi, et mettent en doute la culpabilité d’Absalom. Si, dans l’allégorie, le fils de la femme était à l’abri, a fortiori Absalom le serait aussi, lui dont l’exil (d’après elle) heurtait la pensée du peuple. Elle appuie son raisonnement sur l’argument de la mortalité de tout homme (verset 14). La vie vécue, comme de l’eau répandue, ne peut être recommencée. Enfin, elle ose même se faire le porte-parole de Dieu : si Dieu n’avait pas ôté la vie d’Absalom, son exil était abusif. C’était le but de tout le stratagème de Joab. Mais quel raisonnement spécieux et pernicieux pour y parvenir !
La femme semble ensuite revenir à son cas personnel pour donner l’impression que c’est ce qui la préoccupe en premier chef (versets 15, 16). Femme habile (verset 2), elle pense en avoir assez dit pour que le roi comprenne l’allusion. Son langage excessif confine à la flatterie : “le roi, mon seigneur, est comme un ange de Dieu pour entendre le bien et le mal” (verset 17). David est estimé ici comme un ange en justice. Plus tard, sa sagesse sera comparée à celle d’un ange (verset 20). Auparavant, il avait été comparé à un ange, en droiture et vérité1 Samuel 29. 9.
Alors, le voile est ôté pour découvrir toutes les machinations de Joab. David comprend, non seulement le motif de l’allégorie, mais celui qui en était l’instigateur (verset 19). Pleinement lucide, le roi s’aperçoit, mais trop tard, qu’il était tombé dans le filet et qu’il ne pouvait plus reculer.
David, aveuglé par l’amour pour son fils indigne, accepte donc le propos de Joab qui avait atteint ses desseins (versets 21, 22) 2. Ce mauvais conseiller avait de plus en plus d’influence sur David qui avait perdu sa force spirituelle comme autrefois Samson, lorsque ses cheveux avaient été coupés.
Ainsi Joab, vainqueur de cet affrontement moral avec le roi, ramène Absalom à Jérusalem, mais sans que celui-ci soit autorisé à voir la face de son père. Quelle situation anormale, qui n’était satisfaisante ni pour Absalom, ni pour David, mais surtout qui ignorait la gloire de Dieu ! Désormais, Absalom serait l’obligé de Joab.
Tout dans la personne physique d’Absalom attirait les regards : “il n’y avait point en lui de défaut”. Cette beauté servait sa vanité ; il acceptait volontiers la louange d’un peuple toujours enclin à juger sur l’apparence. A une belle prestance, ne répond pas toujours une belle âme. Saül et Éliab en sont des exemples1 Samuel 9. 2 ; 16. 7. La conscience de son pouvoir de séduction et son orgueil s’associent au ressentiment entretenu contre son père pendant des années, pour le conduire finalement à la révolte et à la mort.
Voyant que rien n’est changé au bout de deux années, Absalom oblige Joab, à sa manière habituelle (la violence), à venir le voir. Celui-ci y était peu disposé, ne voulant pas désavouer le roi ni lui déplaire. Enfin, contre son gré, Joab intercède pour lui auprès de David. Mais, désormais Absalom ne sert plus ses intérêts. Aussi, d’allié, il devient son ennemi et finalement, Joab l’éliminera sans scrupule.
Quelle outrecuidance dans les paroles d’Absalom ! S’il a commis l’iniquité, il est prêt à en subir les conséquences. Cinq ans après le meurtre d’Amnon, c’est un véritable défi qu’il lance à son père. Aucun regret, aucune contrition, aucun mouvement de repentance n’apparaissent chez Absalom. Est-ce le besoin de pardon, de paix, et d’amour qui le poussait à désirer revoir son père ? Absolument Quelle outrecuidance dans les paroles d’Absalom ! S’il a commis l’iniquité, il est prêt à en subir les conséquences. Cinq ans après le meurtre d’Amnon, c’est un véritable défi qu’il lance à son père. Aucun regret, aucune contrition, aucun mouvement de repentance n’apparaissent chez Absalom. Est-ce le besoin de pardon, de paix, et d’amour qui le poussait à désirer revoir son père ? Absolument pas, la suite le prouvera. Que dire de sa rencontre avec David ? Le baiser par lequel le père reçoit son fils avait-il un sens ? David savait très bien que son fils n’était pas restauré devant l’Éternel ; mais il a la faiblesse de le recevoir, comme si Dieu avait pardonné.
Que les pères de familles chrétiennes soient gardés d’une telle conduiteProverbes 13. 24. La grâce sans la vérité n’est pas la grâce. Dispenser celui qui a péché de la confession et de l’humiliation, c’est laisser la porte ouverte à une discipline de notre Père céleste. Elle pourra atteindre à la fois le coupable et celui qui l’avait tenu pour innocent. Ainsi, la faiblesse coupable de David à l’égard de son fils Absalom entraînera de graves conséquences pour le fils comme pour son père.
Plusieurs conséquences pratiques importantes sont à retenir de ce chapitre :