Le récit peut être considéré sous l’angle historique, moral et prophétique.
La capitale des fils d’Ammon (la ville d’Amman, de nos jours) était en passe d’être conquise par Joab selon l’ordre de David (11. 25). Le quartier du palais royal avait déjà été investi par Joab. Puis ce fut le cas de la ville basse ; le quartier appelé “ville des eaux”, était un point stratégique important, car il était arrosé par les eaux abondantes du Jabbok supérieur. La conquête était donc presque achevée.
Joab invite alors David à porter le coup de grâce en particulier contre la ville haute (la citadelle Rabba) afin que la gloire revienne au roi. Cette attitude de Joab avait une apparence de générosité et de désintéressement. En fait, il ne manquait pas une occasion de flatter David et de lui donner des conseils, afin de se le rendre redevable.
Aucune gloire ne semble être rendue à Dieu pour cette victoire. Dans une circonstance antérieure (avant sa chute) David avait consacré à l’Éternel tout le butin pris aux ennemis (8. 11). Maintenant, il accepte que la riche couronne de leur roi soit placée sur sa propre tête. Voulait-il régner sur eux, ou avait-il simplement succombé aux subtiles flatteries de Joab ?
Un jugement d’une grande barbarie semble être infligé aux fils d’Ammon. Leur roi Nakhash avait fait de cruelles propositions au peuple d’Israël1 Samuel 11. 2 ; plus tard, les Ammonites seront même accusés d’avoir fendu le ventre des femmes enceintes de GalaadAmos 1. 13.
L’insolence et la méchanceté des fils d’Ammon justifiaient donc un jugement sévère, et le temps était peut-être arrivé pour l’exercer. Mais David aurait-il traité ses ennemis de la sorte, dans les temps où il marchait humblement dans le chemin de la foi ? N’avait-il pas perdu dans une mesure son caractère de roi de grâce ? Depuis l’affaire de Bath-Shéba, hélas, plusieurs indices d’un certain déclin spirituel apparaissent chez lui1.
En type, on voit pourtant que lorsque David, coupable d’un mal moral grave, s’est jugé à fond et humilié, il est apte à prendre à coup sûr la forteresse des fausses doctrines, représentée en figure par les fils d’Ammon. Le mal doctrinal (un égarement de l’esprit) ne peut être réprimé avant que le mal moral (un égarement du cœur) soit jugé et abandonné.
Enfin prophétiquement, cette scène est une illustration complète, quoiqu’en raccourci, de la victoire finale du Seigneur, le Roi de gloire. D’abord la victoire sur les fils d’Ammon enrichit beaucoup David : “un grand butin” (verset 30). Ainsi, il sera dit prophétiquement de Christ : “Il partagera le butin avec les forts” Ésaïe 53. 12. Christ exercera aussi sur tous ses ennemis un jugement terrible mais mérité. La couronne de l’usurpateur sera rendue au Roi des rois et au Seigneur des seigneurs. Celui-ci entrera triomphalement à Jérusalem (verset 37) Zacharie 14. 3-14. Et la gloire de tous les peuples sera à ses pieds.
Amnon, premier-né de David, au lieu de refouler ses mauvais instincts se laisse dominer par eux, au mépris de la loiDeutéronome 27. 22.
Voilà donc le premier maillon de cette chaîne de malheurs annoncés par le prophète (12. 10). Que David soit rétabli ne l’empêchera pas de connaître l’irritation (verset 21) et les pleurs (verset 36). “Car ce qu’un homme sème, cela aussi il le moissonnera” Galates 6. 7. David s’était rendu coupable de convoitise, d’adultère et de meurtre ; son fils aîné, Amnon, se révèle violent et immoral ; Absalom deviendra un meurtrier. Et Jonadab, le propre neveu du roi, est un complice malicieux, instigateur du mal, qui œuvre d’abord pour le compte d’Amnon (verset 5), puis en faveur d’Absalom (verset 32). Au milieu de cette scène affligeante, la propre fille de David, Tamar, belle, digne et pure, est déshonorée, désolée et sa vie est brisée. Personnellement, David, dépourvu de sagesse, favorise involontairement cette catastrophe (verset 7).
Sans transition, l’amour charnel et pervers d’Amnon est changé en une haine impitoyable, et totalement injustifiée. Il rejette sur Tamar le mépris qu’il a pour lui-même dans son subconscient2. Tamar, elle, chassée et désolée, déchire son vêtement de fille vierge et met ses mains sur sa tête en signe de deuilJérémie 2. 37.
Très irrité, David, le chef de famille, fait preuve néanmoins d’une faiblesse coupable. Il ne semble pas s’occuper de Tamar, et laisse ce soin à Absalom. Mais, avant tout, il ne châtie pas sévèrement Amnon qui ne manifeste ni regret ni repentance. Le grave manque de fermeté de David a certainement exaspéré Absalom et l’a conduit à nourrir des pensées de meurtre et de vengeance à l’égard d’Amnon.
Joab avait dû prendre l’initiative de remettre David au combat (12. 28). Celui-ci met alors sur sa propre tête la couronne du roi ennemi, alors qu’antérieurement, il avait consacré à l’Éternel les objets précieux (8. 11). David manque de discernement en envoyant Tamar chez Amnon (13. 7), et n’adresse pas la moindre réprimande à ce dernier après sa conduite honteuse (verset 21). Plus loin, on le verra céder à Absalom à propos de son invitation d’Amnon (verset 27). Ensuite, il languira de l’absence d’Absalom en exil (verset 39). Enfin, il cédera une fois de plus au mauvais conseil de Joab pour faire revenir Absalom (14. 33). Voilà où en était David. Sa faute avait été effacée ; il était pardonné, mais il n’avait pas retrouvé son discernement spirituel.
Que cette triste histoire nous serve d’avertissement ! Qui peut dire où s’arrêteront les conséquences d’un péché d’une telle gravité ?
“Crains Dieu et garde ses commandements, car c’est là le tout de l’homme, car Dieu amènera toute œuvre en jugement avec tout ce qui est caché, soit bien, soit mal” Ecclésiaste 12. 13, 14.