Publiquement, Abner exerçait maintenant toute son autorité sur Israël en faveur de David ; il paraissait accomplir ainsi les pensées de Dieu. En fait, il était dévoré d’ambition personnelle, et ses vrais motifs n’étaient pas purs. Aussi Dieu, qui résiste aux orgueilleux, a-t-il permis l’acte inique de Joab pour retirer Abner de la scène.
Abner engage de secrètes et actives négociations avec les anciens d’Israël, puis avec ceux de Benjamin (les plus difficiles à gagner), et enfin avec David lui-même.
Comme Saül, David, Jonathan, Abigaïl, et tout le peuple, Abner reconnaît n’avoir jamais ignoré le propos de Dieu quant au règne de David. Pour des raisons personnelles1, il ne s’était pas immédiatement rallié à lui. Maintenant, changeant de tactique, il exhorte les anciens d’Israël à passer à l’action.
Le peuple avait longtemps souffert sous la férule de Saül, un roi dur dont la conduite avait été prédite par Samuel1 Samuel 8. 11-18. Le moment était venu pour Israël de se déterminer pour David. Il le fera, en effet (dans le chapitre 5) mais non sous la conduite d’Abner. L’enseignement moral est important pour nous : il s’agit de nous engager clairement pour notre Seigneur, en toute bonne volonté. Dans l’acceptation de cœur du propos de Dieu, il y aura toujours joie et bénédiction.
Au commencement, David semble étranger aux tractations d’Abner (versets 17, 18). Ensuite il l’écoute (verset 19), puis lui fait un festin (verset 20) ; enfin, il le congédie en paix (verset 21). Il ignore ou feint d’ignorer les mobiles profonds du cœur d’Abner ; mais surtout, il ne consulte pas l’Éternel en ce moment décisif.
Dans l’intervalle, Joab, une fois de plus, était en campagne. A son retour à Hébron d’une expédition fructueuse, il apprend quelle place importante Abner avait prise auprès de David. Pris de colère, il s’évertue à discréditer Abner et à le calomnier en lui imputant le mal.
Puis, usant d’une lâcheté abominable, il l’assassine par surprise, à l’insu du roi David. Il élimine ainsi son concurrent au pouvoir, tout en vengeant injustement son frère Asçaël, pourtant “tué dans la bataille”. Hélas, combien il est vrai que “la colère de l’homme n’accomplit pas la justice de Dieu” Jacques 1. 20 !
La mort d’Abner a au moins épargné à David d’avoir un mouvement de reconnaissance envers lui pour son soutien devant le peuple d’Israël. Il fallait que le roi ait parfaitement conscience de ne devoir sa couronne qu’à Dieu seul.
David, mis au courant après coup, apparaît totalement étranger à cette scène de meurtre. Son indignation, son affliction et le deuil public qu’il décrète lui font gagner le cœur du peuple beaucoup plus que n’avaient pu le faire toutes les ruses diplomatiques d’Abner. Manifestement pur dans cette affaire (verset 37), David prononce une condamnation sur Joab et appelle sur lui et sur sa descendance une série de cinq malédictions : infirmité, maladie, vieillesse, pénurie et mort violente.
Mais Abishaï, l’autre frère de Joab, était aussi complice du meurtre d’Abner, sinon de fait, du moins de cœur (verset 30) ; les deux frères avaient un mobile en commun : la vengeance de leur frère Asçaël.
La mort d’Abner créait pour David une situation imprévue. Alors que tout semblait se mettre en place favorablement, Dieu, en n’arrêtant pas le crime de Joab, annulait tout ce qui n’était que dispositions et arrangements humains.
David était droit et se laisse enseigner. Il est l’auteur des paroles du psaume : “Ne vous confiez pas dans les principaux, dans un fils d’homme, en qui il n’y a pas de salut. Son esprit sort, l’homme retourne dans le sol d’où il est tiré ; en ce même jour ses desseins périssent” Psaume 146. 3, 4.
Si David a manqué d’énergie pour punir Joab de façon exemplaire, il a eu au moins l’autorité pour le faire participer au deuil, et l’assimile devant tous aux “fils d’iniquité”.
Dans sa complainte sur Abner, David reprend quelques expressions de grâce dont il avait usé à l’égard de Saül et de Jonathan. Il proclame devant tous que la mort sans gloire d’Abner était indigne d’un tel guerrier. Tout à sa douleur, le roi refuse de participer au repas funéraire traditionnel du souvenir (verset 35 ; 12. 20) Jérémie 16. 7.
Tout le peuple est convaincu de l’innocence du roi qui conserva l’intégralité de son autorité morale (versets 36, 37). David tenait à ce que soit connue toute l’estime qu’il avait pour Abner : “un prince, un grand homme”. Le moindre doute à ce sujet aurait renversé les bonnes dispositions des onze tribus qu’Abner venait de lui rallier.
Il semble aussi que David ait voulu se justifier de n’avoir pas puni Joab comme il le méritait. Il met la dureté de ces deux frères, Joab et Abishaï, fils de Tséruïa, en contraste avec sa propre faiblesse, qu’il faut interpréter plus comme de la douceur que comme de la lâcheté.
David s’en remet à Dieu pour ce qui est “de la vengeance et de la rétribution” (verset 39) Deutéronome 32. 35. Il est toutefois conscient de la dignité qui lui était conférée (“bien que j’aie reçu l’onction de roi”) et de l’autorité qui s’y rattache. Mais c’est à Salomon, type du Seigneur de gloire, que reviendra la charge de rendre à chacun selon ses fautes, en particulier à Joab1 Rois 2. 5, 6, 30, 31.
Ainsi, David s’humilie sous la puissante main de Dieu. Reconnaître comme lui notre faiblesse, sera notre sauvegarde. Cessons de nous appuyer sur un bras humain qui n’est qu’un roseau briséÉsaïe 36. 6, pour nous remettre aux soins exclusifs de Dieu.