Abner se rend compte rapidement que le combat tournait à l’avantage des serviteurs de David, et craint une très grande défaite. Il avait donc tout intérêt à arrêter la bataille le plus tôt possible. Il invoque de nobles sentiments : “Ne sais-tu pas qu’il y aura de l’amertume à la fin ?” Aurait-il fait une telle proposition, s’il était sorti vainqueur des combats précédents ? Si une belle vérité nous avantage, nous savons la mettre en avant, quitte à l’oublier quand elle ne nous sert plus.
Toutefois, la bataille cesse d’un commun accord et chacun regagne son camp. Mais la guerre n’était pas finie ; elle durera encore longtemps, et toujours au profit de David.
Déjà se dessinent la personnalité et le caractère d’Abner, chef des armées de Saül, comme ceux de Joab, chef des armées de David. Abner était un homme d’action, énergique, courageux et attaché aux liens familiaux (il était cousin germain de Saül). Mais son combat était charnel. En fait, il s’opposait à Dieu dont il connaissait pourtant la volonté au sujet de la royauté. S’il s’est plus tard rallié à David, c’est avant tout à cause de son honneur et de son orgueil blessés.
Joab, malgré les apparences, n’était pas moins charnel qu’Abner. Certes, il avait embrassé la bonne cause, celle de David. Mais dans quel état d’esprit ? Il se montrera dur (3. 39), sanguinaire (3. 27), habile, flatteur, sans scrupules et hypocrite. S’il s’était placé du côté de Dieu, c’était pour mieux servir ses propres intérêts. Il est le type même de l’homme revêtant l’apparence de la piété, mais sans la puissance de l’Esprit2 Timothée 3. 5.
David avait interrogé l’Éternel (2. 1) pour connaître la ville où il devait aller pour être oint roi sur Juda. Mais il ne semble pas avoir recherché la pensée de Dieu au sujet de ses affections personnelles. Il commet là une erreur qui portera des conséquences pendant toute sa vie.
Selon la coutume des rois d’orient, David affirme sa personnalité en contractant quatre autres mariages, alors qu’il avait déjà deux épouses : Akhinoam et Abigaïl. Avait-il raison ? La loi, dont il aurait dû posséder une copie, recommandait aux rois la modération en ce domaineDeutéronome 17. 17-19. En fait, il désobéissait à l’Éternel.
Sur ses six fils qui naissent à Hébron, quatre lui causeront beaucoup de peine. Certainement il n’affermit pas son royaume en épousant la fille du roi de Gueshur. Le fils issu de ce mariage, Absalom, sera coupable d’un meurtre fratricide, et contraindra plus tard David à abandonner Jérusalem, pieds nus, et dans les pleurs (15. 30). Une union avec un incrédule ne peut que nous amener tôt ou tard à verser des larmes. Et il ne pouvait y avoir d’unité dans une telle famille. La suite, hélas, le prouvera.
Abner avait pris fermement position contre David et pour Ish-Bosheth. Mais le voilà victime d’un reproche cinglant de la part de celui qu’il avait soutenu jusqu’alors. En fait, était-ce répréhensible de prendre pour femme Ritspa, la concubine de Saül, puisque celui-ci était mort ? Bien qu’Abner s’en défende, cet acte pouvait être interprété comme une tentative de se saisir du pouvoir1. Certainement, Ish-Bosheth faisait preuve ici d’ingratitude en suspectant Abner d’aspirer à monter sur le trône.
Ne considérant que son honneur outragé, Abner modifie aussitôt radicalement sa ligne de conduite. Sa franchise naturelle le pousse à rejoindre David. Certes, il accomplissait la volonté de Dieu qui avait retiré le trône à la maison de Saül pour le donner à David et à sa descendance. Mais ses motifs profonds étaient l’orgueil blessé et l’ambition d’occuper une place importante.
Ish-Bosheth, confondu et effrayé, reste la bouche fermée. “Celui qui propage les calomnies est un sot” et : “La ruine est pour celui qui ouvre ses lèvres toutes grandes” Proverbes 10. 18 ; 13. 3.
Avec une superbe assurance, Abner se fait fort de tourner Israël vers David. Poussé par sa confiance en lui-même et non guidé par l’Esprit divin, il prend l’initiative de proposer une alliance sans contrepartie.
David avait bien conscience que cette guerre civile avait assez duré. Mais si l’alliance qu’il accepte semblait raisonnable sur le plan humain pour ramener l’unité du peuple, cette façon d’opérer n’était pas selon Dieu. Il avait refusé la couronne de la main d’un Amalékite ; maintenant, il l’accepte de la part de celui qui avait conduit et encouragé la division du pays.
David ratifie donc cette alliance, mais en y rajoutant une condition sentimentale. Malgré ses multiples mariages, il n’avait pas oublié sa première épouse Mical que Saül lui avait donnée, puis reprise indûment1 Samuel 25. 44. Voulait-il effacer un affront ou avait-il encore pour elle un amour profond ?
Sur l’insistance d’Ish-Bosheth et d’Abner, Mical est donc arrachée des bras de Paltiel dont le cœur est déchiré. En fait, Paltiel n’aurait jamais dû accepter à l’origine une femme que David n’avait pas répudiée. Il se serait évité la douleur de la séparation. Par ailleurs, le retour de Mical dans la maison de David apportera plus de peines que de joies (6. 20-23).
Sur le fond, cette alliance avec Abner était-elle selon Dieu ? David ne commettait-il pas à nouveau la même erreur que Josué et les princes d’Israël, qui s’étaient engagés avec les Gabaonites en oubliant de s’adresser d’abord à l’Éternel ?
Combien d’alliances illicites amènent souvent larmes et souffrances !