Toutes les tribus d’Israël répondent au message du Lévite. La conscience naturelle se révolte devant l’énormité du péché de Guibha, et il est bon qu’il en soit ainsi. Mais pourquoi n’y avait-t-il pas eu une telle indignation de toutes les tribus à l’occasion de l’idolâtrie de Michée, qui devait avoir des conséquences encore plus graves dans l’histoire du peuple ? Le mal doctrinal est plus subtil que le mal moral, mais touche moins spontanément la conscience.
Israël se rassemble comme un seul homme à Mitspa, devant l’Éternel, pour entendre le récit du Lévite (versets 4-7).
En fait, Israël ne consulte pas l’Éternel. Le mal avait aveuglé son jugement spirituel ; loin de Dieu, en pratique, le peuple décide tout seul de son action au lieu de s’attendre à lui et de rechercher sa volonté.
La honte de cette énormité et de cette infamie qui ternissait la réputation du peuple (verset 6) avait à ce moment plus d’importance à ses yeux que le déshonneur fait à Dieu.
Deux choses essentielles, dont Moïse avait autrefois donné l’exempleExode 32. 11-13 ; Nombres 14. 17-19, manquaient à Israël : le souci de la gloire de Dieu et l’amour pour leurs frères, la somme de la loiRomains 13. 10. L’amour vrai, ressort de toute discipline, les aurait conduits à prendre collectivement sur eux le péché de Guibha, avant de décider de monter en guerre contre la ville, dans un esprit de vengeance (verset 11).
Le plein accord apparent des tribus ne doit pas faire illusion : il ne résulte ici, ni de la direction de Dieu, ni de la conscience de l’unité de son peuple. C’était un esprit de parti qui dressait onze tribus contre la douzième.
Les onze tribus adressent un ultimatum à Benjamin, “Quel est ce mal qui est arrivé au milieu de vous ?” (verset 12). Le peuple n’a pas encore la conscience de sa responsabilité collective devant Dieu ; sinon il aurait dit : “Quel est ce mal qui est arrivé au milieu de nous ?”.
Toutefois, Benjamin excuse et couvre le mal. Il prend le parti du méchant contre Dieu et contre son peuple. Il sort en guerre contre ses frères (verset 14). Il refuse de juger le mal, chose aussi grave que de le commettre. Ainsi, le Saint Esprit reproche à l’assemblée de Thyatire de laisser faire la femme JésabelApocalypse 2. 20.
L’armée des fils de Benjamin comprend même sept cents hommes d’élite, gauchers, de la ville de Guibha (verset 16). Leur habileté est maintenant au service du méchant, et la guerre civile est aux portes.
La prophétie de Jacob sur son dernier fils s’accomplit ici : “Benjamin est un loup qui déchire” Genèse 49. 27. Mais, après le douloureux chemin de son relèvement, la bénédiction de Moïse lui sera quand même assurée : “De Benjamin, il dit : Le bien-aimé de l’Éternel, – il habitera en sécurité auprès de lui” Deutéronome 32. 12.
Après avoir décidé de répondre à l’infamie par la violence, Israël monte de Mitspa à Béthel (la maison de Dieu), pour interroger l’Éternel (verset 18). Juda reçoit l’instruction de monter le premier (cette tribu royale avait la prééminence au milieu de ses frères) 1 Chroniques 5. 2.
C’était la réponse à la question posée. Alors que la volonté du peuple était arrêtée, cette instruction conduit Israël à recevoir les coups d’une sévère discipline. En réalité Dieu se taisait. Il ne fait pas connaître sa pensée, jusqu’à ce que le peuple renonce à faire sa propre volonté.
Vingt-deux mille hommes de Juda sont frappés le premier jour de la bataille (verset 21), et dix-huit mille le deuxième jour (verset 25). On comprend les pleurs du premier soir, associés à un jeûne devant l’Éternel le deuxième soir. Israël devait apprendre (comme nous aussi) que dans les combats entre frères, il ne peut y avoir que des vaincus. Tous doivent se tenir devant Dieu dans l’humiliation pour être relevés. Cette importante leçon est encore d’actualité.
Le double châtiment supporté par Israël porte ses fruits. Les pleurs manifestent que la tristesse, associée à la repentance selon Dieu2 Corinthiens 7. 10, a maintenant remplacé l’indignation humaine. Le jeûne prouve l’humiliation. Enfin, l’attitude du peuple vis-à-vis de Benjamin a changé : ce n’est plus un ennemi contre lequel on monte en guerre (verset 20), mais un frère (verset 23).
Plus encore, le peuple offre des holocaustes et des sacrifices de prospérités à l’Éternel, en présence de l’arche, le siège de l’autorité divine. La bonne odeur du sacrifice de Christ, et la communion avec lui, sont retrouvées dans la présence de Dieu. Le sacrifice pour le péché n’est pas mentionné maintenant ; il devait être mangé dans un lieu saint en signe d’identification collective avec la faute du peuple, en vue de la repentanceLévitique 6. 19 ; 10. 17. Ce travail de confession et de purification avait été déjà opéré dans le cœur du peuple.
Phinées était là, en ces jours. Dans sa jalousie pour Dieu, il avait autrefois exécuté le jugement à Baal-PéorNombres 25. 11 ; Psaume 106. 30, 31. Une alliance de sacrifice perpétuelle lui avait été confiée, en récompense à sa fidélité. Sévère vis-à-vis du mal, il manifeste plus tard la profondeur de grâce de son cœur, lorsqu’il intervient auprès des tribus de Galaad à l’occasion de l’autel de HedJosué 22. 19. Il montre un bel exemple d’équilibre entre la fidélité pour Christ et les prérogatives de la grâce qui touche les cœurs. Et maintenant, il est devant l’arche dans la proximité de Dieu, gardant le silence comme Aaron autrefoisLévitique 10. 4. Que pouvait-il faire, sinon partager la peine de ce peuple qu’il aimait profondément ?
“Les sacrifices de Dieu sont un esprit brisé” Psaume 51. 19. Brisé par la douleur, le peuple renonce enfin à faire sa propre volonté et revient au point de départ pour recevoir sincèrement la parole de son Dieu et lui obéir : “Sortirai-je… ou cesserai-je ?” (verset 28). Israël est maintenant un instrument dans la main de Dieu pour châtier la tribu de Benjamin et la ramener à l’Éternel par un chemin de souffrance. Cette dernière instruction de l’Éternel ne justifie pas l’initiative des onze tribus au départ. Elle est la conséquence nécessaire, à ce moment-là, de la conduite passée de Benjamin et des onze tribus.
Humainement, Israël a perdu beaucoup de force, et il faut recourir maintenant à une stratégie élaborée pour monter à l’assaut de Guibha. Les circonstances présentes rappellent la prise d’Aï, après l’affaire d’AcanJosué 8. 3-8. La discipline ne peut jamais s’exercer dans un esprit de jugement de ses frères, mais dans un profond sentiment d’humiliation personnelle.
En définitive, “l’Éternel battit Benjamin devant Israël” (verset 35). Cette tribu perd vingt-cinq mille hommes dans la bataille (versets 44-46). Les autres tribus en avaient perdu quarante mille. Effectivement, il n’y a eu ni vainqueur, ni vaincu dans cette terrible affaire.
La tribu de Benjamin est entièrement effacée, à l’exception des sept cents guerriers réfugiés au rocher de Rimmon (verset 47).
Voilà le prix qu’Israël a payé pour ne pas avoir tout de suite interrogé l’Éternel dans un esprit d’humiliation !