A l’époque d’Ézéchiel, Tyr, le plus grand comptoir phénicien, dominait tout le commerce du monde antique. Tous les pays, y compris le peuple d’Israël (verset 17), étaient en relation avec cette ville. Ces Phéniciens étaient de remarquables spécialistes en construction navale et leur technologie était étonnamment avancée dans plusieurs domaines, comme la production de la pourpre, l’industrie du verre ou le traitement des métaux. Leurs succès commerciaux et industriels leur avaient permis d’accumuler d’énormes richesses. Tout en n’étant qu’un petit peuple, ils avaient acquis un pouvoir économique considérable. Tyr était liée avec d’autres colonies phéniciennes : Sidon (verset 8), Arvad (verset 8), Byblos (ou Guébal, verset 9), Ougarite, Carthage (en Afrique du nord), Tarsis (en Espagne, verset 12). Aussi la chute de Tyr aurait-elle des conséquences désastreuses pour toute l’économie phénicienne.
Dieu demanda à Ézéchiel d’élever une “complainte” sur Tyr. Dieu ne fait jamais ses délices du jugement. Il ne prend pas plaisir à la mort du méchant (18. 23), et son cœur est affligé lorsqu’il devient nécessaire d’agir avec colère contre ceux qui ont rejeté ses dispositions de grâce. Comme Ézéchiel, ayons ces mêmes sentiments en aimant nos ennemis et en priant pour euxLuc 6. 27, 28.
Dès le début, Dieu dénonce la cause profonde de la chute de Tyr : le matérialisme et le pouvoir avaient corrompu les Tyriens, qui étaient remplis d’orgueil (verset 3 b). Mais, autrefois comme aujourd’hui, “Dieu résiste aux orgueilleux” Jacques 4. 6.
Dieu décrit la prospérité de Tyr par une allégorie grandiose : la ville et son développement sont comparés à un splendide bateau phénicien, luxueusement équipé. Pour conforter sa sécurité économique, Tyr avait une armée de mercenaires (versets 10, 11). Et pourtant, la Parole nous enseigne à ne pas mettre notre confiance dans “l’incertitude des richesses” 1 Timothée 6. 17.
Dans un langage admirable, Ézéchiel énumère les relations commerciales de Tyr tout autour du bassin méditerranéen (versets 12-16), puis dans tout le Croissant fertile (versets 18-24), avec Israël au centre de la liste (verset 17). Beaucoup de noms cités dans ce paragraphe sont expliqués par le “tableau des nations” de Genèse 10 : Dieu est aussi le maître de la géographie du monde.
Le mot “trafic” revient fréquemment (versets 13, 17, 19, 24). Il concernait même des “âmes d’hommes” (verset 13) : Satan, prince du monde, cherche constamment à prendre le pouvoir sur les âmesGenèse 14. 21 ; Apocalypse 18. 13.
Le Seigneur nous demande aussi de faire valoir ce qu’il nous confie : “Trafiquez jusqu’à ce que je vienne”, dit-il à ses esclaves dans la parabole des minesLuc 19. 12-27. Jésus nous incite à nous amasser “des trésors dans le ciel” Matthieu 6. 20, c’est-à-dire à être zélés dans tout ce qui concerne sa personne et dans tous les services qu’il nous confie, au lieu de consacrer notre énergie, nos capacités et notre temps à accumuler des biens terrestres incertains et temporaires. Car il ne servirait à rien à un homme, même un croyant de gagner le monde entier s’il perdait sa vie sur la terre.
Ézéchiel reprend l’allégorie du bateau de commerce (versets 4-9) pour dépeindre le jugement de Tyr : il est décrit, en des termes réalistes et dramatiques, sous la forme d’un naufrage dû au “vent d’orient” (verset 26). Ce “vent d’orient” symbolise souvent dans la Bible un jugement envoyé par DieuPsaume 48. 7 ; Jérémie 18. 17 ; Osée 13. 15 ; ici, il désigne les Babyloniens de Nebucadnetsar (verset 26 ; 17. 10 ; 19. 12). Le naufrage de Tyr (versets 26, 27) consternerait tous ses alliés (versets 28-34), terrifierait les autres peuples (verset 35) et satisferait ses concurrents (verset 36).
Ce naufrage était prévisible, car les pilotes du bateau étaient les sages de Tyr (verset 8). Or seul Dieu peut donner à un homme la sagesse pour bien se conduire1 Rois 3. 9-12. La sagesse du monde est une folie pour Dieu et ne peut mener qu’à la ruine éternelle.
Ce naufrage de Tyr dû à sa corruption peut trouver un parallèle dans le N.T. : Paul parle d’hommes qui ont abandonné une bonne conscience devant Dieu et qui ont ainsi “fait naufrage quant à la foi” 1 Timothée 1. 19, 20. Quelle terrible fin et quel avertissement pour nous : exerçons-nous toujours à avoir une conscience sans reprocheActes 24. 16.
L’histoire de Tyr est aussi d’une actualité frappante pour nos pays occidentaux : le développement économique est la préoccupation majeure de notre société et l’accumulation des richesses est vue comme le moyen de parvenir au bonheur sur la terre. Or la prospérité matérielle ne conduit généralement qu’à l’orgueil (verset 3) et “l’orgueil va devant la ruine” Proverbes 16. 18. L’exemple de Tyr ne devrait-il pas ouvrir les yeux de beaucoup, afin qu’ils échappent à ces écueils ?