L’apôtre, dans un même verset, fait mention de son extraordinaire révélation et de son écharde. L’une est la conséquence de l’autre. L’écharde a un rôle :
Il est souffleté par un ange de Satan1. On pourrait s’étonner que Satan intervienne pour prévenir l’orgueil. Mais son propos était de faire chuter l’apôtre. Alors que celui de Dieu était, au contraire, de prévenir la chute.
Pendant la vision, dans le ciel, il n’y avait aucun danger d’orgueil pour l’apôtre. Christ est tout. Mais au retour à la condition humaine, la chair incorrigible est prête à s’enorgueillir. Oui, même Paul avait en lui cette racine d’orgueil susceptible de resurgir2.
Ce verset commence et finit par les mêmes mots : “afin que je ne m’enorgueillisse pas”. Par la grâce divine, il a été ravi au troisième ciel et par cette même grâce il a reçu l’écharde.
En quoi consistait-elle ? Il ne s’agissait pas d’une épreuve spirituelle ou mentale, mais bien physique : une écharde “dans la chair”, c’est-à-dire dans le corps. C’était une affection, peut-être oculaire, qui provoquait le mépris (10. 10) et même le dégoûtGalates 4. 14, 15. On comprend aussi que, contrairement aux épreuves dues aux circonstances, rappelées au chapitre 11, il s’agissait d’une souffrance permanente, harcelante, liée sans répit à son corps. Quel exercice de patience !
Si l’apôtre a eu son écharde, attendons-nous à avoir aussi la nôtre sous une forme ou une autre. Qui pourrait dire qu’il n’en a pas besoin ? Une écharde n’a pas pour but de corriger la chair. Rien, ni personne, ne peut corriger la chairRomains 8. 7 : ni le déluge, ni la loi, ni la grâce en Jésus Christ, ni le Saint Esprit, ni même l’accès au troisième ciel, ni, plus tard, le règne millénaire. La raison d’être de l’écharde est de rendre la chair impuissante. C’est la condition pour que la grâce du Seigneur et sa puissance s’exercent. La puissance du Seigneur ne s’accomplit pas dans la puissance de la chair.
Il n’y a qu’un seul homme pour lequel l’écharde n’a jamais été nécessaire : le Fils de Dieu, lui, la gloire du ciel. Descendant de la montagne de la transfiguration, il ne permet pas à ses disciples de parler de sa gloire qu’ils avaient contemplée. Et si l’homme divin est, sans transition, mis en présence de Satan, du péché et de ses conséquences, c’est dans une humilité parfaite qu’il reprendra son travail en faveur de sa créature souffrante. Non, il n’y a point de péché en lui1 Jean 3. 5, et le chef de ce monde n’avait rien en luiJean 14. 30. L’écharde est absolument inutile. Il est parfaitement digne de la gloire qui lui est rendue.
Notre chair, que nous avons tendance à épargner et même à soigner, est impropre à la présence de Dieu et à son service. Mieux vaut qu’elle soit humiliée par une écharde pour empêcher qu’elle se manifeste, plutôt que d’avoir à subir l’humiliation, comme fruit de son activité.
Non seulement le travail de l’apôtre ne sera pas entravé par l’écharde mais, à cause d’elle, il jouira d’une plus grande grâce et d’une puissance accrue. L’écharde l’humiliera, mais la grâce le consolera. Voilà pourquoi, malgré sa sincérité, sa droiture et son apparente logique, la prière de Paul n’a pas été exaucée. D’autres, avant lui, avaient fait la même expérience. Car une prière n’est pas un ordre, ni même une suggestion présentée à Dieu.
Abraham n’a pas eu la réponse souhaitée quand il dit à Dieu : “Oh, qu’Ismaël vive devant toi !” Genèse 17. 18. Élie le Thishbite avait demandé la mort pour son âme1 Rois 19. 4, mais Dieu lui conserva la vie.
Combien, dans ces deux cas, la pensée de Dieu était grâce et bénédiction, bien au-dessus de la prière formulée !
Paul s’adresse au Seigneur, dont il connaît déjà de nombreux exaucements. Maintenant, à trois reprises, il appelle au secours, mais l’écharde restera. Une grâce surabondante lui sera accordée, pleinement suffisante pour supporter son écharde. Elle augmentera plus vite que l’épreuve et au fur et à mesure que la faiblesse sera ressentie. La grâce est le terme de tout. C’est elle qui couronnera tout l’édifice, l’église qui, elle-même, est un monument de la grâceZacharie 4. 7.
Qu’elle soit notre seul secours, notre seul recours, la source de toute force pour endurer l’épreuve avec patience, pour servir et remporter la victoire !
La leçon était dure, mais elle sera bien apprise par Paul. Le point de départ, c’est la perte totale de la confiance en la chair. Ensuite la confiance dans le Seigneur et sa puissance apporte la réponse. Cette puissance est libre de se manifester dans l’infirmité qui n’est pas le péché, répétons-le.
Jean le Baptiseur n’est rien en lui-même, il n’est qu’une simple voix dans le désertJean 1. 23. Gédéon est le plus petit dans la maison de son pèreJuges 6. 15. De même, Paul n’est rien (12. 11). Et, en fait, Jean le Baptiseur sera le plus grand des prophètes, Gédéon un grand vainqueur, et Paul le plus excellent des apôtres.
Le Seigneur lui parle : “Ma grâce te suffit”. Cette parole a tout son effet : les eaux amères sont devenues douces, la détresse disparaît. Il reçoit grâce, richesse, puissance et gloire. Non, il ne demandera pas une quatrième fois que l’écharde se retire. Paul se soumet sans regimber, sans amertume, sans se croire lésé en rien. Il a au contraire un grand gain. La puissance du Seigneur va s’accomplir en lui, et demeurer sur lui (verset 9), pour le rendre fort (verset 10).
Nous pouvons nous émerveiller de voir ce travail de l’Esprit en Paul. Car, qui aimerait perdre sa force personnelle, sa belle apparence, son éloquence, ou toute qualité humaine ?
Il en arrive à affirmer prendre “plaisir” dans ses “infirmités”. Voilà deux mots pourtant bien contradictoires. Et toutes ses autres épreuves, résumées ici en quatre expressions, sont autant de motifs de plaisir : infirmités, outrages, nécessités, persécutions. Ne voyons pas là une incitation au masochisme3. Ce ne sont évidemment pas la maladie ou la souffrance qui amènent la puissance.
Paul recevait tout du Seigneur : épreuves et puissance. Ceux qui s’infligent volontairement des peines ou des macérations le font pour leur propre gloireColossiens 2. 22, 23. Donc, pour ce qui nous concerne, abstenons-nous de témérité, de risques inutiles ou d’exploits ; mais manifestons une humble soumission à Celui qui conduit nos circonstances. Nos temps sont en la main du Seigneur. Si l’épreuve nous atteint, gardons-nous de nous débattre, de nous révolter, ou de nous laisser accabler. Soumettons-nous sous la puissante main de Dieu et recherchons la raison profonde des choses. Son propos est toujours de nous faire du bien à la fin.
Portons une fois de plus les yeux sur l’homme Christ Jésus dont la dépendance fut parfaite. Sa seule force a été en son Dieu : “Je serai glorifié aux yeux de l’Éternel, et mon Dieu sera ma force” Ésaïe 49. 5. Sa seule puissance, en tant qu’homme, a été celle du Saint Esprit : “Jésus s’en retourna en Galilée dans la puissance de l’Esprit” Luc 4. 14.
Récapitulons, en terminant, les enseignements de ces versets :
Alors, le témoignage du croyant sera fidèle et son travail ne sera pas vain dans le Seigneur.