Paul veut entraîner les Corinthiens à sa suite dans le chemin excellent de l’amour. Quel en est le secret ? Un pacte avec le monde ? Au contraire, c’est en s’en séparant. Ne pensons pas qu’il y ait là une contradiction. Certains voudraient que notre amour s’exprime en élargissant nos voies, c’est-à-dire notre façon de vivre. Et on penserait volontiers que la marche dans un chemin étroit équivaut à une sécheresse du cœur. On parle d’œcuménisme, de mettre toutes nos convictions en commun. Or, c’est exactement l’opposé de l’enseignement que donne ici l’apôtre.
Si les Corinthiens avaient besoin de ces exhortations, c’est qu’ils toléraient des alliances illicites. En effet, le monde aime ce qui est sienJean 15. 19. Hélas, le mal dénoncé ici n’était qu’à son début. Il se développera pendant des siècles pour ruiner la chrétienté. Le Seigneur avait pourtant dit : “Ils ne sont pas du monde”, en parlant de ses disciplesJean 17. 16. Paul veut les détacher de ceux qui reniaient Christ et qui reconnaissaient la chair. “Ceux qui habitent sur la terre” Apocalypse 8. 13, et ceux qui ont un appel céleste, peuvent-ils avoir une même conception de la vie, les mêmes motifs, les mêmes buts ?
L’apôtre donne d’abord un ordre, avant de poser cinq questions laissées sans réponse ; il termine par un appel puissant à se séparer pour Dieu et vers Lui, accompagné de précieuses promesses (versets 17, 18).
Trois domaines, où la séparation est nécessaire, sont envisagés :
Ces trois formes de séparation se trouvaient déjà en figure dans la loi de MoïseLévitique 19. 19. Ce sont, dans le même ordre, trois interdictions :
Que signifie l’expression : “sous un même joug” ? C’est se trouver ensemble sous la même autorité. Or, sachons bien qu’en définitive il n’y a, fondamentalement, en ce monde, que deux autorités : celle de Christ et celle de Satan. Toutes les associations qui nous priveraient de notre liberté de conscience et d’action constituent un joug, alors que nous professons ne dépendre que du Seigneur et être sous son joug. Et nous savons, de la bouche du Seigneur lui-même, que son joug est aiséMatthieu 11. 30.
L’exemple le plus typique d’un joug mal assorti est celui du mariage d’un croyant avec un incrédule. Comment, dans ces conditions, tracer ensemble le même sillon de la vie ici-bas ? On peut invoquer l’espoir que l’incrédule se convertira plus tard grâce au conjoint chrétien. Mais comment croire qu’on puisse être un témoin efficace quand on a pris volontairement un chemin de flagrante désobéissance ?
Dans la vie courante, il n’est pas question d’abdiquer toute relation, tout contact, toute affaire avec les incrédules. Comme le dit Paul lui-même, “il faudrait ainsi que vous sortiez du monde” 1 Corinthiens 5. 10. Mais sachons bien que la crainte de Dieu ne se trouve pas chez l’incrédule. Celui-ci n’a pas les scrupules de cœur et de conscience du chrétien, ni les mêmes objectifs, ni les mêmes ressources, ni les mêmes joies. Comme le dit le prophète Amos : “Deux hommes peuvent-ils marcher ensemble s’ils ne sont pas d’accord ?” Amos. 3. 3
Que de douleurs et que de dangers ont dû traverser ceux qui ne se sont pas soumis à cette règle ! Ce fut le cas d’Abdias1 Rois 18. 3-16 et de Josaphat2 Chroniques 18. 1, 29-32. Non, il y a incompatibilité absolue entre ces deux domaines, et même opposition complèteGalates 5. 17 ; Éphésiens 5. 7-14. La lumière exclut les ténèbres et réciproquement.
Est-il possible d’accorder Christ avec Béliar1 ? Le Seigneur avait déclaré : “Le chef de ce monde vient, et il n’a rien en moi” Jean 14. 30. De même la foi et l’incrédulité sont deux pôles contraires. Croyants et incroyants n’ont pas de part commune. “Tu n’as ni part ni portion dans cette affaire”, avait dit Pierre au magicien Simon, serviteur de SatanActes 8. 21. En revanche, les croyants ont une même part avec tous les sanctifiésActes 26. 18.
A la séparation morale et spirituelle correspond la différence entre l’objet de notre adoration et celui de ce monde.
Nous formons le temple de Dieu. Cela est affirmé positivement ici, comme dans la première épître1 Corinthiens 3. 16. Nous sommes édifiés une maison spirituelle1 Pierre 2. 5. L’obéissance en est la conséquence immédiate et impérative.
Pour Israël, les promesses : “J’habiterai au milieu d’eux, j’y marcherai et je serai leur Dieu” (verset 16) étaient assorties de conditionsLévitique 26, 3, 11, 12.
Il n’en est plus ainsi pour les chrétiens, peuple céleste. Mais les Corinthiens, s’ils négligeaient la sainteté demandée ici, perdraient la jouissance de leurs relations avec Dieu. Et le dommage est d’autant plus grand que ces relations sont plus intimes que celles d’Israël avec Dieu.
Le peuple d’Israël avait connu le Seigneur, l’Éternel, le Tout-PuissantGenèse 17. 1 ; Exode 6. 7. Et à ce titre, c’était déjà un peuple qui devait habiter seul et ne pas être compté parmi les nationsNombres 23. 9. Délivré des idoles de l’Égypte, il était toutefois retombé dans l’idolâtrie dans le désert et dans le pays de la promesse. Cet état avait duré déjà plus de huit siècles quand Jérémie s’indigne : “Quoi ? … brûler de l’encens à Baal, marcher après d’autres dieux… et vous vous tenez devant moi dans cette maison qui est appelée de mon nom ?” Jérémie 7. 9, 10 Aussi, comme châtiment, Dieu avait déporté son peuple à Babylone. Mais, cent trente ans plus tôt, Ésaïe, prévoyant non seulement cette déportation, mais aussi sa délivrance triomphale, ordonne au peuple de sortir de cette ville, symbole de la corruption, et de se purifier d’elleÉsaïe 52. 11. Et dans sa grâce, Dieu avait fait la promesse d’une relation future : “Je serai au milieu d’eux”. Il y aura une alliance de paix, une alliance éternelleÉzéchiel 37. 26, 27.
Toutefois, la relation plus étroite de père et de fils ne leur était pas annoncée, sinon à leur Roi, le Messie. En effet, la promesse rappelée ici par l’apôtre (verset 18) est une citation libre des paroles de l’Éternel à David au sujet de son fils Salomon, type de Christ1 Chroniques 17. 11-14.
Si l’apôtre fait ici allusion à ces divers passages de l’A.T., c’est pour les appliquer aux Corinthiens, donc aussi à nous.
Dès maintenant, nous connaissons le Père, qui cherche des adorateurs. Sanctifiés par la véritéJean 17. 17 et reçus par lui, nous pouvons dès maintenant avoir toute la joie de sa communion. Mais il faut pour cela réaliser la séparation dont parle l’apôtre. En effet, Dieu nous fait goûter les relations de famille de manière toute spéciale, quand nous nous tenons moralement séparés du monde. C’est la condition pour lui rendre culte en esprit et en vérité.
Ce verset, en effet, peut être considéré comme la conclusion de tout ce passage sur la séparation, peut-être l’un des plus importants du N.T. sur ce sujet. La séparation du croyant consiste à la fois en une attitude extérieure (6. 11-18), et un état intérieur (7. 1). C’est à ce prix que la sanctification sera complète, “achevée”. Une séparation extérieure seulement, de pure forme, serait du pharisaïsme.
Nous voyons que le corps et l’esprit peuvent être atteints par la pollution morale des hommes. Nos pensées, notre jugement sont facilement souillés par l’esprit de ce monde. La parole de Dieu, elle, nous sanctifiera. Il le faut, nous le répétons, pour que la communion avec notre Dieu soit possible. Dieu est amour, mais il n’est pas moins lumière. Appliquons-nous donc à être “saints” dans toute notre conduite parce qu’il est écrit : “Soyez saints, car moi je suis saint” 1 Pierre 1. 15, 16.