Habitués à faire de nous-mêmes le centre de nos pensées, n’allons pas imaginer pour autant que notre bonheur soit la toute première pensée de Dieu. La place que Dieu nous donne en Christ dans les lieux célestes doit contribuer à montrer un aspect de sa gloire qui n’apparaissait pas dans la création des mondes et qui suppose comme celle-ci des témoins pour l’admirer (le chapitre 3 donnera l’occasion de parler de ceux de ces témoins qui sont dans les lieux célestes).
Qu’est-ce que Dieu désirait montrer dans les siècles à venir à l’ensemble de ses créatures ? Quelque chose que celles-ci ne connaissaient pas, qu’elles n’avaient jamais vu : sa grâce déployée dans ses immenses richesses.
La grâce est la manifestation de l’amour envers ceux qui n’en sont pas dignes. Ceci est propre à l’amour de Dieu dont la source est dans son cœur à lui, non en ceux qui en sont les objets. Sa démonstration réclamait des indignes, des personnes comme la Samaritaine de Jean 4, la prostituée de Luc 7 ou le brigand de Luc 22. Elle voulait atteindre aussi des gens comme vous et moi, des pécheurs faisant partie de ces nations qui n’avaient que leur misère morale pour les recommander.
Dieu met en évidence le contraste entre la condition où il nous a pris – la mort – et la place qu’il nous donne – les lieux célestes. Ainsi apparaît la mesure de la grâce. Où celle-ci nous trouve-t-elle ? Dans la mort : nous ne pouvions être pris plus bas. Où nous transporte-t-elle ? Dans les lieux célestes en Christ : nous ne pouvions être placés plus haut. La distance qui sépare notre condition ancienne de notre nouvelle position permet d’apprécier l’immensité de la grâce divine. Déjà dans son cantique, Anne célébrait cette grâce de l’Éternel dont elle porte le nom1 : “De la poussière il fait lever le misérable, de dessus le fumier il élève le pauvre, pour les faire asseoir avec les nobles : et il leur donne en héritage un trône de gloire” 1 Samuel 2. 8.
Mais si cette mesure de la grâce nous est donnée en quelque sorte de bas en haut par notre propre histoire, n’oublions pas qu’il faut la considérer d’abord de haut en bas dans l’anéantissement et l’abaissement du Fils de Dieu depuis la gloire suprême jusqu’à la mort de la croix, chemin dont les versets 6 à 8 de Philippiens 2 nous décrivent les étapes.
Or Christ est là-haut maintenant comme celui qui a accompli le salut. Et nous y sommes vus en lui, comme les bénéficiaires de ce salut.
“Vous êtes sauvés par la grâce”, répète le verset 8, et comment en douter après l’exposé des merveilles accomplies par Dieu en notre faveur ? Qu’est-ce que l’homme pourrait ajouter à l’œuvre grandiose dont le déroulement vient de nous être présenté ? Le salut est un pur don de Dieu qu’il faut recevoir aux conditions de Dieu, c’est-à-dire gratuitement. “Non pas sur le principe des œuvres”, insiste le verset 9. Car Dieu connaît la tendance tenace du cœur humain à vouloir s’attribuer quelques mérites et quelques droits. Si Dieu a mis de côté toute œuvre humaine pour le salut, c’est pour mieux travailler lui-même. L’œuvre est parfaite, n’y ajoutons rien. Quelle prétention ce serait de vouloir la compléter ou la retoucher !
Ce grand salut, accompli une fois pour toutes, Dieu nous l’offre donc sans contrepartie. Avancer notre main pour le saisir suffit pour en prendre possession. Ce geste s’appelle la foi, et il est le résultat d’un travail de Dieu dans le cœur. Oui, tout découle de la grâce de Dieu, y compris la foi.
“Son ouvrage” 2 n’est pas ici ce qu’il fait pour les siens, ce sont les siens eux-mêmes, et ce ne peut être qu’un travail bien fait. Dieu a commencé à travailler pour nous et continue son travail en nous. Romains 8. 29 nous en parle comme d’une œuvre d’art, destinée à nous rendre conformes à l’image morale de son Fils telle qu’il se propose de la présenter à l’univers dans les siècles à venir.
Si les bonnes œuvres ne sont en rien la cause du salut, elles en sont la suite normale et même le but puisqu’il est dit que nous avons été créés pour elles. Nous ne faisons pas des œuvres pour être sauvés, mais parce que nous le sommes. Et même ces œuvres-là, l’Esprit de Dieu nous précise que ce n’est pas nous qui les préparons ; il ne nous appartient ni de les choisir, ni de décider si nous voulons ou non les faire, ni même de quelle manière nous allons nous y prendre. Dieu, qui a expressément créé les ouvriers pour les bonnes œuvres, a préparé aussi d’avance les bonnes œuvres pour les ouvriers. A eux de les reconnaître et de rester disponibles pour qu’à travers eux son travail à lui puisse s’accomplir, le travail de sa grâce.