Avant la victoire remportée par le peuple à la suite de l’action de Jonathan, Saül avait proclamé par serment un jeûne. Sa façon de s’exprimer trahit son égocentrisme : “Jusqu’à ce que je me sois vengé de mes ennemis”. Il est occupé de lui-même et non de Dieu, ni même du peuple. Son commandement arbitraire va limiter les effets de la victoire. Or c’est l’Éternel qui, par Jonathan, avait sauvé Israël sans que Saül n’y fût pour rien.
Quelle attitude regrettable ! La pensée de Dieu avait été de bénir, celle de Saül est de maudire. Il est étranger à la joie de DieuLuc 15. Quel besoin avait-il de prescrire un jeûne au moment de l’effort ? Sur le plan moral, le jeûne est licite s’il est accompagné de prière et s’il est librement consenti. Il ne doit être ni rituel, ni légal. Si Saül n’avait pas été impatient (verset 19), une réponse divine l’aurait certainement empêché d’adjurer ainsi le peuple. Quel mauvais berger, aux antipodes du vrai bon Berger qui dit un jour : “Je suis ému de compassion… ils n’ont rien à manger” Matthieu 15. 32.
Égoïsme,
Dans sa grâce, Dieu prépare un réconfort pour son peuple. Tous voient du miel coulant en abondance d’arbres creux qui contenaient des essaims. Mais, dans la crainte servile qui les assujettit, personne n’ose profiter de ce secours divin. Gardons-nous d’être retenus par un système religieux superstitieux ou légal, pour recevoir avec simplicité de cœur et reconnaissance tout don parfait du Père des lumièresJacques 1. 17.
Jonathan, qui se tient à part, ignore ce serment et profite en toute bonne conscience de ce soulagement providentiel. La foi est étrangère aux ordonnances charnelles et aux rites légaux. Occupé par les “combats de l’Éternel” (25. 28), il est libre vis-à-vis des commandements de l’homme. Il use de ce miel avec sobriété, avec le bout de son bâton, sans s’attarder. Comme les soldats de GédéonJuges 7. 6, profitons de tout ce que Dieu met librement devant nous avec sobriété : ainsi notre service n’en souffrira aucun préjudice.
Mis au courant, après coup, du décret de son père, il le réprouve en considérant ses conséquences funestes. Le “miel” parle des choses douces de la nature dont on peut faire usage sans excès, sans préjudice spirituel1.
La multitude du peuple se trouve donc privée de sa force au moment où elle en a le plus besoin. Ils sont rendus incapables de compléter la victoire à cause de leur mauvais roi. L’Éternel connaissait leurs besoins : ils étaient accablés (verset 24), fatigués (verset 28), très fatigués même (verset 31). Mais l’homme sans foi se laisse diriger par ses propres pensées : il se prive lui-même et prive les siens des ressources d’en hautÉsaïe 40. 29, 30, 31.
Le fardeau était trop lourd, au-dessus des forces du peuple. Tout le monde savait que manger la viande avec le sang était une grave profanationGenèse 9. 4 ; Lévitique 19. 26 ; Deutéronome 12. 23, 24. Le sang est la vie et celle-ci appartient à Dieu seul. C’est ainsi qu’un abus légal et une exigence arbitraire peuvent aboutir à une grave transgression d’un ordre divin qui, lui, n’est pas arbitraire. La crainte du roi a conduit à l’abandon de la crainte de Dieu.
Saül culpabilise immédiatement le peuple sans se reconnaître, lui, comme le vrai coupable. Sans sa folle exigence, ce péché n’aurait jamais été commis. Il rétablit toutefois la manière de manger la viande conforme aux ordonnances divines2.
Dans une piété de forme, Saül bâtit son premier autel à l’Éternel. Les signes extérieurs du culte sont là : le sacrificateur, l’éphod, l’arche, le respect des ordonnances concernant le sang. Mais le lieu et le moment sont-ils bien choisis pour établir cet autel ? Le roi est rejeté et le sacrificateur est en disgrâce. Un tel autel peut-il justifier le peuple, chez qui nous ne voyons pas de confession ?
La nuit même de ce péché (verset 34), Saül aurait voulu continuer la poursuite (verset 36), alors que rien n’était réglé devant Dieu. Il se laisse conseiller par le sacrificateur et consulte Dieu sans se rendre compte, semble-t-il, de son état. L’absence de réponse signifie certainement que Dieu a été offensé (verset 37). Mais ce silence irrite Saül et lui fait réaliser qu’il y a eu péché. Mais quel péché ? Il pense uniquement à la transgression de son serment. Pour lui, le péché est partout, sauf en lui-même. Il décide, selon une coutume admise à l’époque, de tirer au sort (verset 41) Josué 7. 16-18 ; Proverbes 16. 33.
Son attitude et ses paroles montrent qu’il suspecte fortement Jonathan. Logique avec lui-même et persuadé d’être du côté de Dieu, il jure avec véhémence par l’Éternel que le coupable mourra, même si c’était son propre fils. Au silence de Dieu succède le silence réprobateur du peuple.
Toute cette scène illustre ce qui se passe dans le monde religieux actuel : on impose ou on s’impose des devoirs religieux, des dévotions, avec le désir inconscient de tranquilliser sa conscience, alors que la question du péché n’est pas réglée devant Dieu. La racine de tous les maux n’est-elle pas l’absence de repentance et l’ignorance ou l’abandon de la vraie grâce de Dieu ?
Jonathan est découvert. Saül, déterminé et endurci, décrète sa mort avec un troisième serment au nom de l’Éternel (verset 44). Jonathan répond calmement et dignement et ne résiste pasJacques 5. 6. Mais contrairement à la fille de Jephté, elle aussi victime d’un serment insensé de son pèreJuges 11. 30, 31, il est sauvé par le peuple. Celui-ci avait dit deux fois : “Fais tout ce qui est bon à tes yeux” (versets 36, 40). Mais maintenant, réveillé et indigné, le peuple prend, lui aussi avec serment, le contre-pied du roi et justifie Jonathan. Saül est laissé à sa folie et à sa honte !
Pourtant, dans sa miséricorde, Dieu surmonte le mal par le bien. Il permet une certaine prospérité générale pendant le règne de Saül : dans toutes les directions, les ennemis seront tenus en respect. Cependant, aucun ne sera exterminé définitivement, d’où la nécessité d’une armée permanente. Ce n’est plus le temps de Samuel (7. 13) et pas encore celui de David2 Samuel 8 ou de Salomon1 Rois 5. 5. Saül compte sur ses propres forces. Il prend des hommes forts auprès de lui, mais ne gagnera le cœur d’aucun d’eux.
Retenons de ce chapitre que la foi peut nous faire remporter des victoires sur le monde mais peut aussi nous attirer l’opprobre, même de la part de ceux qui portent le nom de chrétien. Par ailleurs, le légalisme et l’activité de la chair ne peuvent qu’entraver l’œuvre de Dieu.